L'Ambassadeur de Chine, CHENG Tao Dans cette interview, l'ambassadeur de Chine au Maroc, Cheng Tao, défend la politique commerciale étrangère de son pays et nous rassure sur les bonnes intentions chinoises pour élargir la coopération avec le Maroc . La Gazette du Maroc : que pensez-vous de l'angoisse de la communauté internationale vis-à-vis de la menace commerciale chinoise ? Cheng Tao : maintenant, tout le monde parle de la Chine. Vous avez des Occidentaux qui utilisent des propos sensationnels "la menace de la Chine, l'invasion" ce sont des mots injustes parce qu'en réalité la Chine ne constitue pas une menace pour le reste du monde, au contraire c'est une chance. Comme vous le savez, la population chinoise représente un quart de la population mondiale. Si c'est la Chine qui a réussi cela veut dire qu'un quart de la population mondiale a réussi. Il y a un député américain qui a dit que " je n'aime pas la Chine, ni le communisme, mais je crois que si la Chine a réussi, elle cause moins de problèmes aux Etats-Unis et à la communauté internationale qu'une Chine qui a échoué ". En réalité la Chine n'a jamais constitué une menace pour le reste du monde , c'est pour défendre et ne pas pour attaquer. On parle beaucoup des produits textiles chinois qui occupent le marché européen, il n'y a pas de raison d'avoir peur, ce ne sont pas des armes de destruction massive, ce sont des vêtements, des pantalons. D'ailleurs, les produits chinois sont bien accueillis par la population et notamment par les gens qui ont des revenus moins importants que les autres. Je crois que tout le monde bénéficie de la marchandise chinoise soit au niveau du transport, du revendeur ou du client qui achète à un bon prix. Qu'avez-vous fait pour rassurer vos partenaires marocains ? Effectivement, nous comprenons les préoccupations de certains Marocains concernant les produits textiles. Nous sommes à la recherche des moyens pour coopérer avec eux, à travers la création de joint-ventures et pour exploiter les nouveaux produits de bonne qualité pour profiter du marché européen et américain. Auparavant, il y a 20 ans, les Chinois ont eu des soucis vis-à-vis des marchandises étrangères qui ont accédé au marché local. Il y a des entrepreneurs chinois qui ont eu très peur, mais dans le monde actuel il est inutile de constituer un mur pour empêcher la concurrence. J'ai toujours dit aux Marocains qu'il faut ouvrir les portes pour introduire les capitaux, la technologie, et la bonne méthode de gestion pour devenir plus puissants. C'est la route que nous avons parcourue. Nous voulons partager notre expérience avec nos amis marocains, il y a des délégations chinoises qui se sont déplacées au Maroc pour discuter avec nos amis marocains la possibilité d'élargir la coopération bilatérale . Comment peut-on augmenter le volume des échanges entre les deux pays ? Le commerce entre les deux pays s'est développé rapidement ces dernières années. En 2004, les échanges commerciaux bilatéraux se sont élevés à 1,16 milliard de dollars, soit une croissance de 35% par rapport à 2003. De janvier à juillet de l'année courante, le volume de ces échanges a atteint 867 millions de dollars, avec une augmentation de 40% à la même période de l'année passée. La partie chinoise prête toujours une attention au déficit commercial du Maroc vis-à-vis de la Chine et fait des efforts pour le règlement de ce problème. La Chine n'est pas à la recherche de l'excédent mais au gagnant-gagnant dans le commerce bilatéral. Au cours de la visite du Président du Comité permanent de l'APN, WU Bangguo, au Maroc en début de septembre, la société chinoise Sinochem Corporation et l'Office Chérifien des Phosphates ont signé un accord en vertu duquel la Chine achètera annuellement au Maroc 800.000 tonnes d'engrais phosphatés pour la période 2007-2011. Les deux parties ont signé également un mémorandum d'entente pour la réalisation au Maroc d'un projet de joint-venture pour la fabrication de l'acide phosphorique. Nous pensons qu'un grand potentiel reste encore à exploiter dans l'augmentation des échanges commerciaux entre les deux pays. Les deux parties ont beaucoup à faire pour que