Organisation de la Conférence islamique Le communiqué final émanant de la 10ème session du Sommet de l'Organisation de la Conférence islamique”, tenu en Malaisie du 16 au 18 octobre, a été comme prévu, une sorte de “déclaration de principe”. Cette institution a montré, une fois encore, son impuissance voire son inutilité, face aux sujets cruciaux auxquels est confrontée la Oumma. Mis à part le discours constructif de S.M Mohammed VI et les propos à la fois courageux et objectifs du Premier ministre malaisien, Mahatir Mohamed, le reste était globalement en deçà des espérances. La situation dans le monde arabe, et non les multiples problèmes du monde musulman, était au cœur des discussions qui ont précédé et accompagné les travaux du sommet de l'OCI. En d'autres termes, entre l'événement et les profondes divergences les chefs d'Etat arabes, les congressistes ont, durant trois jours passés à Putrajaya, essayé d'éviter le pire et tenté d'arriver à un compromis entre les frères de la Oumma. “Heureusement” et comme à l'accoutumée, les artisans du “juste milieu” ont fini par dégager l'issue souhaitée, reportant ainsi le tout aux calendes grecques. Les Arabes ont réussi, selon le ministre qatari des Affaires étrangères, à “imposer leur présence”. Un constat que les Malaisiens ne voient pas sous le même aspect. Pour eux, les dirigeants du monde musulman sont venus pour d'abord présenter leurs problèmes et ensuite, connaître de plus près ceux des Arabes ainsi que les défis auxquels ils sont confrontés à l'heure actuelle et ce, dans le but de s'entraider pour les surmonter. En conséquence, les congressistes ont, hélas, découvert que ce qui éloigne les Arabes les uns des autres est beaucoup plus grand que ce qui les distancie des Israéliens. Et que ce n'était pas seul l'occupant israélien ni l'américain dans le sens de l'hégémonie qui sont les véritables ennemis. Mais plutôt les susceptibilités cumulées, transformées avec le temps en rancunes et en manque de confiance entre les différents dirigeants arabes. Ce qui a poussé l'Ayatollah Cheikh Mohamed Hussein Fadlallah à dire à la fin du Sommet : “nous avons espéré que les sujets qui inquiètent le monde musulman devaient constituer l'essentiel des débats. Mais ce qu'on vient de lire, d'entendre et de voir, prouve tout à fait le contraire”. Démagogie et déception Le sentiment de déception a incité le président du Congrès ministériel islamique, le ministre malaisien des Affaires étrangères, Sayyed Hamed Al Bar, à s'adresser aux congressistes sur un ton de gravité : “oubliez les résolutions, les projets, laissez les comités spécialisés faire leur travail. Quant à nous, nous ferions mieux de nous réunir à huis clos pour chercher des idées, les débattre au lieu de continuer à faire de la démagogie et de mentir”. Cette franchise n'a pas plu à certains, la prenant pour alibi pour se dérober. En tout état de cause, la déclaration de principe sortie du sommet, concentrée sur la “nécessité pour le monde musulman de consolider ses engagements vis-à-vis des autres cultures et civilisations” a fait perdre à l'OCI encore plus de sa crédibilité déjà entachée. Le fait de faire de l'intégration de la Russie au sein de l'Organisation une “cause islamique”, a fortement choqué ceux qui croyaient jusqu'ici aux valeurs. De plus, évoquer l'importance de l'union de cette institution, l'appel à coordonner les initiatives dans le domaine scientifique et technologique avec les pays industrialisés ; ces principaux points du communiqué final n'ont fait que décevoir davantage les Musulmans du monde. Pour ce qui est du plan d'action, composé de onze articles, l'un plus irréalisable que l'autre, il a démontré que l'OCI est devenue “une copie conforme du festival de Cannes”, ironise un membre de la délégation d'un pays du Golfe, et d'ajouter : “comme s'il était indispensable, au moment même où Al Qods et la mosquée Al Aqsa sont menacées, où l'Irak est en train de perdre son identité arabe, d'insister dans le manifeste final sur la prise des mesures nécessaires pour sauvegarder l'environnement dans le monde”. Les résultats des réunions de coulisses ont dévoilé les intentions des uns et des autres. Ils ont affiché l'image controversée de tout ce qui a été dit lors des séances plénières. La première constatation a permis de réaliser que certains responsables arabes sont devenus plus américains que Donald Rumsfeld, notamment lorsqu'il