Mustapha Mansouri, ministre de l'Emploi, des affaires sociales et de la solidarité Mustapha Mansouri a le triomphe modeste. Bien qu'il ait joué un rôle de premier plan dans la conclusion de l'accord du 30 avril sur le Code du travail, le ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la Solidarité ne se considère que comme “ quelqu'un qui a reçu la balle des autres membres de l'équipe et qui a marqué le but ”. Pourtant, le travail fait est colossal tant les innovations introduites par le nouveau texte sont importantes. Les représentants des autres partenaires sociaux le confirment dans ce dossier. Comme l'atteste par ailleurs l'adoption à l'unanimité la semaine dernière par la Chambre des Conseillers du projet du Code du travail. La décision de la première Chambre, programmée pour la semaine prochaine, devrait logiquement verser dans le même sens. On s'attend même à ce qu'il n'y ait pas d'amendements puisque le travail à ce niveau a été fait par la deuxième Chambre où siègent les représentants des partenaires sociaux concernés (Chambres professionnelles et syndicats). En tout état de cause, le gain récolté par notre pays avec la conclusion de cet accord est indéniable. Il augure d'une nouvelle culture dans les rapports entre les partenaires sociaux qui prévaut désormais au sein des rounds des négociations menées tambour battant dans le cadre du Dialogue social. Les chantiers se succèdent et, ce qui est le plus important, la volonté de les défricher anime l'ensemble des interlocuteurs. Prochaine étape : la réglementation du droit de grève. Un texte tout aussi crucial pour donner la visibilité tant réclamée aux investisseurs, marocains et étrangers. Pour mieux éclairer nos lecteurs sur l'importance de l'étape qui vient d'être franchie avec la conclusion de l'accord du 30 avril sur le Code du travail, nous avons récolté les avis des représentants des trois partenaires sociaux, à savoir le gouvernement, la CGEM et les syndicats. La Gazette du Maroc : le projet du Code du travail est resté bloqué depuis 1981. Pourtant, le gouvernement dont vous êtes membre est parvenu, sept mois seulement après sa nomination, à concilier les positions des partenaires sociaux à son sujet. Comment expliquez-vous ce succès ? Mustapha Mansouri : l'élément fondamental est que Sa Majesté depuis son intronisation n'a pas cessé d'appeler à chaque occasion pour que le Code du travail puisse voir le jour au plus tôt, parce qu'il y a une idée qui circule parmi les investisseurs étrangers selon laquelle le Maroc ne dispose pas de législation de travail. Cette idée résulte du fait que le projet de révision du Code a été bloqué pendant plusieurs décennies. Une idée évidemment fausse car le Maroc a toujours eu une législation du travail, même si elle est quelque peu dépassée. L'autre élément qui a contribué au déblocage repose sur le fait que le Premier ministre, en inaugurant le Dialogue social au lendemain de sa nomination, a eu l'idée judicieuse de négocier avec les partenaires sociaux tout un package. Ainsi, l'ordre du jour ne se limitait pas uniquement au Code du travail, mais comportait également d'autres options sur lesquelles les partenaires sociaux devaient se mettre d'accord. De ce fait, dans la foulée de la conclusion du Code du travail, le package permettait en même temps aux partenaires sociaux la satisfaction d'autres revendications. Je citerai le protocole d'accord sur le projet sur le droit de grève qui est actuellement dans sa phase finale, la suppression des emplois rémunérés au-dessous du Smig dans l'administration, la revalorisation des salaires de certaines catégories de travailleurs, l'allongement du congé de maternité, l'activation de l'AMO, la discussion sur le dossier de la retraite, l'indemnité pour perte de l'emploi ...etc. Donc, tous ces acquis ont constitué le package que nous avons discuté dans le cadre du Dialogue social, ce qui a permis de décrisper les positions antagonistes autour du Code du travail. Quels sont les grands principes qui ont guidé la rédaction du Code du travail ? Tout d'abord, nous avons veillé à ce que le Code reflète l'ensemble de la législation internationale en vigueur, que ce soient celles relatives à la protection de l'enfant, de la femme, des handicapés, et du délégué syndical que celles concernant la protection des libertés syndicales de manière générale. Toutes les conventions internationales relatives à ces domaines ont ainsi été prises en considération. C'est là un élément très important, surtout pour les investisseurs