Afrique Développement, conflits régionaux, lutte contre le terrorisme et le sida ont été les principaux sujets au menu de la tournée du Président Bush dans cinq pays africains. Les résultats de ce voyage sont décevants pour l'Afrique. Aucune stratégie globale de développement n'a été esquissée en faveur de ce continent ravagé par de multiples fléaux. C'est par le Sénégal que George W. Bush a débuté son périple africain qui l'a conduit successivement en Afrique du sud, au Botswana, en Ouganda et au Nigeria. La visite-éclair de cinq heures dans ce pays francophone a étonné les observateurs. Mais à y regarder de près, l'étape sénégalaise est une manière de remercier les dirigeants de ce pays pour leur soutien lors du conflit en Irak. En outre, c'est un message adressé à la France qui, comme chacun sait, s'est opposée aux Américains tout au long de ce même conflit. En s'arrêtant chez ce traditionnel allié de l'Hexagone, le chef de l'exécutif américain veut signifier aux Français que les pays francophones ne sont plus leur «chasse gardée», encouragé, il est vrai, par le Président Abdoulaye Wade qui a multiplié au cours des derniers mois les signes de soutien à Washington. Mais les résultats de cette brève visite sont dérisoires. Le seul fait notable de cette étape sénégalaise a été la visite de l'île de Gorée, haut lieu symbolique de la traite des Noirs vers les Amériques. Les belles paroles sur l'esclavage qualifié de “ l'un des plus grands crimes de l'humanité ” n'ont convaincu personne. Ce discours a été plutôt perçu comme visant à s'attirer la sympathie de la communauté noire américaine, acquise dans son immense majorité aux Démocrates, dans la perspective de l'élection présidentielle de novembre 2004. Il n'a pas été question de présenter les excuses des Etats-Unis pour leur responsabilité dans la traite des esclaves afin d'éviter tout risque de poursuite judiciaire des descendants des esclaves vendus en Amérique. On écarte ainsi également toute possibilité d'indemnisation des pays africains victimes de ce crime. Aucune promesse d'aide au développement Sur le plan économique, malgré les attentions de Dakar envers Washington, le Président Bush n'a promis aucune aide supplémentaire à court terme au Sénégal, un pays où pourtant les deux tiers de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Mais les dirigeants sénégalais misent sur l'avenir. Depuis que la France a changé sa politique de coopération, désormais axée sur le soutien à des programmes de développement à long terme, les Etats-Unis pourraient représenter un pactole pour le Sénégal. D'autant que les Américains se montrent plus réactifs et peuvent apporter des aides ponctuelles rapides pour récompenser les pays qui soutiennent leur politique extérieure. Par ailleurs, Washington a déjà annoncé que le Sénégal figurait parmi les pays les mieux placés pour bénéficier du programme d'aide américaine, appelé “Compte du Millénaire ”, dont le montant pourrait atteindre 5 milliards $ en 2006. Le reste de la tournée de Bush dans les quatre autres pays africains a été consacré aux thèmes centraux de sa visite : lutte contre le terrorisme et le sida, conflits régionaux et négociations commerciales. C'est l'Afrique du Sud qui a constitué l'étape la plus délicate du périple du Président américain. Les désaccords entre Pretoria et Washington sur de nombreux sujets (Irak, Zimbabwe, Cour pénale internationale…) sont bien connus. Pour la petite histoire, l'ancien Président sud-africain, Nelson Mandela, a même quitté son pays pour ne pas rencontrer Bush. Malgré les différends entre les deux pays, le Président américain a intérêt à ménager l'Afrique du Sud. Elle est devenue, depuis la disparition de l'apartheid, une puissance régionale qu'on ne peut ignorer et en même temps un facteur de stabilité politique et économique en Afrique australe. Pour toutes ces raisons, le Président américain compte sur l'aide de la République sud-africaine dans sa lutte contre le terrorisme. De son côté, Pretoria est disposé à faire certaines concessions et n'a aucun intérêt à se mettre à dos la première puissance mondiale. Surtout qu'elle est l'un des pays qui profitent le plus de l'Agoa, la loi qui offre aux exportations de l'Afrique un accès préférentiel au marché américain. Doute sur le programme anti-sida En matière de lutte contre le sida, le Président Bush a rappelé son programme lors de sa visite au Botswana et en Ouganda. Mais, les militants anti-sida ont accueilli avec suspicion l'annonce récente par Bush du vaste programme d'aide à la lutte contre cette maladie en Afrique et dans les Caraïbes, d'un montant de 15 milliards $ sur 5 ans. Ils soupçonnent le chef de l'exécutif américain d'être davantage préoccupé par les intérêts des grandes firmes pharmaceutiques d'outre-Atlantique que par la santé des populations affectées par la maladie. En outre, le programme de Bush vient de se heurter à une première difficulté. Une Commission de la Chambre des représentants a amputé jeudi dernier d'un tiers la première tranche des dépenses allouées à la lutte contre le sida en votant un budget de 2 milliards $, soit un milliard de moins que ce qu'autorisait le projet de la Maison Blanche. Sur un autre registre, le Président américain a plaidé pour les OGM (organismes génétiquement modifiés), seul moyen selon lui pour parvenir à l'autosuffisance alimentaire dans un continent abonné à la disette et à la famine, où la moitié de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Il a critiqué au passage la politique des subventions à l'agriculture de l'Union européenne et du Japon, estimant, à juste titre, qu'elle freine le développement des exportations des produits agricoles vers ces pays. Il a évoqué l'éventualité d'une réduction des subventions aux agriculteurs américains en cas d'action similaire des Européens et du Japon. En tout cas, le voyage que vient d'effectuer G.W. Bush en Afrique montre que ce continent est devenu un sujet de préoccupation pour les Etats-Unis. Continent marginalisé depuis la fin de la guerre froide, car il ne présentait plus d'intérêt stratégique. Ce sont les attentats de septembre 2001 qui allaient modifier l'attitude des Américains à l'égard de l'Afrique. Les USA ont réalisé que des réseaux terroristes pouvaient s'appuyer aisément sur des pays dépourvus de véritables structures étatiques capables de s'opposer à l'action de ces réseaux. Nombreux sont les observateurs qui estiment que la tournée africaine de Bush visait trois objectifs : plaire à la communauté noire américaine en vue de la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis, intensifier la lutte contre le terrorisme, devenue l'axe central de la politique extérieure américaine et chercher de nouvelles sources d'approvisionnement en pétrole pour réduire la dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient. L'Afrique peut toujours attendre !