Azouz Begag, ministre français de la Promotion de l'égalité des chances : "Heureuse surprise du nouveau gouvernement formé en France au lendemain du référendum sur la constitution européenne, Azouz Begag vient d'être nommé ministre délégué à la Promotion de l'egalité des chances. Né en 1957, de parents algériens, dans un bidonville de la banlieue lyonnaise, il a accumulé diplômes - docteur en Economie, chercheur au CNRS -, romans - dont un premier livre autobiographique adapté au cinéma - ...et reconnaissance de la République ! Rattaché directement au Premier Ministre Dominique de Villepin, avec lequel il partage amour des lettres et de la Méditerranée, cet ami fidèle du Maroc, bien connu de nos écoles et salons littéraires, nous livre ses premiers mots de responsable politique. La Gazette du Maroc : vous venez d'être nommé ministre de la Promotion de l'égalité des chances, une appellation que vous avez vous-même suggérée dans un rapport remis l'hiver dernier à Dominique de Villepin, alors ministre de l'Intérieur. Vous appeliez à un changement sémantique, refusant le terme d'"intégration". Pourquoi ? Azouz Begag : parce que l'intégration, selon moi, concerne les immigrés qui entrent en France. Nous, nous sommes Français, nés en France et nous cherchons la porte de l'ascenseur social, via le chemin de l'égalité des chances qui est le socle de la république française. Dans ce même rapport, vous fustigez l'idée de quotas et de discrimation positive... C'est par la formation, l'éducation qu'on fera progresser la France de la diversité, pas par les quotas... quotas de quoi, d'ailleurs ? La question n'est même pas simple à poser. Là où habitent les gens pauvres, en précarité, fragiles, vulnérables, il faut davantage d'intelligence et d'inventivité pour faire passer l'ascenseur social... il faut débroussailler, identifier et lever les verrous. Il faut casser les rigidités de la société française. La discrimination positive n'est pas mon modèle : elle laisse croire aux Français "d'ici" qu'on veut faire passer les autres avant eux ou devant eux, sous prétexte que ce sont des "Autres"... et de toute façon, le mot discrimination est mal vécu dans les oreilles françaises ! Vous déplorez le fait que "La trop grande foi française en son modèle intégrateur a empêché les emprunts pouvant être faits aux expériences étrangères". En quoi le modèle français a échoué ? Quels exemples étrangers vous séduisent ? La télévision dans son rôle de brassage des populations aurait pu jouer efficacement depuis une génération. Elle ne l'a pas fait. Les partis politiques aussi; ils ne l'ont pas fait. Les mythes de l'esprit français d'intégration se sont fissurés. Il faut maintenant leur donner un contenu pragmatique. La lutte contre les discriminations est la pierre d'achoppement de cette politique. La création de la Halde, la Haute autorité de lutte contre les discriminations est l'amorce d'un changement de l'esprit français. Les Hollandais et les Britanniques sont bien avancés en Europe... même s'ils connaissent aussi des difficultés en matière d'intégration des populations, à cause du chômage notamment. Quel rôle a joué selon vous, la question de l'immigration dans le vote français du 29 mai ? C'est plutôt la peur qui a fait reculer la majorité, peur du chômage, de l'autrement, de l'ailleurs, du lendemain. Peur de ce que l'on ne connait pas et qu'on ne peut pas lire ou déchiffrer (comme le traité constitutionnel !). Peur aussi du plombier polonais... et cela n'a pas fait progresser le sentiment de fraternité, de solidarité, en Europe. Donc, c'est bien plus que l'immigration, c'est l'angoisse de ce qui bouge et qui va trop vite qui va faire reculer les gens par les temps qui courent. Vous refusez ce que vous appelez la "charité républicaine" et prônez une logique d'excellence. Vous appelez à la valorisation des modèles de réussite pour Français issus de l'immigration. Peut-on imaginer que ceux-ci jouent également un rôle de passeurs entre les deux rives de la Méditerranée ? Bien sûr, croyez bien que tous les enfants d'immigrés maghrébins nés en France restent les ambassadeurs entre les deux rives de la Méditerranée. Je trouve que le bassin méditerranéen est l'une des merveilles du monde. Sortant de sa réserve habituelle, le président du Conseil français du culte musulman s'est félicité de votre nomination. Accepteriez-vous le qualificatif de "ministre musulman "? Je remercie Dalil Boubékeur de son soutien. Mais je ne suis certainement pas le "ministre musulman", je suis représentant de l'Etat français. Ma religion est dans mon coeur, pas dans l'espace public. Dominique de Villepin s'est donné 100 jours pour restaurer la confiance des Français. Quelles seront les actions de votre ministère durant cette période ? Transformer la télévision publique en l'alimentant de la diversité, relancer l'espoir, trouver des stages pour les jeunes en période scolaire, lutter sans relâche contre les discriminations, faire passer l'ascenseur social dans tous les quartiers populaires.