Viol incestueux Nous avons contacté l'avocat de Leila, qui se trouve être un membre bénévole de l'Association «Touche pas à mon enfant». Dans cette affaire, comme dans d'autres, Me Abdelmoula Gherrabi, se porte partie civile. Dans le cas de Leila, il demande que le père reconnaisse le crime, en plus d'un dirham symbolique. Dans le cas de Leila, le père incestueux ayant une fonction militaire, doit être jugé au sein du tribunal militaire. D'ailleurs en ce moment même et depuis que sa fille a porté plainte auprès de la police, Saïd.A est dans la prison militaire. Il le restera le temps qu'il faudra pour passer devant le juge d'instruction. «Dans le cas de Saïd.A, nous ne pouvons pas nous présenter en tant que partie civile, puisque son jugement se fera dans un tribunal militaire», explique Me Gherrabi. «Mais dès que le jugement sera prononcé à son égard, nous allons porter une plainte civile contre lui pour demander des indemnités», signale t-il. Tout ce que l'association demande au nom de la fille c'est que le père reconnaisse son préjudice. Une simple question de principe. «Ce n'est pas l'argent qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse c'est de briser le tabou autour de tels comportements pour les combattre…», signale l'avocat. D'ailleurs en tant que partie civile, «Touche pas à mon enfant» demande un simple dirham symbolique et des «excuses». Encore faut-il prouver que le viol incestueux a effectivement eu lieu. Ceci s'avère la tâche la plus dure à accomplir de la part du plaignant. Un parcours de combattant pour les victimes, souvent jeunes et sous la pression de leurs familles et de la société. Autre difficulté et pas des moindres : la victime d'un viol est tenue de porter plainte dans les 24 heures. Dans le cas contraire, elle serait considérée comme consentante de l'acte sexuel (!) L'explication d'un avocat : Quand la victime tarde à porter plainte, prouver l'acte de viol devient difficile, puisque les traces physiques de l'agression disparaissent vite… ”. L'inceste ? La loi ne connaît pas ! Le code pénal Marocain ne connaît pas l'inceste, ou du moins, ne le reconnaît pas explicitement. Ce dernier ne fait pas l'objet d'un texte de loi spécifique. L'inceste est simplement traité comme un viol (si la victime est adulte), ou comme une affaire de pédophilie (si la victime est mineure). N'empêche que dans les deux cas, le fait que cet abus sexuel soit commis par un ascendant légitime (qu'il soit naturel ou adoptif), est considéré comme une circonstance aggravante… chose qui alourdit certainement la peine de quelques années supplémentaires. Mais la loi marocaine, réputée pour son indulgence à l'égard de tels phénomènes (inceste, pédophilie, viol…), trouve tout de même des circonstances atténuantes pour les acteurs de ces crimes absurdes : «En cas d'inceste, la justice fait passer à l'accusé des examens psychologiques. Les résultats prouvent dans la majorité des cas que l'accusé en question souffre de troubles mentaux et psychologiques, souvent graves…», explique Me Mohamed Chamsi qui a déjà eu à traiter de ce genre d'affaires. Mais d'une manière générale, les peines prévues contre les atteintes aux mœurs, ou ce qu'on appelle «Ousoul», dans le code pénal sont aggravées lorsque l'infraction a été commise par un ascendant (père, frère, oncle, grand-père, neveu, fils, beau-frère…). Des peines qui peuvent aller de 5 à 20 ans d'emprisonnements jusqu'à une réclusion criminelle à perpétuité. En parallèle, la loi marocaine continue à interdire l'avortement même dans des circonstances aussi absurdes que celles d'une grossesse qui résulte d'un inceste. Et en attendant, les fruits de l'inceste, comme la fille de Leila seront enregistrés sous le statut : « X ben X». Le législateur est cependant loin d'être aussi sévère à l'égard de ces criminels. Rares sont les affaires de ce genre qui aboutissent devant les tribunaux. Rares même sont les filles qui osent faire le pas de porter plainte, voire même d'en parler avec les membres de leurs familles. Le tabou autour de l'inceste reste encore très fort. “Touche pas à mon enfant”, une association créée en 2004 suite à une affaire de pédophilie tente, tant bien que mal, de briser le tabou. L'association, présidée par Najat Anouar, compte un nombre de plus en plus croissant d'avocats et de psychologues qui travaillent d'une manière bénévole en faveur des victimes de toutes sortes de violences sexuelles, notamment à l'égard des enfants. L'association assure aux victimes et à leurs familles un soutien à la fois matériel et psychologique.