L'exposition des oeuvres de Miloud Labied, collection du ministère de la Culture, est un hommage à l'un de nos plus originaux artistes. Tafroukhtassif al Mal. C'est un lieu insoupçonnable à l'ombre de l'Atlas, en rase campagne, dans l'arrière pays marocain, que Miloud Labied a choisi pour installer sa Fondation des Arts Graphiques, dédiée aux estampes et gravures. Un espace d'art, à une vingtaine de kilomètres d'Amizmiz dans la région de Marrakech, où sont donnés à voir des Hartung, Kandinsky, Corneille, Matta, Chagall, Léonor Fini, Bernard Buffet, Vieira Da Silva, ainsi que les œuvres d'artistes marocains, Kacimi, Belkahia, Malika Agueznay, Aziz Abu Ali, Melehi, Chabâ... Ses amis ont essayé de le dissuader de réaliser à son projet avançant que personne ne viendrait visiter un lieu d'art au milieu de nulle part. C'est mal connaître le tempérament et les idées bien arrêtées de Miloud Labied. De par son look, béret, lunettes rondes, vêtements chinés aux puces, de par la rareté de ses expositions, son silence laissant ses œuvres parler d'elles-mêmes, l'artiste total se situait dans l'Etre et non dans le Paraître. Né en 1939 au douar Ould Youssef dans la région de Kellaa Sraghna, sa famille s'installe à Salé au début des années quarante. Adolescent, il travaillait comme jardinier tout en poursuivant des cours pour analphabètes. La rencontre avec Jacqueline Brodskis, l'artiste qui encadrait l'atelier de peinture du service de la jeunesse et des sports, a été décisive dans sa carrière. Influencée par une mère qui peint, il décide de devenir artiste et ne tarde pas à participer à une première exposition collective. C'était en 1958 à la galerie des Oudayas. Figuratif au départ, dès les années soixante, il opte pour une abstraction tantôt lyrique tantôt géométrique. Son œuvre, dominée par la touche circulaire et des fragments, à peine visibles du corps humain, reste hantée par les souvenirs d'enfance. Inclassable et fidèle en amitié et aux origines fondateurs, deux projets lui tenaient à cœur : une exposition en hommage à Jacqueline Brodskis dans l'enceinte de sa fondation et la réalisation d'une monographie des œuvres de sa mère. Miloud Labied nous a quittés le 8 octobre 2008. Aux responsables culturels, à la société civile et à ses amis de sauver sa fondation, de continuer à réaliser ses rêves. ■