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Le noeud gordien du 11 mars
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 07 - 2004


Rafa Zouheir
Rafa Zouheir détient une bonne part des réponses liées aux attentats de Madrid. C'est ce que dit aujourd'hui la Commission du 11 mars qui vient d'interroger, pour la première fois, le ressortissant marocain. C'est lui qui a identifié le groupe de Ahmidan au lendemain des attentats, sur des photos, avouant aussi qu'il a joué l'intermédiaire entre eux et un certain José Emilio Suarez Trashorras qui leur a vendu plusieurs kilos d'explosifs.
L'affaire Rafa Zouheir éclate fin avril 2004, lorsque le journal El Mundo révèle que le Marocain, natif de Casablanca, accusé aujourd'hui d'avoir joué un rôle lors de la vente des explosifs au groupe d'Ahmidan, a maintenu des contacts permanents peu avant les attaques du 11 mars avec la police espagnole. La vérité était encore plus troublante. Rafa Zouheir était un indicateur chevronné qui travaillait, main dans la main, avec les services de renseignements et de l'antidrogue de Madrid depuis près de quatre années. Tout comme l'autre accusé dans la vente des explosifs au groupe de Ahmidan, José Emilio Suarez Trashorras, un mouchard qui s'est retrouvé impliqué dans les attentats. Comment ? Pourquoi ? Comment des informateurs qui avaient fait tomber plusieurs dizaines de personnes en les balançant à la police, arrivent à monnayer sous le nez de celle-ci plusieurs kilos de gomme 2 ? Comment ce même indicateur, peu de temps auparavant, affirmait à cette même police que quelqu'un, à Madrid, cherchait à vendre de la dynamite en grande quantité ? Le hiatus est là et avant de devenir l'intermédiaire entre le groupe d'Ahmidan et José Emilio Suarez Trashorras dans la vente des kilos d'explosifs, Rafa Zouheir avait prévenu ses amis de la sécurité que Trashorras était en possession de grande quantité d'explosifs et qu'il cherchait à les vendre.
Une collaboration assidue avec la police
La collaboration de Rafa Zouheir, on peut le retracer (voir aussi article ci-après) : En septembre 2001, il est accusé de vol dans une bijouterie de Pola de Siero, en Asturies, et se voit enfermé à partir du 21 septembre pour plusieurs mois. Sa collaboration avec la police espagnole commence à cette date. C'est dans la prison de Villabona aussi qu'il fait la connaissance de Antonio Toro Castro, cousin de José Emilio Suarez Trashorras qui sera impliqué avec Rafa Zouheir dans l'affaire des explosifs. Dès sa sortie de prison, Rafa Zouheir reprend sa vie normale entre Lavapiès et les autres quartiers chauds de Madrid. Il devient rapidement un élément essentiel pour l'information et le renseignement. Introduit dans les milieux carcéraux et la communauté marocaine en particulier, il permettra la résorption de plusieurs affaires criminelles. Il jettera dans les prisons espagnoles plusieurs dizaines de personnes, pour la plupart des dealers ou revendeurs de drogue d'origine maghrébine. Il permettra, jusqu'en 2003, l'arrestation d'individus spécialisés dans les casses de bijouterie.
Début 2003, il commence à raconter à la police qu'un type d'Aviles, son ami José Emilio Suarez Trashorras, est à la recherche de clients susceptibles d'acheter des explosifs volés dans une mine. Il fait son compte-rendu habituel et la police ne semble pas vraiment le croire. Selon les rapports déposés auprès de la Commission du 11 mars, cette dernière aurait commencé des recherches pour les abandonner aussitôt, manque de preuve... Pourtant, Trashorras était aussi un habitué de la police, un indicateur qui avait fait tomber, à l'instar de Rafa Zouheir, plusieurs gangs de grande envergure. Pourquoi la police n'avait-elle pas enquêté à l'époque sérieusement? Elle n'a inquiété ni Trashorras ni la mine localisée dans les Asturies d'où provenaient les explosifs. Du travail bâclé qui aurait pu changer le cours de l'histoire s'il avait été mener à bien, d'autant que plusieurs indices sérieux avaient été découverts depuis près de trois ans sur d'éventuels préparatifs d'attentats en Espagne.
