Vendredi 5 juin à Casablanca, le président Mohamed M'jid a fait ses adieux à la famille du Tennis national, lors de l'Assemblée Générale de cette fédération qu'il a présidée durant plus d'un demi-siècle. C'est l'occasion pour le doyen des présidents des fédérations sportives au Maroc de nous livrer ses souvenirs, sur l'état du sport national à l'aube de l'indépendance. La Gazette du Maroc : Quelques mois à peine après la proclamation de l'indépendance du Royaume, la conquête des instances sportives nationales, en particulier les fédérations naissantes, figurait parmi les objectifs du mouvement national marocain dans la foulée de la création, ou plutôt la transformation des anciennes ligues sportives du Maroc relevant des fédérations sportives françaises en Fédérations Sportives marocaines à part entière. Comment cela s'est-il passé ? Mohamed M'jid : Ce n'est un secret pour personne, tous les grands clubs de sport au Maroc, en particulier, de Football, étaient encadrés et dirigés directement par des personnalités issues du mouvement de résistance. Le sport était alors perçu comme un moyen de formation et de mobilisation des jeunes. On avait bien sûre, dès la fin des années trente, le Wydad de Casablanca, le Wydad de la Nation «Al Oumma» comme on l'appelait à l'époque, pour symboliser la dimension nationale de ce club pionnier qui était dirigé par feux Hadj Mohamed Benjelloun et le père Lahcen Jégo et plusieurs frères nationalistes de Casablanca. Idem au quartier populaire des «Carrières centrales», l'actuel Hay Mohammadi avec un éducateur et formateur de la trempe de feu Larbi Zaouli et son TAS, ainsi que dans les principales villes du pays : le FUS de Rabat, le Kawkab de Marrakech, le Mouloudia d'Oujda, le Moghreb de Fès etc… Il était donc normal que l'ancienne ligue du Maroc de Football, dont le siège était à Casablanca, soit transformée en Fédération Royale Marocaine de Football, dont les principaux membres étaient issus des personnalités nationalistes de l'ancienne ligue libre de Football, qui organisait parallèlement au championnat du Maroc, pendant de longues décennies des championnats locaux entre quartiers. Cela concerne le football, le basket, l'Athlétisme etc, disciplines que les jeunes Marocains pratiquaient massivement à l'époque. Comment les choses se sont passées à la fédération de tennis ? C'est vrai qu'en tennis, les choses se passaient autrement. Les Marocains, pratiquants ou simples membres d'un club, se comptaient sur le bout des doigts. Il y avait même une période assez mouvementée, marquée par les années de la résistance nationale armée, durant laquelle certains clubs de tennis dirigés par des français opposés à toutes formes d'indépendance, qui n'hésitaient pas à afficher des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Club interdit aux chiens et aux Marocains». Mais une fois l'indépendance acquise et bien que les étrangers, français, espagnols et italiens en particulier, vont vite se rendre compte que leur place n'est plus dans une instance dirigeante du sport marocain, et qu'au niveau de cette fédération de tennis, l'heure des Marocains avait sonné et qu'il était temps qu'ils prennent leur place dans la gestion de leur sport Lorsque vous avez présidé cette fédération, avez-vous pensé un jour que le tennis national aurait la popularité et la crédibilité internationale, dont il bénéficie aujourd'hui ? Pas forcément, mais les Marocains vont commencer à intégrer le monde des clubs de tennis. Notre objectif n'était pas de former de grands joueurs professionnels, mais notre travail était principalement axé sur les jeunes Marocains qui étaient pour la plupart des ramasseurs de balle. Certains d'entre eux ont démontré de grandes aptitudes et ont représenté le tennis marocain dans les premières compétitions sportives internationales auxquelles le Maroc a participé dès la fin des années cinquante. Je parle particulièrement des Jeux panarabes de Beyrouth en 1957 et quatre ans plus tard, aux Jeux Panarabes de Casablanca en 1961. On savait dès cette époque, que l'on avait des joueurs qui pouvaient s'imposer au plan arabe et africain à l'image de Lahcen Chadli, Ali Laaroussi, Ahmed Ali, Bouchaib Haibabi etc.. Mais de là à penser qu'on aurait des Omar Laimina, Outaleb, Chekrouni ou encore nos trois mousquetaires El Aynaoui, Alami et Arazi, on ne pouvait vraiment pas l'imaginer au début des années soixante.