A l'heure d'entamer les rounds des négociations sur la lutte antidrogue, deux points essentiels doivent être soutenus devant les Espagnols : la couverture octroyée par l'Espagne aux narcotrafiquants d'origine marocaine, leur permettant d'évoluer facilement en Europe pour rallier les réseaux internationaux ; la responsabilité et le rôle que doit jouer la police espagnole pour mieux contrôler les bateaux et les camions TIR qui font entrer le plus gros de l'exportation chez eux, puis en Europe. Au même moment, dans les enceintes du ministère de l'Intérieur espagnol, des délégations mixtes s'employaient à discuter des autres dossiers liés à l'immigration clandestine et à la drogue. La commission qui s'est penchée sur le problème du transit de la drogue par le Détroit de Gibraltar a déjà prévu une seconde réunion dans les jours qui viennent pour aller de l'avant dans le dossier. Côté espagnol, on continue à croire que le problème est exclusivement marocain, sans prise en compte des efforts fournis par le Royaume pour arrêter les barons de la drogue. Pourtant, en jouant la politique de l'autruche, l'Espagne oublie que les réseaux de drogue sont internationaux et que le véritable talon d'Achille de la lutte antidrogue au Maroc est la double nationalité des trafiquants de haschich. Le Maroc a lancé une campagne sans précédent, en 1996, contre les barons de la drogue, pour sincèrement prendre le taureau par les cornes. Il s'était attaqué aux parlementaires et élus ripoux, les forces de l'ordre corrompues pour aller au fond du problème. Ce n'était pas une mascarade, comme l'ont prétendu ensuite certains médias étrangers. La stabilité politique du pays avait été ébranlée à cette période, et les habitants de Tanger, principalement, se souviennent de l'entrée des camions militaires dans leur ville, pendant que l'on criait dans la rue : “ils viennent arrêter les trafiquants de drogue”. Ils se souviennent aussi des divisionnaires et autres hauts gradés de l'autorité qui étaient tombés lors de la campagne d'assainissement. Mais que s'est-il passé à cette époque ? La majorité des trafiquants recherchés avaient fui dès les premiers jours vers l'Espagne, puis parfois vers d'autres pays comme la Hollande, la France ou le Canada. Mais la plupart avaient trouvé refuge chez nos voisins ibériques. Au Maroc, n'avait été arrêtée qu'une poignée de gros poissons qui furent envoyés en prison. Dans un cas plus récent, dans l'affaire Erramach, plusieurs individus suspectés d'appartenir à la bande des narcotrafiquants ont réussi à fuir vers la péninsule ibérique. Côté marocain, on risque fort de demander à l'Espagne une remise à niveau des conventions juridiques et d'extradition qui lient les deux rives. Les Espagnols doivent comprendre qu'il est impossible d'arrêter le fléau lorsque les principaux intéressés peuvent être en sécurité, en une demi-heure en avion, en Espagne. Ou même trouver refuge à Sebta et Melilia d'où ils peuvent rejoindre tranquillement l'autre berge paradisiaque. On ne devient narcotrafiquant au Maroc que lorsque l'on a en poche un passeport espagnol. On ne devient exportateur de haschich qu'après être entré en contact avec les réseaux espagnols qui se partagent la place et les droits de passage. Pour ce qui touche aux points de contrôle, l'Espagne est la première responsable en omettant de fouiller suffisamment les camions TIR à ses frontières terrestres, les bateaux particuliers qui mouillent dans ses ports et les grands chalutiers qui transbordent la marchandise en haute mer… Ce sont là les trois moyens les plus importants pour faire acheminer des tonnages importants de haschich en Espagne. Madrid le sait et se refuse à intervenir ponctuellement à ce niveau du problème. Il suffirait, à vrai dire, de quelques milliers de policiers espagnols chargés de fouiller tous les bateaux et les camions suspects pour porter un coup fatal aux réseaux d'acheminement de la drogue à travers l'Europe. Un bras de fer long et tumultueux sur un sujet aussi sensible que la drogue marocaine attend la commission bipartite. En arrière-fond, se joue l'économie souterraine d'une région (le Rif et le Nord marocain). Notre vision sur l'affaire doit être claire, viable, ne portant pas préjudice à notre pays. Rappelons seulement que le premier producteur de cannabis, dans sa variante marijuana, n'est pas le Maroc mais les Etats-Unis. Le Maroc est certes le premier exportateur de cannabis, mais uniquement vers le continent européen. Dans la liste des producteurs mondiaux, l'herbe marocaine est troisième.