Abdelkrim Khatib, secrétaire général du PJD Jamais les regards n'ont convergé avec autant d'interrogations sur le Parti de la Justice et du Développement que depuis les événements du 16 mai. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le Dr Abdelkrim Khatib apporte des éclaircissements à certaines des interrogations de l'opinion publique en précisant notamment les positions du PJD au sujet des attentats de Casablanca, des Juifs marocains, des prochaines échéances électorales ainsi que des dissensions internes au sein du parti dont il assure la fonction de Secrétaire général. La Gazette du Maroc : quelle position adoptez-vous au sein du PJD par rapport aux attentats du 16 mai ? Dr Abdelkrim Khatib : la position de tous les membres du PJD mais aussi la position de tous les Marocains à savoir la plus forte condamnation qui soit ! Nous n'arrivons pas à admettre que des Marocains soient associés à ces ignobles attentats. Nombreux sont vos opposants qui sont montés au créneau pour critiquer ouvertement votre parti. Le PJD a été accusé d'avoir propagé un discours de la haine notamment contre les Juifs. Que leur répondez-vous ? Certains de nos opposants politiques ont perdu la raison et ont eu un comportement indigne car avant même que nos morts soient enterrés, ils se sont lancés dans une diatribe violente contre le PJD pour régler des comptes bassement politiciens. Cela ne relève pas de la tradition des Marocains qui ont un grand respect pour leurs morts. Imaginez des enfants qui perdent un père et se disputent l'héritage avant de l'enterrer ! Ces gens n'ont pas de respect pour les vivants, je ne vois pas comment ils vont l'avoir pour les morts. Le PJD n'a jamais véhiculé de discours violent. Il s'est opposé au sionisme mais jamais aux Juifs en tant que tels. Ma religion ne me le permet pas car un Musulman peut se marier à une juive ! Davantage encore, qui est ce Marocain ou cette Marocaine qui ne condamne pas le sionisme ? Moi, je n'en connais pas ! Ces gens qui nous font dire ce qu'on n'a pas dit, ne sont ni sérieux ni démocrates. Regardez bien, au nom de la démocratie ils ont accaparé les deux chaînes de télévision et puis ils se permettent de dire que si le PJD arrivait au pouvoir, il s'en servirait pour bafouer la démocratie. C'est là un procès d'intention ; par contre aujourd'hui une frange de l'USFP est en train de monopoliser contre le droit et la démocratie les moyens audiovisuels de l'Etat. C'est une situation dangereuse pour le pays et sans précédent. Cela doit cesser car ces gens ne sont pas démocratiques. Le PJD est-il un parti islamiste ? Si parti islamiste signifie religieux, je vous réponds qu'on n'est pas un parti islamiste, mais si cela signifie un parti à référentiel islamique, je peux vous dire qu'on est islamiste. Tout dépend donc du sens que vous donnez au qualificatif “islamiste”. L'Islam est la religion des Marocains, aucun ne peut vous priver de vous en inspirer pour établir vos programmes. A quoi veulent-ils qu'on se réfère ? Au marxisme ou au libéralisme ? Je préfère à ma religion ! Certains observateurs considèrent que le PJD n'a pas de programme politique et économique clair. Pourriez-vous nous tracer les grandes lignes de votre programme ? Ils peuvent penser ce qu'ils veulent. D'abord, ce n'est pas sérieux de juger quand on n'est pas sûr de ce que l'on dit; ensuite, pour vous, je vous remets le programme du PJD que vous pourrez comparer à celui de ceux qui prétendent en avoir un ! Au niveau économique, comme vous pourrez le constater, on a fait des propositions concrètes au niveau de tous les secteurs en vue de créer les conditions d'une croissance forte et durable (7 % au moins), seule capable de garantir à chacun de nos jeunes un emploi et un revenu stable. Les conditions imposées par la mondialisation et les contraintes de la compétitivité