étrangers dont beaucoup accordent un intérêt particulier au respect des règles élémentaires des droits de l'Homme, tel le travail des enfants. Pouvez-vous nous citer quelques unes des principales innovations introduites par le nouveau texte ? Je dois en premier lieu préciser que le Code du travail qui vient d'être adopté garantit tous les acquis qui figuraient dans l'ancienne législation du travail. Il y a donc eu préservation des avantages. Ensuite, nous avons introduit de manière institutionnelle la négociation collective, que ce soit au niveau national, sectoriel ou à l'échelle de l'entreprise. Et dans cette optique, nous sommes en train d'élaborer un contrat-type de convention collective qui devrait être généralisé à l'ensemble des secteurs pour être négocié par les partenaires sociaux. Avec cette démarche, nous renforçons ainsi le rôle des représentants des travailleurs. Par ailleurs, nous avons introduit un certain nombre de mesures pour améliorer les conditions de travail, en particulier par la création du Comité d'entreprise qui va avoir un droit de regard sur la marche de l'entreprise. Ce Comité d'entreprise, où siègent les représentants des salariés à côté du patron, aura pour mission entre autres de suivre de près l'évolution de l'entreprise pour pouvoir tirer la sonnette d'alarme en cas de dérapage. L'autre innovation toute aussi importante concerne la mise en place d'un Comité de santé et de sécurité qui a pour rôle de s'enquérir sur les conditions de travail, sur l'environnement, sur l'usage de produits nocifs ...etc. Sur un autre plan, nous avons institué le droit à la formation continue dans les entreprises, ainsi que le droit au représentant syndical d'être le porte-parole de son syndicat à l'intérieur de l'entreprise, ce qui n'était manifestement pas acquis auparavant.. Entre la promulgation du Code du travail et son application, il se peut que surviennent des dysfonctionnements. Avez-vous prévu des mécanismes pour le suivi ? Effectivement, nous avons instauré des mécanismes pour que les mesures contenues dans le Code du travail soient appliquées et contrôlées par l'inspecteur du travail, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ainsi, nous avons introduit une procédure de conciliation pour tenter de régler les conflits de travail, aux niveaux local, régional et national. C'est là un mécanisme important qui peut éviter à l'entreprise et, partant, au pays de sérieux problèmes sociaux et économiques. Nous avons également mis en place des règles permettant la flexibilité du travail, c'est-à-dire lorsqu'une entreprise a des difficultés dues à des facteurs exogènes, elle peut ralentir son activité en concertation avec ses salariés, mais dans les limites précisées par le Code. D'autres mesures en faveur du patronat figurent également tel le droit au licenciement sur une base consensuelle et conformément à un barème, alors qu'auparavant le juge avait toute latitude pour décider de manière discrétionnaire des indemnités de licenciement, sans toujours prendre en considération la situation de l'entreprise. Nous avons diminué le nombre d'heures de travail de 48 à 44, augmenté le congé de maternité de 12 à 14 semaines, introduit la notion de harcèlement sexuel, permis à la femme de disposer d'un congé non payé qui peut aller jusqu'à une année pour élever son enfant sans perdre son emploi. Tous ces éléments sont nouveaux et ont permis de décrisper les relations entre les partenaires sociaux et de renforcer ce climat de confiance qui doit régner entre eux. Mais aussi de donner une plus grande visibilité en matière de législation de travail et à l'employé et à l'employeur, et aussi à l'investisseur étranger. De ce fait, nous pensons avoir abouti à un code équilibré. Dans l'entretien qu'il nous a accordé (voir ci-contre), le président de la Commission sociale de la CGEM nous a fait part de ses craintes que l'accord signé le 30 avril concernant le Code du travail soit “déséquilibré” par des amendements lors de son passage au Parlement. Partagez-vous cet avis ? Vous savez, nous nous sommes mis d'accord sur l'essentiel dans le cadre du Dialogue social. Nous avons suivi une méthodologie de travail que certains nous ont reprochée arguant que cet accord a été fait à l'extérieur du Parlement. Par conséquent, certains parlementaires nous disent que nous avons vidé le Parlement de sa substance et qu'il lui appartient de proposer les lois. En fait, nous nous sommes mis d'accord sur les éléments fondamentaux, sur l'échafaudage si l'on peut dire