«Téhéran est seul responsable de la détérioration entre les deux pays». Le chef de la diplomatie marocaine n'a pas cessé de marteler cette phrase à tous ses interlocuteurs depuis la rupture officielle des relations diplomatiques entre les deux pays. ■ Quand il expose ce mauvais scénario en trois actes, on est obligé de l'admettre. A une position de principe du Maroc, concernant l'intégrité territoriale d'un pays ami, l'Iran a répondu par une brimade ; à la demande d'explications et au rappel du chargé d'affaires, l'Iran a opposé le silence méprisant, puis à la rupture des relations, suite logique des deux impairs précédents, Téhéran a fait pire. En effet son communiqué laisse entendre que la décision du Maroc est dictée par d'autres et que Rabat travaille contre les intérêts de la Palestine. Les officiels marocains sont unanimes, c'est une décision souveraine, dont aucune capitale n'a été informée avant le communiqué l'annonçant, c'est une réaction contre le mépris, «La Hogra», affichée par le régime des mollahs. Le soutien au chiisme, constaté depuis 2004, était «tolérable» dans le cadre de relations où subsiste une certaine forme de respect. Pas dans le contexte nouveau. Pourquoi Téhéran a-t-elle eu une attitude aussi cavalière? Les officiels n'ont que des pistes, des hypothèses de travail. Peut-être que l'Iran a pensé que l'affaire du Sahara fragilisait le Maroc. Mais ils notent tout de suite que, juridiquement, l'Iran reconnaît toujours la RASD, que l'ambassadeur des mollahs à Alger a assisté aux festivités marquant l'anniversaire de la création de la fantomatique république. Les menaces actuelles de « reconsidérer la position sur le Sahara » sont donc vaines. L'autre hypothèse, plus solide, c'est que l'Iran dans ses visées hégémoniques sait que le Maroc ne sera pas un adversaire facile. D'abord par son rôle religieux, acteur principal du dialogue des civilisations, mais ensuite par son rôle au Moyen-Orient. A Doha, le ministre des Affaires Etrangères Iranien a exprimé à son homologue marocain sa surprise devant les réserves sur le retrait de l'offre de paix arabe. Réserves que seuls le Maroc et le Liban ont émis à l'époque. Le rôle joué à Gaza par le Maroc, le refus des divisions Arabes, sont des éléments que la diplomatie iranienne prend en considération. Les principes de la réalité L'idée que l'Iran veut accréditer, celle d'un acte « conseillé » par l'Occident est absurde. L'administration Obama ayant clairement laissé entendre qu'elle voulait rénover le fil des négociations avec Téhéran, elle aurait donc plus besoin de contacts facilitant ce processus que de tensions. D'ailleurs, sur le dossier du nucléaire, la position du Maroc est inébranlable, elle ne risque pas de changer suite aux indélicatesses de Téhéran. Le Maroc soutient le droit de l'Iran à acquérir et à utiliser l'énergie atomique à des fins civiles. Signataire de l'accord de non prolifération des bombes atomiques, il est bien évidemment contre l'utilisation de la technologie à des fins militaires. Dessein que l'Iran nie à ce jour. Le lien entre le Venezuela et l'Iran ? Il n'y en a pas. Le Venezuela maintenait ses relations avec le Polisario et a surtout refusé d'inviter Rabat au sommet Afrique – Amérique Latine, organisé à Caracas, et dont le Maroc était pourtant un acteur important puisqu'il co-présidait une commission avec… le Venezuela. Au lieu de cela Chavez a invité la RASD. Le Maroc n'a pas rompu ses relations, mais a fermé son ambassade, l'estimant inutile après dix ans de présence. Le lien avec la position de Chavez sur Israël n'existe que dans les discours de propagande financés par nos ennemis. La diplomatie marocaine ne cache pas qu'elle « montre ses dents ». Mais ce n'est pas une approche conjoncturelle. Parce que cette attitude est aussi l'affirmation que Rabat n'a pas abdiqué son rôle, ses ambitions dans les affaires régionales et celles du monde. Et ceux qui croient que l'affaire du Sahara poussera le Maroc à mettre en veilleuse, ce que d'autres appellent du narcissisme historique, se mettent le doigt dans l'œil. C'est ce qui est arrivé à Téhéran. ■