Après le 11 mars, Sebta a été pointée du doigt comme une ville intégriste où pullulaient les terroristes de tous gabarits. En juillet, Madrid avait annoncé des mesures exceptionnelles pour améliorer la lutte antiterroriste, surtout pour les deux villes enclavées du Maroc. Notamment en augmentant le nombre des agents antiterroristes. Depuis quelques jours, de nouvelles brigades ont débarqué dans les villes. Près du quart des 357 agents antiterroristes réservés au territoire espagnol sera expédié vers Sebta et Melillia. Les spécialistes du terrorisme qui viennent de débarquer à Sebta n'ont aucun doute à ce sujet. Sebta a joué un rôle prépondérant lors des préparatifs des attentats de Madrid. Non seulement “parce que l'un des accusés, Abdelillah Fouad, originaire de Tétouan, avait ses amis, ses habitudes et son négoce de voiture ici”, déclare le chef de la petite troupe fraîchement débarquée, mais aussi “parce que plusieurs des personnes que l'on soupçonne d'être dans le coup, proviennent de la région de Sebta, c'est-à-dire de Tanger”. Argument peu décisif à nos yeux puisque la thèse espagnole s'effiloche de plus en plus à mesure que les soi-disant preuves avancées depuis le 11 mars sur le prétendu groupe marocain s'évaporent dans l'air. Un autre argument peu enclin à nous sortir du brouillard tient du fait que Sebta est perçue comme la base arrière du financement des attentats. Ce fut une “clef” du financement des explosifs, puisque l'on prétend à Madrid que Abdelillah Fouad a été choisi par Abdenabi Kounjaa, l'un des terroristes morts dans l'appartement de Leganés, pour utiliser le trafic de voitures qui avait été développé entre l'Europe et le nord du Maroc, ainsi que le trafic de haschich qui aurait, selon la police locale de Sebta, été du ressort de Jamal Ahmidan, dit le “Chinois”. Ce dernier aurait effectué plusieurs séjours dans la ville occupée où il aurait eu des liens avec des revendeurs de drogue et des trafiquants de haut gabarit. Aussi, on affirme sur place que des enquêtes sur les contacts de Jamal Ahmidan, à Tanger et Sebta notamment, ont été menées et se poursuivent à l'heure qu'il est. On suppose que les quarante kilos de haschich qui ont été vendus pour obtenir la dynamite par le groupe de Leganés, sont passés par l'une de ces deux villes avant de franchir le détroit de Gibraltar. Ces idées qui tiennent la route pour la police espagnole mènent au cœur du nouveau dispositif mis en place à Sebta pour la lutte antiterroriste. Les agents qui viennent d'arriver de la péninsule ibérique, le savent et en sont fiers. “La lutte antiterroriste se renforce par l'arrivée des cinq premiers policiers spécialisés. D'autres suivront. Ils sont là pour une durée de six mois en principe”, nous signale cet agent qui croise le regard avec ces limiers d'un autre temps venu en renfort pour sauver le monde hispanique. Depuis les alertes du 11 mars, Sebta commence à compter sur des moyens hors normes pour cadenasser le détroit de Gibraltar. Ces hommes relèvent de la Brigade d'information du commissariat du corps national de la police et ce sont les premiers à débarquer dans le port après que le ministre de l'Intérieur ait décidé, en juillet dernier, d'augmenter le nombre des agents et d'envoyer sur place des éléments spécialement entraînés à la traque terroriste. Ce qui a fait anticiper la police sur son programme et ses besoins en hommes qui ne devaient pas bouger d'un iota avant 2005. A Sebta, on dit que la chose est “vitale”, entendez salvatrice dans une ville chaotique où le commerce signifie contrebande et les trafics en tout genre prospèrent. On nous prévient aussi que les cinq agents 007 sont des bénévoles. Il n'y a pas de départ forcé pour Sebta, mais des primes pour les conditions de vie jugées dangereuses par les éléments de l'ordre. Selon les informations fournies par les nouveaux venus, une trentaine d'autres limiers antiterroristes seront là bientôt pour encadrer le territoire plus efficacement. Le même chiffre sera dévolu à la ville de Melillia, qui a aussi reçu dans la foulée un arrivage d'une poignée de spécialistes du crime terroriste. Ce qui fait une soixantaine d'agents rien que pour les deux villes. Sur un total de 357 agents pour tout le territoire espagnol. Le pourcentage réservé à Sebta et Melillia est énorme. Presque le quart de l'ensemble des hommes. Il est à la mesure de la peur qui entoure ces villes.