Les écrivains du royaume chérifien ont été à l'honneur au salon littéraire maghrébin de Paris. Plus de 140 auteurs, venus du Maroc, de Tunisie, d'Algérie et de France, se sont donnés rendez-vous les 7 et 8 février à la mairie du 13ème arrondissement de Paris, pour le 15ème Maghreb des livres, organisé par l'association Coup de soleil. Au programme, cafés littéraires, tables rondes, séances de dédicaces. Une édition dédiée au Maroc et qui rendait aussi hommage au juriste et militant tunisien des droits de l'homme Mohamed Charfi. C'est le Maroc qui était à l'honneur de cette 15ème édition. De naissance, d'adoption, ou tout simplement de cœur, c'était donc l'occasion de découvrir ou redécouvrir des écrivains et intellectuels marocains, qu'ils écrivent en français, en arabe ou en tamazight. Tous les textes sont parus en 2008. Littérature de l'entre-deux Alors, quoi de neuf sous le soleil littéraire chérifien ? Maâti Kabbal, nouvelliste et romancier, mais également journaliste et organisateur des fameux «Jeudi de l'IMA» (les débats de l'Institut du monde arabe), est un auteur dont la romancière Leïla Sebbar pense qu'il a cette particularité d'évoquer «un Maroc de l'entre-deux: tradition-modernité, Maghreb-Europe, Méditerranée-Océan, ville-campagne…» Au Maghreb des livres, il viendra signer Fou de Daouia, son deuxième roman (aux éditions casablancaises Aïni Bennaï) qui raconte, dans une langue qui oscille entre un arabe châtié et le langage de la rue, l'histoire d'un couple marocain ordinaire qui oscille, lui aussi, entre amour et répulsion. Un texte dramatique et burlesque, à l'image du Maroc «à la fois optimiste et pessimiste» d'Abdellah Taïa, installé depuis 10 ans en France. L'auteur qui revendique haut et fort son homosexualité à travers ses récits, notamment dans Le rouge du tarbouche (Séguier, 2004), s'inscrit dans une lignée littéraire tournée vers l'individu, cherchant à s'émanciper du poids de la famille, de la chape de plomb imposée par les traditions. «J'aime beaucoup Sanaa Laji qui a écrit le très beau roman Madjnounat Youssef (Folle de Youssef). J'aime Rachid O., Karim Nasseri, Driss Ksikès, Rachid Benzine... Nous sommes aujourd'hui au Maroc dans la génération littéraire du « JE » NU. De plus en plus nu. Et tant mieux», revendique-t-il. La génération du «Je» Le «Je NU» pour conjurer la peur: «Peur du pouvoir, de l'imam, du père, de certains intellectuels… Peur d'être et d'exister». L'auteur, qui dédicacera samedi deux romans parus au Seuil, Une mélancolie arabe et L'armée du salut, s'indigne aussi du manque de volonté politique des décideurs maghrébins, peu disposés à promouvoir le livre et la lecture, et qui empêchent, de surcroît, les livres de circuler à l'intérieur de l'espace maghrébin : «C'est ça le vrai désastre, la vraie catastrophe. Un peuple sans livres ! Nos dirigeants empêchent ainsi les gens de réfléchir, de s'éclairer, si je peux dire. On les laisse dans l'ignorance et la soumission éternelles. De mon point de vue, c'est un crime». C'est un constat connu. Le Maroc est un pays où l'analphabétisme touche une grande partie de la population, un pays où les maisons d'éditions ne dépassent pas la trentaine. Où, malgré les aides de l'Etat, les parutions franchissent rarement le cap du millier par an, des livres parascolaires pour la grande majorité, et tirés à pas plus de 1500 exemplaires. Comment donc y remédier ? « Il faut se rebeller, s'engager, parler vrai, parler directement, préconise Abdellah Taïa, qui n'oublie pas que «l'écriture est un acte politique, un acte de résistance». ■