le commerce bilatéral se développe d'une façon durable et stable. Quel est le bilan de la coopération bilatérale pendant 2005 ? En 2005, les relations amicales traditionnelles entre la Chine et le Maroc se sont développées sur une voie saine et stable, la coopération bilatérale est fructueuse dans tous les domaines. Les échanges de visite de haut niveau se sont multipliés. Du côté chinois, le Président du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale, WU Bangguo, le Vice-premier Ministre HUI Liangyu, l'Auditeur général LI Jinhua, le Vice-ministre du Commerce, YU Guangzhou, et le Directeur général adjoint de l'Administration d'Etat pour la protection de l'environnement, PAN Yue, ont visité le Maroc. Du côté marocain, le Secrétaire d'Etat chargé du développement rural Mohamed Mohattane et d'autres officiels se sont rendus en Chine. En outre, 3500 Marocains ont visité la Chine, durant les neuf mois écoulés, soit pour faire du commerce, soit pour des raisons touristiques. A propos de la coopération économique, la Chine a accordé cette année de nouvelles aides économiques au Maroc. En mai et en septembre derniers, le gouvernement chinois et le gouvernement marocain ont signé deux accords de coopération technique et économique, qui permettront au Maroc de bénéficier de deux dons d'un montant total de 30 millions de Yuans RMB(environ 31.5 millions de dirhams). En outre, l'Assemblée populaire nationale de Chine a accordé aux deux Chambres du Parlement marocain un don en matériel de bureau d'un montant d'un million de Yuans RMB. Sur un autre plan, les sociétés chinoises prennent part activement à l'édification des infrastructures au Maroc. Transtech Engineering Corporation (TEC), une société chinoise de construction, ayant réalisé les travaux du tunnel ferroviaire Borj Moulay Omar en 2004 qui ont mérité de hautes appréciations, a obtenu cette année un nouveau contrat pour la liaison ferroviaire Tanger-Ras R'mel. En outre, China National Overseas Engineering (COVEC), China International Water & Electric Corporation (CWE) et CBMI Construction Co. Ltd. ont obtenu respectivement des contrats pour l'aménagement hydroélectrique de Tanafnit-El Borj, le génie civil du barrage de Tanafnit et la cimenterie de Settat. Quels sont les prochains agendas politiques et économiques ? et quels seront les principaux thèmes que les deux pays vont aborder ? Le Maroc est un important pays arabe et africain. Le gouvernement chinois attache une grande importance au développement des relations amicales entre les deux pays et souhaite que les deux parties, en conjuguant les efforts, continuent à promouvoir les échanges et la coopération à divers niveaux dans tous les domaines. Ils mettent en valeur le potentiel de la coopération et enrichissent le contenu de la coopération en vue de booster les relations amicales à un plus haut niveau. Actuellement, la Chine et le Maroc ont deux thèmes prioritaires à aborder. Sur le plan de l'agriculture d'abord, le Secrétaire d'Etat Mohattane, venant d'achever sa visite de travail en Chine, a convenu avec son homologue chinois de développer la coopération dans le domaine de la culture du riz, de l'irrigation, de la mécanisation agricole et du dessalement de l'eau. L'objectif étant de prendre des mesures concrètes pour mettre en application les résultats de cette visite. Cela profitera à la mise à niveau du secteur agricole du Maroc. Ensuite, c'est le tourisme qui constitue un autre domaine de coopération prioritaire entre la Chine et le Maroc. En 2002, la Chine a accordé au Maroc le statut de pays à destination touristique. Les départements compétents des deux pays sont en consultation sur le mémorandum d'entente pour son application. On dit que le gouvernement marocain se prépare à prendre des mesures concrètes l'année prochaine pour présenter le Maroc afin d'attirer des touristes chinois à visiter le Maroc. Nous croyons que cette nouvelle coopération promouvra non seulement la connaissance mutuelle entre les peuples des deux pays, mais contribuera aussi à l'allègement du déséquilibre du commerce bilatéral. En outre, la partie chinoise prend en charge sous forme de crédit à