Les forces de l'opposition irakienne en quête du pouvoir Les ennemis de Saddam Hussein sont tellement éparpillés dans diverses formations politiques qu'il serait difficile de mettre sur pied une solution politique tangible pour l'avenir de l'Irak. Après la chute du régime de Saddam Hussein, l'Administration américaine se trouve face à un pari politique des plus difficiles : comment peut-elle parvenir à mettre en place un gouvernement “légitime” où toutes les forces de l'opposition irakienne pourraient être représentées ? Les scenarii de l'Administration Bush sur l'avenir de l'Irak se trouvent plus que jamais confrontés à la dure réalité de l'après-guerre. Islamistes, nationalistes, Kurdes et autres se disputent la direction du futur gouvernement irakien. Qui aura le dernier mot pour décider du sort des Irakiens ? Certainement pas l'opposition irakienne qui manœuvre sous la houlette du protectorat américain. Les Chiites ou le profil politique “ haut ” Basée au sud du pays, la communauté chiite représente la plus grande partie de la population irakienne. Théoriquement, c'est la première force politique de l'opposition irakienne. Or, en réalité, la situation est toute différente puisque les Chiites ne sont pas appréciés par les Etats-Unis. Du côté américain, l'Administration Bush est en effet réticente à former une alliance avec les Chiites, réputés proches du régime iranien qui fait partie de l' “ axe du mal”, selon le président américain. Du côté irakien, les Chiites refusent de coopérer avec les Etats-Unis, jugés comme une force impérialiste, qui n'a pas hésité à abandonner les Chiites de Bassora, après leur soulèvement contre Saddam en 1991. Pour faire face à cette situation, l'Administration américaine a fait appel aux services de Ahmed Chalabi, grand opposant chiite résidant aux Etats-Unis. L'objectif étant d'attirer la sympathie de la communauté chiite irakienne. Cette stratégie était vouée à l'échec devant la fermeté des Chiites qui annoncent un profil politique “ haut ” : prendre le commandement du prochain gouvernement. D'où la difficulté d'aboutir à un consensus avec la force politique la plus représentative du pays. Pour illustrer sa détermination politique, l'Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak vient de boycotter la première réunion des forces de l'opposition irakienne, tenue le 16 avril, dans une base militaire américaine près de la ville de Nassiriya. Les Kurdes et la tentation “ autonomiste ” L'opposition kurde représente une force politique incontournable dans l'Irak de l'après-Saddam. D'un point de vue politique, il faut rappeler que les deux principaux partis de l'opposition kurde, le PDK et l'UPK, contrôlent le nord du territoire irakien. En plus, grâce au soutien américain, les Kurdes bénéficient de 13% des revenus du pétrole irakien dans le cadre de l'opération “ pétrole contre nourriture ”. Même si ces bénéfices sont à l'origine de la guerre fratricide qui oppose les deux formations depuis 1996. D'un point de vue stratégique, les Kurdes représentent, à l'heure actuelle, un allié privilégié des Etats-Unis. Surtout après que les combattants du Kurdistan aient appuyé l'armée américaine pour renverser Saddam Hussein. Donc, tout laisse croire que l'opposition Kurde est une pièce maîtresse dans la structuration politique de l'Irak. De fait, les deux partis kurdes seront certainement représentés au sein du prochain gouvernement. Néanmoins, la composante kurde sera, inexorablement, reléguée au second plan par l'Administration américaine. Celle-ci se méfie d'une revendication autonomiste qui risquerait d'engendrer des revendications semblables parmi les minorités kurdes des pays voisins comme la Turquie ou l'Iran. La pseudo-opposition Les adversaires politiques de Saddam à l'étranger représentent une pseudo-opposition pro-américaine. Cette opposition est représentée par le Congrès national irakien (CNI), qui a été formé en 1992, suite à une initiative américaine. Basé à Londres, le CNI regroupe certains partis de l'opposition dont les deux principaux partis kurdes (le PDK et l'UPK). Ce congrès avait pour objectif d'incarner la relève face au régime baâsiste. Le leader du CNI, Ahmed Chalabi, a été pressenti comme successeur de Saddam Hussein. Sous la pression des partis kurdes, le CNI avait pour projet d'instaurer un Irak démocratique fédéral. Chose dite, chose faite puisque le dernier congrès de l'opposition a réussi à instituer ce principe. Ce qui semble de bon augure pour le parti de Ahmed Chalabi. Cependant, le CNI paraît dépourvu de la crédibilité politique requise auprès des Irakiens. D'une part, le congrès s'est affaibli par la rivalité qui oppose les deux formations kurdes et les protestations des partis chiites qui s'estimaient sous-représentés. D'autre part, le parti d'Ahmed Chalabi est accusé de subordination aux Etats-Unis puisque la majorité des renforts provenaient de l'oncle Sam, en particulier de la CIA. La personne même d'Ahmed Chalabi est critiquée. L'homme est accusé de détourner les fonds du CNI ! L'Irak de l'après-Saddam… Si George W. Bush a réussi à renverser Saddam Hussein, il n'est certainement pas en mesure d' instaurer un régime démocratique. C'est pourquoi l'avenir de l'Irak est plus qu'incertain. Le scénario optimiste est qu'un leader apprécié sortira de l'opposition irakienne et conduira l'Irak à un processus de démocratisation. Le bastion chiite, représenté par l'assemblée de la révolution islamique, semble en mesure d'accoucher du futur homme fort de l'Irak. A cet égard, la désignation du chef de file du CNI, Ahmed Chalabi, semble de plus en plus incertaine. Le scénario pessimiste est que les Etats-Unis s'entêtent à imposer un leader politique à l'insu des forces de l'opposition irakienne. Cela peut aboutir à une guerre civile entre les différentes factions politiques. Mais, dans tous les cas, une chose est pour le moins sûre: les Américains ont gagné la guerre sur le terrain mais ils sont en train de perdre la bataille politique. A voir les manifestations pacifiques qui décrient l'occupation américaine, on imagine mal comment les Irakiens pourraient faire confiance aux Etats-Unis. Leur ingérence dans l'administration civile de l'Irak, via un commandement militaire américain, rend de plus en plus difficile la constitution d'un gouvernement irakien populaire. Pis, en multipliant les gestes de provocation à l'égard de la population irakienne, l'armée américaine risque d'exacerber la colère de la population irakienne. Les manifestations anti-américaines en sont une parfaite illustration.