Trois questions a Abdelhak Loubane Professeur de communication d'entreprise à l'ISIC (Institut supérieur de l'information et de la communication), Abdelhak Loubane explique le sens et la portée de la pratique du mécénat pour les entreprises marocaines. La Gazette du Maroc : Qu'est-ce que le mécénat ? Abdelhak Loubane : Pour l'histoire, le vocable mécénat est issu du long parcours sémantique d'un nom propre : "maecenas" qui était le ministre d'un empereur romain, qui fut protecteur des écrivains, des artistes, des savants, etc. Le mot "mécène" est apparu au 16ème siècle pour désigner un homme riche et/ou puissant qui aide financièrement ces mêmes personnes. Il faut mentionner également, pour ce qui concerne notre mémoire collective, un rapprochement entre le mécène et le "mouhcine" (bienfaiteur). Les deux vocables ayant en commun la discrétion et la volonté de faire du bien. Ce qui les différencie, par contre, ce sont les retombées escomptées : le "mouhcine" appréhende l'au-delà, le mécène a les yeux braqués sur la courbe symbolique de son image. Qu'en est-il du mécénat dans le milieu de l'entreprise ? Le mécénat est aujourd'hui entendu comme l'ensemble des concours consentis par une entreprise, en faveur des domaines considérés par la société comme d'intérêt général. Le mécénat a donc pris des formes diverses au gré des besoins de la société qui s'étendent actuellement aux champs de la culture, du social, de la santé et de l'environnement. Les formes concrètes de ce type de mécénat peuvent aller des dattes que l'ONCF distribue, pendant le Ramadan, dans ses trains lorsque la rupture du jeûne intervient pendant le trajet, jusqu'à soutenir une troupe de théâtre ou faire gagner un appartement à des familles par Méditel (le tirage au sort n'étant qu'un prétexte). L'objectif étant le même : faire parler de soi tout en parlant d'autre chose. Bien entendu, la discrétion du "mouhcine" n'est plus de mise pour l'entreprise qui cherche à se mettre en avant en tant qu'institution qui participe à la vie de la cité. Quel apport a donc concrètement le mécénat sur l'image et le rendement de l'entreprise? Lorsque le client sait que 10 centimes du prix qu'il paie pour son yaourt iraient aux enfants de l'association Bayti, il est certain que l'entreprise Danone montera dans son estime. Chose qui rejaillira, bien évidemment, sur sa part de marché. Le mécénat devient dans ce cas un moyen de communication particulier, à cheval entre le produit et l'institution, qui peut avoir plus d'impact que les techniques publicitaires traditionnelles. Lorsqu'une opération de mécénat est déclinée à l'interne, elle peut agir sur la mobilisation des salariés, donc sur leur rendement, en même temps que sur l'image externe de l'entreprise. Mais on ne dispose pas de données concrètes sur l'influence réelle que le mécénat peut exercer sur l'implication du personnel à l'interne, ni sur les intentions d'achat ou les attitudes et comportements qu'il pourrait induire chez les consommateurs.