sont certes rudes, mais le Maroc est en mesure d'assurer une vie décente à tous les citoyens. Comment expliquez-vous l'implication, quoique indirecte, d'un cadre de votre parti de la région de Kénitra dans les attentats du 16 mai ? Qui a dit qu'il est impliqué ? La justice n'a pas encore dit son mot. La personne en question est entrée au PJD en octobre 2001 dans une section où beaucoup de membres sont nouveaux. Cette personne admet qu'elle militait au sein d'un groupe salafiste avant d'arriver au PJD. Nous considérons que le PJD lutte contre l'extrémisme en élargissant la culture de modération de ces espaces et en arrachant des personnes à ses rangs pendant que beaucoup d'autres partis se contentent de faire de la politique dans les salons et à la télé. Il faut qu'ils aillent au charbon et faire du travail de proximité comme le font justement les militants du PJD. Quel avenir prédisez-vous pour le contrat qui lie depuis 1996 le MPDC et les islamistes d'Al Islah wa Attawhid et de la Rabita Islamiya, surtout après les événements du 16 mai et surtout après l'hégémonie des islamistes sur tous les rouages du parti ? A date d'aujourd'hui, nous travaillons dans le cadre du parti dont chacun respecte le règlement interne. Comme tout autre citoyen, les militants du PJD ont le plein droit de militer dans des associations ou dans des syndicats tant que cela n'est pas en contradiction avec les principes du parti. Cela entre dans les droits élémentaires de chacun. Un parti n'est pas une prison ! Les événements du 16 mai n'ont rien changé à cette donne qui fait partie de nos principes. Vous avez récemment parrainé la création du mouvement Vigilance et Vertu. Est-ce pour restaurer l'équilibre au sein du PJD ? La création du mouvement Vigilance et Vertu dirigé par Khalidi entre dans le principe de liberté énoncé précédemment. Mais nos adversaires ont voulu à tout prix y voir la genèse d'un conflit d'influence au sein du PJD. Beaucoup de membres du secrétariat du PJD dirigent ou sont membres d'autres associations. Le mouvement Vigilance et Vertu est un plus et non un moins et pas du tout une source de tension et de conflit. Le PJD est en équilibre, il se tient droit, Dieu merci. La récente déclaration de Raïssouni à propos de l'institution d'Amir Al Mouminine, ne vous a-t-elle pas gêné surtout que vous êtes un fidèle du Trône et à ses institutions ? Je suis un fidèle du Trône. C'est une évidence. C'est aussi une évidence au niveau de tous les membres du PJD puisqu'ils revendiquent sans exception le principe d'allégeance à Amir Al Mouminine. Les propos de Raïssouni n'ont jamais remis en cause Imarat Al Mouminine. Toutefois, j'ai été très choqué à la lecture des journaux. Mais après explication, j'ai compris le sens de la déclaration. Vous pouvez vous référer à ses écrits dans la langue arabe qu'il maîtrise. Allez à la source, ne vous référez pas aux sources de seconde main chaque fois que cela est possible. Serez-vous en train de repenser votre stratégie en prévision des prochaines élections ? La stratégie n'est pas quelque chose de figée. Elle est flexible et adaptable à toute situation. Le PJD n'a pas pour le moment de raison pour reconsidérer sa stratégie ; il peut le faire si cela s'avérait nécessaire. C'est un parti démocratique qui va réunir dans deux semaines son Conseil national pour discuter de la situation actuelle de la manière la plus sereine et la plus démocratique qui soit. Comment appréciez-vous les multiples déclarations fracassantes et les fatwas de Abdelbari Zemzemi sur les colonnes du quotidien Attajdid ? Abdelbari Zemzemi est libre de ses opinions. On peut les partager ou ne pas les partager. Le journal Attajdid n'a pas à le censurer. C'est aux experts de discuter du degré de pertinence de ses fatwas. En Islam c'est l'Ijmaâ (consensus) qui compte et non les avis personnels.