de ce Code du travail, évidemment, on ne peut pas interdire au législateur de donner son avis et de proposer un certain nombre d'amendements qu'il estime nécessaires. Cependant, nous avons veillé à éviter de rompre l'équilibre instauré par l'accord du 30 avril en sensibilisant les parlementaires à cette démarche. Et nous pensons avoir réussi à les convaincre. Le vote du texte à l'unanimité par la Chambre des conseillers où sont représentés tous les partenaires sociaux concernés nous renforce dans nos convictions. L'application du Code repose sur les épaules de l'inspecteur du travail dont le rôle se retrouve renforcé. Pourtant ce corps d'agents de l'Etat souffre du manque de moyens à tous les niveaux. Qu'avez-vous prévu pour y remédier ? Il y a normalement un projet de statut spécifique aux inspecteurs du travail en préparation. Il prévoit la mise en place des moyens nécessaires pour que les inspecteurs du travail, qui devraient évidemment répondre à un profil adéquat, puissent appliquer la législation du travail de manière fiable. Car l'inspecteur du travail est devenu un élément fondamental dans l'application de la législation du travail. Il y a certains patrons qui ne répondent même pas à la convocation des inspecteurs du travail. Dans le nouveau Code du travail, les choses sont devenues institutionnalisées. Autrement dit, l'intervention de l'inspecteur du travail est prévue par la loi qui précise ses prérogatives qui vont lui permettre d'appliquer la législation du travail comme il se doit. Evidemment, nous avons un problème au niveau de l'effectif des inspecteurs du travail par les départs à la retraite des inspecteurs du travail qui ne sont pas remplacés, d'où une évolution de la disparition de ce corps si des mesures ne sont pas prises. Nous allons prochainement entamer des négociations avec le ministère des Finances pour que des postes budgétaires nouveaux nous soient alloués afin que nous puissions recruter et former de nouveaux inspecteurs du travail. Le Code a été une grande avancée pour le pays, quel est votre prochain défi ? Le destin a voulu que ce soit moi qui suis à la tête du département au moment où le Code est passé. Je ne dirai pas que j'ai eu une baguette magique. Au contraire j'estime que tout le travail qui a été effectué durant les dernières années a constitué une matière première d'importance pour concrétiser le travail colossal qui a été fait. De fait, les efforts des gouvernements précédents nous ont facilité la tâche. Moi je me considère comme quelqu'un qui a reçu la balle et qui a marqué le but. C'est vrai, nous sommes extrêmement fiers que ce Code soit passé, j'espère que nous allons poursuivre dans le même esprit le Dialogue social pour exécuter l'ensemble des mesures prévues. Et nous nous y attelons. Ainsi, le Conseil du Gouvernement qui s'est réuni jeudi 26 dernier devait se pencher sur l'examen d'un projet de loi sur la CNSS qui devrait permettre l'application entre autres du congé de maternité de 14 semaines pour la femme, la retraite à 55 ans... Le Conseil examinera également un décret sur la création de l'agence chargée de l'Assurance maladie obligatoire (AMO). Donc, les choses avancent et nous nous attelons à assurer le suivi des résultats du Dialogue social afin que tous les textes sur lesquels nous nous sommes mis d'accord soient mis en place dans les meilleurs délais. Et en ce qui concerne le projet de texte sur la réglementation du droit de grève. Où en êtes-vous ? Ce sera ma prochaine étape fondamentale après le Code du travail. Le texte sur le droit de grève constitue effectivement un dossier très sensible et j'espère pouvoir arriver à rapprocher les points de vue des partenaires sociaux sans beaucoup de difficultés “Le gouvernement précédent a défié les partenaires sociaux !” Farouk Chahir, secrétaire national de l'UMT Farouk Chahir est Secrétaire national de l'Union Marocaine du Travail. Il ne cherche pas à cacher sa satisfaction des résultats obtenus dans le cadre du Dialogue social, tout en précisant que le Code du travail à lui seul ne suffit pas à insuffler la dynamique requise à l'entreprise marocaine. La Gazette du Maroc : longtemps, l'UMT a pratiqué la politique de la chaise vide au niveau du Dialogue social. Aujourd'hui vous venez de signer l'accord sur le Code du travail. Comment expliquer ce revirement ? Farouk Chahir : il faut reconnaître que l'Exécutif actuel a marqué plus de volonté, de disponibilité et d'intérêt pour régler ce problème. Nous avons enfin trouvé devant nous un interlocuteur