Chassé-croisé : une collaboration qui tourne mal
A partir de là, Rafa Zouheir plonge avec son acolyte Trashorras dans une autre épopée. Ils dealent avec la police et s'arrangent pour négocier la vente des explosifs aux hommes d'Ahmidan. On les voit en leur compagnie dans un café à Madrid, peu avant les attentats. Ils concluent la vente des explosifs et c'est Rafa Zouheir qui accompagnera Ahmidan en Asturies pour l'aider à transporter la dynamite jusqu'à la capitale. Après le 11 mars, la police coffre Rafa Zouheir et Trashorras mais ne pipe mot de sa relation incestueuse avec des gens impliqués dans les attentats. Ce silence est aussi en sa défaveur puisqu'elle a caché les détenus jusqu'à jeudi 22 juillet, date à laquelle a eu lieu le premier interrogatoire de Rafa Zouheir, en vue de présenter ses déclarations devant la commission du 11 mars. Pourquoi tant de cachotteries de la part de l'ancien gouvernement d'Aznar ? Que cachent les deux informateurs de la police ? Quelle autre histoire du 11 mars peuvent-ils bien raconter ? Etaient-ils de connivence avec la police au moment de la vente des explosifs, ce qui impliquerait que Madrid savait que quelque chose de grave était préparée par un groupuscule terroriste ? La police a-t-elle été prise de court dans une opération d'infiltration qui aurait mal tourné ? A-t-elle favorisé l'infiltration en pensant dominer la situation et arrêter les auteurs des attentats avant leurs méfaits ? Trop de questions se bousculent mais tout n'est pas encore dit dans cette affaire. Dans sa seule sortie médiatique connue à ce jour, Rafa Zouheir a crié devant les portes du commissariat où avait eu lieu son interrogatoire jeudi 22 juillet : “Je ne suis pas un mouchard ! Je ne suis pas un informateur !” que voulait-il dire ?
Zapatero accuse Aznar d'avoir gouverné dans le mensonge
Pendant la clôture du congrès du Parti socialiste de Madrid, José Luis Rodriguez Zapatero est revenu longuement sur les défaillances d'Aznar. Il accuse ouvertement José Maria Aznar d'avoir gouverné en pratiquant «l'absence de vérité». Il a aussi lancé au PP qu'il l'aiderait à «digérer» sa déroute électorale qui se fait, selon le président socialiste de manière «lente et pesante». Selon lui, il y a eu trop d'années de tricheries, dans un gouvernement qui a fait de la contre information sa ration quotidienne. «La société espagnole a besoin de gouvernants qui puissent soutenir son regard et lui dire, chaque jour, la vérité». Il a aussi ajouté que le PP ferait mieux de jouer son rôle dans l'opposition au lieu de vivre encore dans le fantasme du pouvoir perdu. En réponse à huit ans de mauvaise gestion, Zapatero a clamé le retour à la «transparence et à la vérité», ce qui dans la bouche d'un chef d'Etat pèse lourdement et implique des dérapages très graves chez l'ancien gouvernement. Une autre action contre les années franquistes d'Aznar consiste à lancer «l'opération transparence» des comptes publics qui prétendent en finir avec «l'époque de l'opacité dans les impots» pour savoir exactement combien et où va l'argent des citoyens. Enfin, Zapatero est revenu sur l'accident du Yakovlev 42, dans lequel 62 militaires espagnols ont trouvé la mort en Turquie, à Trabzon. Il a promis de faire la lumière sur les faits et de permettre aux familles des victimes de savoir ce qui s'est passé lors de l'hécatombe.


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