un taux d'intérêt préférentiel le projet de 6 polycliniques d'un montant de 125 millions de Yuans RMB, dont les travaux démarreront avant la fin d'année. Beaucoup d'hommes d'affaires chinois commencent à s'installer au Maroc. Qu'est-ce que cela peut apporter au développement du Royaume ? C'est dans le contexte de la mondialisation économique et avec l'ouverture et le développement de l'économie marocaine que de plus en plus d'hommes d'affaires chinois sont venus au Maroc, en apportant des produits bon marché et de bonne qualité qui répondent à la demande des consommateurs marocains. Certes, ces produits chinois constituent dans une certaine mesure une concurrence aux produits locaux, mais cette concurrence n'est pas du tout une catastrophe, au contraire, elle encouragera la mise à niveau des secteurs concernés. N'oublions pas surtout que les Chinois réalisent également des investissements et des technologies qui correspondent aux besoins locaux. A nos jours, l'investissement de la Chine dans le domaine de pêche au Maroc s'est élevé à 150 millions de dollars. Les joint-ventures sino-marocains dans la pêche disposent de 70 navires avec plus de 2000 employés marocains. En outre, les sociétés chinoises sont présentes dans d'autres activités : fabrication de motocycles, production de câbles et d'acier, des moules, des télécommunications etc. Evidemment, nous comprenons bien les préoccupations de la partie marocaine à certaines issues, à l'intégration du textile par exemple. Lors de sa visite au Maroc en mai dernier, le Vice-ministre chinois du commerce, YU Guangzhou, s'est entretenu avec les responsables concernés marocains sur l'issue du textile. Il s'est engagé à renforcer la formation des cadres marocains dans le domaine du textile, donner une impulsion aux échanges et à la coopération entre les professionnels et les entreprises des deux pays et encourager les entreprises chinoises à investir au Maroc. Au cours de la dernière visite du Président, WU Bangguo au Maroc, la Chine et le Maroc ont signé un accord qui porte sur l'organisation en Chine d'un séminaire de formation au profit de 60 techniciens marocains du textile. Il y a justement quelques jours, une délégation d'entrepreneurs chinois du textile s'est rendue au Maroc et a abordé avec les collègues marocains la coopération et l'exploitation en commun des marchés européen et américain. Quel est le rôle que la Chine peut jouer pour trouver une solution définitive au problème du Sahara? La position de la Chine sur le problème du Sahara est conséquente. Nous préconisons une solution politique consensuelle. Nous apprécions les efforts déployés par les parties concernées dont le Maroc pour la solution du problème du Sahara. Dans les circonstances actuelles, nous espérons qu'une solution acceptable pour les parties concernées pourra être trouvée le plus tôt possible au moyen de dialogues et de concertations dans le but de sauvegarder la paix et la stabilité de la région et de réaliser le développement commun. La Chine continuera à consentir ses efforts pour une solution convenable au problème du Sahara. La visite royale à Pékin a montré une certaine convergence des points de vue des deux dirigeants sur les questions internationales. Comment peut-on développer les concertations politiques bilatérales à l'égard de la crise du Moyen-Orient? La Chine soutient constamment la juste cause du peuple arabe et le rétablissement du droit national légal y compris le droit de la création d'un Etat indépendant du peuple palestinien. Le Maroc, en assurant la présidence du comité Al Qods, joue un rôle particulier pour la paix au Moyen-Orient. La Chine, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité et amie sincère des pays arabes, espère, avec les pays arabes comme le Maroc, faire progresser le processus de paix dans cette région. Dans ce cadre, WANG Shijie, envoyé spécial chinois au Moyen-Orient a effectué récemment une visite au Maroc et a eu des entretiens respectivement avec Omar Hilal, Secrétaire Général du ministère marocain des Affaires étrangères et de la coopération, et Noureddine Sefiani, Directeur des affaires asiatiques et de l'Océanie.