s'agissait de faire la surenchère en matière de lutte contre le terrorisme international selon les normes fixées par le Pentagone. Deuxième constatation, la plus malheureuse, celle confirmant les inquiétudes déjà existantes concernant l'avenir de l'Irak. Ces Musulmans et Arabes de l'OCI étaient, à l'étonnement des observateurs malaisiens, presque indifférents à cet égard. Leur seule préoccupation portait sur les éventuelles répercussions de la situation intenable, dans ce nouvel Irak, sur la sécurité de leurs régimes ou sur la performance de leurs économies. La troisième constatation s'est résumée par la polémique créée autour du soutien financier que l'OCI devait apporter aux causes islamiques. Au lieu de trancher et rapidement, certains dirigeants se sont interrogés sur qui fait qui, qui fait quoi ? Se poser les questions sur celui qui s'est engagé par le passé et celui qui n'a pas honoré ses engagements ? Pis, les discussions qui se sont déroulées dans une des salles du Palais des congrès de Putrajaya, concernant le soutien au peuple palestinien, ont entraîné l'ouverture des dossiers fermés jusqu'ici. Elles ont également révélé les penchants des uns et des autres en parfaite contradiction avec leurs précédentes déclarations publiques. Certains n'ont pas hésité à parler de l'argent qui a induit au terrorisme, d'autres ont défini les barèmes selon lesquels telle ou telle organisation aura le droit de bénéficier d'un soutien, ou si au contraire, on devait geler ses avoirs. Ce genre de discussions a montré que la cause palestinienne n'est plus désormais “sacrée”. En revanche, elle est transformée en sujet plein de doutes et d'interrogations. De ce fait, il faut donc réviser les engagements de fond en comble. Si les dirigeants du monde musulman ont tergiversé, tenté de trouver les dénominateurs communs afin de faire éviter à ce 10ème Sommet un échec consommé et cuisant, l'hôte de cette manifestation, le Premier ministre malaisien, Mahatir Mohamed a été cohérent avec lui-même. En reprochant à ses pairs musulmans leur mauvaise gouvernance et leur division, il a remué sans le moindre état d'âme le couteau dans la plaie en toute franchise et objectivité. Points sur les “i” Mahatir Mohamed a déclaré lors de son discours d'ouverture ques les “Juifs dirigent le monde par procuration”. Propos qui d'ailleurs n'ont pas suscité le moindre murmure de désapprobation chez l'assistance. Cela dit, tous les chefs d'Etat présents ont partagé son opinion lorsqu'il annonça : “nous sommes en réalité très forts et il serait impossible d'anéantir 1,3 milliard de Musulmans”, les applaudissements ont secoué la salle. Ces propos ont été le seul fait marquant de ce sommet qualifié par les observateurs comme très “fade”. Les réactions américaines considèrent les propos de Mahatir comme “incendiaires”, celles des Européens les jugent “offensants, clairement antisémites”, ce qui n'a pas fait reculer d'un pouce celui qui a gouverné la Malaisie pendant 22 ans sans qu'un Juif ou ses intérêts n'aient été touchés. Mahatir a, en revanche, persisté et signé, s'abstenant de présenter ni excuses ni regrets. Celui qui a condamné en même temps les atrocités contre le peuple palestinien, les attaques suicides et a appelé aux négociations entre Palestiniens et Israéliens en dépit du rapport de force, ne pourrait être qualifié d'antisémite. Démocrate chevronné, évoquant son droit “à la liberté d'expression”, Mahatir s'est adressé aux Occidentaux, dirigeants compris : “est-il approprié de critiquer les Musulmans et les Arabes, mais inapproprié de critiquer les Européens et les Juifs”. Quoi qu'il en soit, même si ce Sommet n'a enfanté qu'une déclaration de principe, en deçà des espérances, il a, au moins prouvé que le monde islamique, à l'instar du monde arabe, devra continuer à faire face à des défis internes grandissants. Si les dirigeants de l'OCI poursuivent la politique de l'autruche, “se concentrent” sur les problèmes de l'environnement, se battent pour intégrer la Russie, saluent chaleureusement l'adoption à l'unanimité de la résolution sur l'Irak prise jeudi dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU, fuient les responsabilités à l'égard d'Al Qods dont S.M. le Roi Mohammed VI a fait une bataille quotidienne, ils devront tôt ou tard en payer le prix. Les événements des dernières semaines qui se sont succédé dans certains pays islamiques sont des signaux à ne pas négliger.