Comment prévenir les risques professionnels dans le tissu productif au moment où le code du travail n'est pas observé et que les conditions dangereuses de travail exposent les salariés à des menaces d'accidents ou de maladies accrues ? E n invitant le jeudi 26 mars l'expert en Hygiène et sécurité, ingénieur d'Etat à la Fonction publique française, Charles Antoine, le Département de l'Emploi et de la Formation professionnelle a su valoriser les atouts de son «administration citoyenne» pour étendre ses prérogatives de la gestion des Fonds du Travail aux domaines de la prévention et de la sensibilisation aux risques professionnels. Le «flou artistique» des statistiques Et ce, d'autant plus que la situation de la Santé et de la Sécurité au travail dans les entreprises est plus qu'inquiétante. Pour illustrer la dimension opaque qui entoure les procédures de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles au Maroc, sachez seulement que 80% des déclarations d'accidents sont considérées comme frauduleuses par l'administration centrale. Et qu'au moins 50% des dossiers traités par les compagnies d'assurances sont classés aussi, dans la rubrique «fraude» par ces dernières. Plus de 65 000 accidents du travail (chiffres de 2005) ont été déclarés dont 20% considérés comme graves (mortelles y compris). Ce sont surtout les activités industrielles et du BTP qui sont les plus touchées. Pour cette même année de référence, les compagnies ont dû débourser 650 millions DH en indemnisations d'assurances. Les responsables se sont insurgés contre le « flou artistique » qui affecte des statistiques fournies en vrac sans pouvoir en déterminer les spécifications utiles. Foi d'Abderrafie Hamdi, Directeur de l'AFT : «au Maroc, il existe un gros problème de statistiques et même les assurances qui indemnisent les victimes de la sinistralité ne sont pas en mesure d'en spécifier les données sectorielles ni par filières ». Et de poursuivre sur sa lancée, en admettant qu'il «est vrai que le Maroc n'a pas fait de gros efforts ces dernières années, jusqu'au plan d'urgence mis en œuvre par la Commission nationale ad-hoc». Pour l'hôte du jour excipant d'une trentaine d'années d'expertise en la matière, Charles Antoine s'est risqué à fustiger la désobéissance civile qui caractérise le domaine de la sinistralité du travail dans l'entreprise : «Aussi bien au Maroc qu'en France, l'indiscipline existe. Il est impératif de responsabiliser les entreprises, de renforcer les contrôles et de promouvoir une véritable culture de la prévention des risques professionnels. Il faut encourager les entreprises à être des acteurs de la sécurité et de la santé au travail». Pour aussitôt souligner dans la foulée, que « la prévention est l'affaire de tous et chaque effort individuel doit être un maillon assembleur ». A ce stade, les contraintes ne sont pas des moindres pour mettre à niveau le dispositif législatif et règlementaire du Royaume avec l'acquis communautaire : «Le Maroc doit s'imposer des règles basiques en parfaite cohésion avec celles en vigueur dans l'Union européenne». Non sans mettre en relief les progrès capitalisés par le Royaume en ces termes : «Le Maroc est l'un des rares pays à avoir anticipé les directives européennes dans plusieurs domaines». Mais il est dans l'intérêt de notre pays de se doter d'un service de documentation très pointu.