Réforme du système de compensation de la farine Le rapport de la Banque mondiale non encore publié a mis en cause la politique de l'Etat consistant à acheter au prix fort les récoltes des agriculteurs pour les revendre ensuite à bas prix aux consommateurs. Elle conseille la suppression des subventions par étape. Explication. Le gouvernement propose que le système de farine nationale de blé tendre subventionnée et l'enveloppe y afférente de subventions et contrôles soient abolis tout en maintenant des tarifs élevés. Soumise à la Banque mondiale, cette proposition a connu un début de solutions. La Banque mondiale considère que la réforme transitoire de la farine nationale de blé tendre constitue une étape dans la bonne direction. Mais sa mise en œuvre pourrait être compromise par un certain nombre de situations indésirables. Les premières réflexions de la Banque mondiale montrent que l'Etat à intérêt à supprimer les subventions progressivement. Si au début des années 70, le principal objectif de la politique céréalière au Maroc a été l'autosuffisance sur la base de l'intensification de la production agricole, cela n'est plus de mise aujourd'hui. Cette réalité sonne le glas d'une agriculture naguère protégée. Si la production nationale des céréales veut survivre, faire de la compétition, elle sera obligée de se mettre à niveau afin de tenir tête aux produits importés de meilleure qualité. Ce schéma suppose un secteur et un environnement débarrassés de toute subvention. Avec 2 milliards de dirhams annuels de subventions octroyées aux 10 millions de quintaux de farine nationale produite, la BM suggère qu'une partie de cette enveloppe soit accordée aux minoteries. Ce qui leur permettra de produire une large gamme de farine y compris celle destinée aux populations à faibles revenus. Pour ce faire, cette démarche devrait se faire en deux étapes. Durant la première année, on affecterait 30 dh à chaque quintal sur un écrasement annuel de 31,7 millions de quintaux. Ensuite, ce montant se réduirait de moitié à la deuxième année avant qu'il ne soit carrément supprimé à l'industrie minotière durant la troisième année, date à laquelle les prix de la farine seraient alors complètement libéralisés. Cependant, les économistes de la Banque mondiale estiment que dans cette nouvelle donne, les zones excentrées et les provinces sahariennes bénéficieraient d'un traitement spécifique. La protection tarifaire serait maintenue à un niveau garantissant un différentiel de 20 dhs/q entre le prix mondial et le prix intérieur. Un stock de sécurité de 3 millions de quintaux serait mis en place. Un accord de modération entre l'administration et les minotiers prévoirait un engagement de la part de la minoterie de mettre sur le marché au moins 35 % en farine nationale à un prix proche de celui prévalant actuellement sur le marché. Entre temps, on aurait mis en place les moyens de redéployer cette subvention pour les agriculteurs selon un système qui reste à définir. Mais d'aucuns pensent déjà qu'on peut s'inspirer de ce qui se passe ailleurs dans ce domaine. C'est le cas en France où le redéploiement de la subvention se fait par la production à l'hectare ou la production à l'énergie. “Cette quantité de farine subventionnée pose problème. D'abord, la subvention n'atteint pas sa cible parce qu'elle est vendue entre 2,6 dhs et 3,90 dhs le kilogramme alors qu'elle devrait l'être à moins de 2 dhs“, explique Bouchaïb El Haddaj, directeur général de la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses (FNCL). Et d'ajouter : “aujourd'hui, plus personne ne subventionne directement la consommation“. Actuellement, plusieurs discussions et propositions ont lieu pour s'orienter vers un redéploiement de cette subvention vers l'agriculteur. Ceci dans le souci de rendre l'agriculteur marocain plus performant et plus rentable. C'est ce système qui aurait dû démarrer depuis le 1er janvier de l'année en cours. Mais pour des raisons politiques, il a été remis sine die. “Le gouvernement a voulu s'entourer de toutes les garanties y compris de la Banque mondiale avant de s'y lancer“, souligne, pour sa part, un intervenant dans le secteur des céréales. “Techniquement, cette