vraiment disposé à écouter les doléances des uns et des autres et qui a fait vraiment des efforts pour dégager des compromis. A titre d'exemples, le gouvernement précédent est allé même jusqu'à défier les partenaires sociaux. Ainsi, avant même d'arriver au consensus sur les points en suspens, il a déposé le projet de Code du travail devant le Parlement. Notre revendication préalable demandait en conséquence le retrait du texte pour le discuter entre les principaux partenaires sociaux. Le gouvernement Jettou s'est rendu à la raison et le résultat ne s'est pas fait attendre puisque nous sommes parvenus à dégager entre nous les compromis qui ont permis de dépasser tous les blocages. Quel est de votre point de vue sur l'apport le plus important du nouveau texte ? Il concerne le renforcement du droit syndical. Pour la première fois, en effet, la législation marocaine reconnaît le rôle du syndicat dans l'entreprise, en tant que partenaire social. Car jusqu'à présent, bien que la Constitution garantissait l'exercice du droit syndical, ce droit ne se répercutait pas sur le terrain. Ce qui est important à noter à ce propos, c'est la décision du Maroc d'appliquer la Convention 135 de l'OIT relative à la protection des représentants du personnel et qui interdit toute discrimination entre, d'une part, le délégué du personnel et, d'autre part, le représentant syndical. Les prérogatives de l'un et de l'autre ont donc été séparées, car il y avait un véritable problème qui découlait de la dualité de la représentativité syndicale. Ainsi, autant les délégués du personnel étaient protégées à l'intérieur de l'entreprise, autant les représentants syndicaux ne bénéficiaient d'aucune protection légale. Bien des fois, en effet, le bureau syndical était licencié le lendemain de sa constitution, sans que nous puissions agir devant les tribunaux à cause du vide juridique. Qu'est-ce qui vous permet de penser que la situation va changer à l'avenir ? D'abord, le Code précise les attributions des uns et des autres. Ainsi, le délégué du personnel ne s'occupera plus que des réclamations individuelles, alors que le délégué syndical gérera tout ce qui est collectif, principalement la négociation collective, la conclusion de conventions collectives, et la négociation du cahier revendicatif annuel. Cette ligne de démarcation entre les deux types de représentants du personnel est très importante. Enfin, la loi assure leur protection à tous deux. Que prévoit le code pour mettre un terme aux surenchères syndicales qui perturbent souvent la marche de l'entreprise ? Le nouveau Code introduit la notion du syndicat le plus représentatif qu'il définit aussi bien au niveau national qu'à l'échelle de l'entreprise. Dans le premier cas, il doit obtenir au moins 6 % du total des délégués du personnel élus dans les deux secteurs, public et privé. Au niveau de l'entreprise, le syndicat le plus représentatif est celui qui obtient au moins 35 % des délégués du personnel élus. Compte tenu du contexte de l'entreprise marocaine et du phénomène des SAS (Sans appartenance syndicale) qui est répandu et largement encouragé par le patronat, on n'aura le plus souvent qu'un seul syndicat représentatif à l'échelle de l'entreprise. Ceci étant, les nouvelles dispositions permettront ainsi de clarifier la situation sociale et de régler ainsi beaucoup de problèmes qu'engendrent la pluralité et les surenchères syndicales au niveau de beaucoup d'entreprises et dans divers secteurs. L'article 288 qui garantit la liberté du travail a longtemps été le cheval de bataille de l'UMT qui demandait son abrogation. Avez-vous obtenu des garanties à ce sujet ? Effectivement, dans le cadre du Dialogue social et du package négocié avec le gouvernement, nous avons obtenu l'engagement du gouvernement d'abroger cet article du Code pénal marocain, qui pénalise le droit de grève. Cet article a longtemps servi d'épée de Damoclès au patronat qui en usait pour jeter en prison nos syndicalistes qui voulaient exercer leur droit de grève, un droit que garantit pourtant la Constitution. Peut-on dire que vous êtes satisfait du Code ? Sans nier ses apports, il est légitime de se poser la question suivante : est-ce que le Code du travail, qui vient d'être conclu, va être suffisant pour assurer le décollage économique, en impulsant les investissements ? Je ne le crois pas. Il y encore la problématique de la mentalité de nombreux patrons marocains qui doit évoluer. Certains patrons continuent en effet de considérer que l'entreprise qu'ils gèrent est