droits de l'homme Le 30 novembre dernier, la candidature de Saâdia Belmir (*) a été retenue par l'ONU pour faire partie des 5 membres qui formeront le prochain Comité international contre la Torture. Celui-ci prendra fonction à partir du 31 décembre courant et siégera jusqu'en 2007. Interview. La Gazette du Maroc : Le Maroc siège désormais au sein du Comité international contre la torture. Il y a de quoi être flatté… Saâdia Belmir : Certainement, il s'agit d'un comité chapeauté par les Nations Unies et qui se trouve être stratégique par rapport à la situation des droits de l'homme dans n'importe quel pays. Au moment où on a déposé une candidature à mon nom pour représenter le Maroc au sein de ce Comité, j'avoue que je n'y ai pas cru du tout. J'ai tout de suite pensé que d'autres pays sont beaucoup mieux préparés que nous pour faire partie d'un tel Comité. Le Maroc n'est pas encore prêt, pour ce qui est du domaine des droits de l'homme, pour en faire partie. Je n'ai donc fait aucune campagne dans ce sens, alors que j'ai appris que d'autres candidats d'autres pays menaient sérieusement campagne pour être retenus membres. Si le Maroc n'est pas prêt, pourquoi s'être porté candidat ? Parce qu'on s'est dit que le fait de déposer la candidature du Maroc est d'ores et déjà un signe de bonne volonté de la part de notre pays d'évoluer dans le sens du respect des droits de l'homme. C'était un pas à franchir. Qu'on soit retenu ou pas, ce n'était pas le plus important. Puis la surprise : le Maroc est retenu pour siéger dans ce Comité ! Il est vrai que c'était une surprise. On ne s'y attendait pas du tout. Mais à présent le fait qu'on fasse partie des cinq membres de ce comité représente une énorme ouverture pour le Maroc. C'est un message fort de la part des Nations Unis pour pousser notre pays à s'engager plus sérieusement dans le respect des droits de l'homme. C'est, pour nous, une sorte d'encouragement et ce serait vraiment dommage de ne pas saisir cette occasion. Ceci fera certainement que le Maroc va perdre en terme de crédibilité. C'est son image qui est en jeu. En tout cas cette nomination vient à un moment où la crédibilité du Maroc est de nouveau mise en doute par le récent rapport de Human Rights… Dans ce rapport on avance certaines allégations, le Maroc n'a qu'à se défendre. Il existe certainement encore beaucoup choses à critiquer au niveau du respect des droits de l'homme au Maroc, mais il faut aussi se dire que depuis 5 ou 6 ans, le pays s'est engagé dans cette voie d'une manière plus concrète et plus logique. Des exemples de cet «engagement concret» ? Beaucoup de choses ont été faites, dont la plus visible est la création de l'Instance équité et réconciliation (IER), je cite également l'adoption de la nouvelle Moudawana, la réforme du code du travail, celui de la nationalité… Tout cela est dû surtout au réveil de la société civile qui complète une certaine volonté politique. Pendant très longtemps au Maroc, nous entendions beaucoup de paroles dans le sens du respect des droits de l'homme sans une véritable action, mais ces dernières années, nous assistons à un dosage équilibré entre la parole et l'action, grâce notamment à l'implication de la société civile. Ceci dit, le chemin à parcourir reste encore très long. Vous avez cité l'IER en premier. Le travail de cette instance aurait-il suffit pour rompre avec les années de plomb? Je ne sais pas. Je crois que c'est aux victimes de ces années là d'en décider. En tout cas, c'est un très bon début. De plus, ce n'est pas en créant une instance comme l'IER qu'on réglera le problème des droits de l'homme. C'est un problème permanant qui se règle dans le temps et dans la continuité surtout. Parce que lorsqu'on s'engage dans cette voie, il est très mauvais de reculer. Ceci dit, des reculs sont inévitables et il faut les prévoir, mais il faut aussi prévoir les moyens d'y remédier au plus vite. (*) Juge, présidente de Chambre auprès de la Cour Suprême, attachée au Cabinet du ministre de la Justice, membre du Comité international contre la Torture de l'ONU.