réforme est faisable. Le système pratiqué actuellement est aberrant. Tout le monde en est conscient au plus haut degré. Mais les politiques veulent changer de système sans qu'il n'y ait des remous“, avance sous l'anonymat un importateur de blé. Pour un marché plus libre “Mais il faut reconnaître que les droits de douane sont élevés pour concurrencer la production nationale“, souligne le directeur général de la FNCL. Cette situation est le résultat du renchérissement que connaît la matière première. A cela, il faut ajouter que les droits de douane élevés ne sont point une meilleure façon d'aider la production nationale dans la mesure où elles entraînent la qualité vers la médiocrité. De son côté, la Fédération des minotiers a exprimé son soutien à la réforme transitoire et estime qu'un système plus transparent et un marché plus libre permettraient d'exploiter de nouvelles opportunités de commercialisation et d'améliorer la qualité du produit. “Cette proposition aiderait tous les consommateurs à accéder à une farine de qualité au meilleur prix“, souligne un membre de cette Fédération. Les opposants à ce système considèrent qu'une fois les droits de douane réduits, il y aurait une mévente de la production nationale. Dans ce cas de figure, une multitude de systèmes ont fonctionné à travers le monde. En France, par exemple, il existe un système d'intervention. L'agriculteur met son blé sur le marché à partir d'un prix fixé d'avance. S'il ne trouve pas acquéreurs l'Etat se porte garant de le lui acheter. Mais si les minotiers, pour leur écrasante majorité, sont favorables à la suppression de cette subvention, certains la conditionnent à leur survie. “Les jours où on supprimera la subvention beaucoup d'unités fermeront leurs portes. Ceci dit, en dépit de la crise, beaucoup de minoteries modernes sont en construction. On y investit parce qu'on pense que l'avenir sera fait des produits de qualité et donc la triche n'aura plus droit de cité“, prédit cet autre membre de la Fédération des minotiers. Protection du blé tendre L'avis des négociants Les signaux du marché international ne sont pratiquement pas retransmis aux prix locaux. La formule actuelle est basée sur le fait que les prix dédouanés varieraient dans une fourchette de 2.500 à 2.800 dhs la tonne si les cours mondiaux du blé évoluaient de 1.000 à 2.000 dhs C&F la tonne. Une amplitude de 100 % des prix mondiaux (qui n'est constatée historiquement que sur une très longue période, plus de 15 ans) aurait une incidence de 12 % seulement sur les prix intérieurs. De plus, le prix moins cher payé au producteur marocain (environ 2.500 dhs) resterait toujours plus cher d'au moins 25 % sur le prix mondial historiquement le plus cher (environ 2.000 dhs). Cette atténuation des signaux du marché, malgré son aspect anodin, présente des inconvénients majeurs pour la communauté. Cela signifie d'abord qu'il n'y a pas d'incitation par les prix pour que les producteurs améliorent leurs rendements. Ensuite, les importateurs ne sont pas incités à faire les meilleurs achats, le marché ne sanctionnant pas les mauvais acheteurs et n'encourageant pas les acheteurs performants. Enfin, les acheteurs sont incités à minimiser leurs risques en affrétant des petits bateaux et en négociant des cadences de chargement faibles. Ce qui finit par se traduire en engorgement des ports et une hémorragie non justifiée économiquement de devises (frets plus élevés, marchandise plus chère…). Ces différents aspects peuvent tout au plus être atténués par une meilleure transmissibilité dans la formule de taxation, mais qui se ferait au détriment de la stabilité des prix intérieurs. La protection du pouvoir d'achat des consommateurs à faible revenu, ne peut se faire dans ce système que par une subvention à la consommation. Or, de graves distorsions et détournements ont miné ce système. A titre d'illustration, seuls 3 millions de quintaux de FNBT sur les 10 millions (estimation des pouvoirs publics) arrivent effectivement sur le marché. De ce fait, l'inadéquation entre l'offre et la demande sur cette farine fait que les prix réels sont de 250 à 290 dhs/q au lieu du prix fixé à 180 dhs le quintal.