un fief strictement personnel, et que le salarié n'a aucun droit de regard si ce n'est obéir. Le deuxième problème concerne la justice marocaine qui nécessite une réforme urgente. Le manque de confiance des investisseurs à ce niveau continue de porter préjudice au pays. Par conséquent, le Code requiert d'être accompagné par d'autres mesures à divers niveaux. “Le meilleur accord compte tenu de la situation du pays” Abdelhaq Sedrati, Président de la commission sociale de la CGEM Abdelhaq Sedrati est président de la Commission sociale de la Confédération générale des entreprises du Maroc. A ce titre, il a représenté l'Organisation patronale au processus des négociations qui a abouti à la signature de l'accord du 30 avril sur le projet du Code du travail. La Gazette du Maroc : à quoi attribuez-vous le déblocage qui s'est opéré dernièrement dans les négociations entre les partenaires sociaux sur le Code du travail ? Abdelhaq Sedrati : je pense que le blocage du texte des années de suite s'explique essentiellement par des considérations politiques. Des rivalités entre syndicats d'abord, l'UMT se considérant par exemple comme la seule centrale réellement indépendante et reprochant à la CDT et l'UGTM d'être inféodées respectivement à l'USFP et au PI. L'autre facteur qui a contribué à débloquer la situation a trait à la personnalité du Premier ministre. Driss Jettou s'est en effet beaucoup investi, il a personnellement pris les choses en main, évitant de déléguer à ses collaborateurs les questions qui nécessitaient sa présence. La méthode Jettou a donc été efficace pour convaincre les uns et les autres et dégager les compromis qui ont permis d'avancer. Peut-on dire que le projet de loi portant Code du travail, qui vient d'être adopté à l'unanimité par la Chambre des conseillers, satisfait le patronat ? A vrai dire, on n'est jamais satisfait à 100 %. Comme dans toutes négociations, il y a eu aussi bien des acquis que des concessions de part et d'autre. Cependant, compte tenu de la situation du pays, c'est le meilleur accord que l'on puisse mettre en place. C'est un texte somme toute équilibré, à moins que des amendements de dernière minute au Parlement ne viennent remettre en cause les compromis dégagés. Quelles sont les raisons qui vous conduisent à exprimer de telles craintes ? Nous avons des observations à formuler quant à l'amendement introduit à l'article sur le respect de la liberté du travail. Alors que le projet initial que nous avons négocié considérait comme faute grave le fait d'empêcher des salariés non grévistes d'accéder à leur travail, et donc l'auteur passible de licenciement, l'amendement introduit au niveau de la Chambre des conseillers a ramené cette sanction à 7 jours de mise à pied la première fois, et à 15 jours pour la récidive, le licenciement n'intervenant qu'à la troisième infraction du genre. Avec cet amendement, on se retrouve avec deux articles contradictoires qui parlent de liberté du travail. Ce qui me semble une aberration. De manière globale, le Code du travail que vous avez signé le 30 avril dernier vous apporte-t-il une meilleure visibilité pour l'avenir de vos investissements et quels sont selon vous ses apports principaux ? Le texte représente une avancée incontestable pour les investisseurs. Ses apports principaux se situent à deux niveaux. Le premier concerne la “barémisation” des indemnités de licenciement. Avec le nouveau texte, un patron qui veut se séparer d'un employé dont il juge l'attitude incompatible avec la bonne marche de l'entreprise peut calculer combien son renvoi lui coûterait. Le nouveau Code donne donc de la visibilité aux chefs d'entreprise à ce niveau même si les indemnités de licenciement prévues dans ce cas demeurent supérieures à celles en vigueur dans des pays à économie comparable. Le deuxième apport a trait à la clarification des relations avec les syndicats. Le nouveau texte précise que ce sont les salariés qui choisissent de se syndiquer ou de ne pas le faire. En outre, le seuil de 35 % des voix lors des élections professionnelles est requis pour qu'un syndicat soit considéré comme représentatif et travailler légalement au niveau de l'entreprise. Cela met donc fin à l'anarchie qui prévalait auparavant. Ceci étant, le Code du travail à lui seul demeure insuffisant pour redynamiser l'entreprise marocaine. A ce sujet, je vous invite à consulter les 60 mesures élaborées par la CGEM -et qui figurent sur son site Internet- que nous considérons indispensables pour insuffler la croissance et l'emploi.