Comme la plupart des villes du Royaume, Tanger possède sa Médina qui abrite deux marchés: le petit Socco et le grand Socco. Cette esplanade fut d'ailleurs si chère à Joseph Kessel qu'il lui consacra un livre remarquable «Au Grand Socco», édité en 1952 chez Gallimard. D'autres noms illustres de la littérature mondiale ont été fortement imprégnés par les couleurs et les lumières de Tanger. L'animation et le grouillement du Grand Socco ont inspiré tous ceux qui, fascinés, ont regardé «du matin au soir, ces marchands, acheteurs et curieux se rencontrant en plein soleil, en plein vent, parmi les oripeaux aux cent couleurs et la rumeur aux mille cris». Cet immense marché qu'est le Grand Socco porte encore les traces de Paul Bowles, Jean Genet, Paul Morand, de Pasolini, Delacroix, Dumas, Matisse, ou encore Barthes, Tennessee Williams et Truman Capote. L'auteur «de Petit déjeuner chez Tiffany» écrira : «Presque tout, à Tanger, est anormal». C'est encore vrai, un demi-siècle après. En cherchant les fantômes littéraires dans les venelles du Grand Socco, on croise des petites frappes échappées de l'Interzone de Burroughs, bien décidées à vous dérober vos lunettes, vous proposer un éphèbe ou un peu de poudre de perlimpinpin. Et il n'est pas rare de voir briller l'éclat d'une lame... Les délices de l'Orient ne sont jamais loin des frayeurs». Dès la tombée de la nuit, il faut trouver refuge dans un palais oublié. Là, des musiciens auréolés de vapeurs de kif jouent les airs de Jajouka qui fascinèrent Brian Jones, Mick Jagger et tous les enfants spirituels des beatniks.