Votre carte TPS est cryptée ? Aucun souci, Abdallah la reflache illico. Votre «I phone» est bloqué ? Hamid est là pour le débloquer. Votre ordinateur est infecté ou même brisé ? Pas de panique, Miloud est là pour cela. Le savoir-faire technologique de ces jeunes qui ont interrompu précocement leurs études est époustouflant. Hamid est formel : «Les GSM des leaders mondiaux sont dotés d'une technologie sécuritaire validée dans les laboratoires de la NASA. Les attentats à distances ne peuvent être déclenchés par le biais d'un téléphone portable grâce à un composant électronique microscopique appelé SFV421. Quant aux incursions malfaisantes telles que les écoutes ou les spams intempestifs, ils sont traités, bloqués et détruits au moyen d'une interface vectorielle satellitaire». Que dire face à ce savoir nanotechnologique digne d'un savant des plus illustres laboratoires de recherche ? D'autant que ce jeune homme qui n'a pas encore la trentaine a quitté l'école sans atteindre le niveau bac. Son propre Black Berry est truffé de technologies «usurpées» sur le Web. Avec sa barbe fournie et son regard perçant, Abdallah semble fraîchement sorti d'une grotte afghane ; il ponctue son parler d'une littérature fataliste abondante : «macha Allah» ; «bi- idnillah» ; «Qu'Allah maudisse Satan !»…etc. Mais derrière cette posture islamiste, un grand esprit de l'électronique se terre paisiblement. Aucun code de cryptage de bouquets télévisuels satellitaires ne lui a jamais résisté. Ce petit 1,66 mètre entretient des relations bloguantes avec les seniors de la technologie informatique russe. Grâce à ces contacts, il a pu détenir la primeur des codes de décryptage d'une foultitude de bouquets. Moyennant une somme allant de 500 à 5.000 DH, il «balance» ses codes à travers l'ensemble du territoire marocain. «Je ne suis pas le meilleur. Abdelghafour de Meknès, par exemple, peut être considéré comme un as, pas moi. Ce jeune homme de 22 ans a créé un protocole capable de «déchiqueter» n'importe quel mot de passe au monde, y compris ceux qui protègent les paiements en ligne. La galaxie informatique Après avoir vendu sa découverte au prix de 50.000 $ US aux «crackers» polonais, il a été arrêté par la BNPJ sur une dénonciation de son complice marocain», dit-il sur le ton de la confidence tout en avertissant sur la solidité de ses scrupules. Licencié en biologie, Miloud a longtemps chômé avant de s'orienter vers la galaxie informatique. «Pour ne pas croiser les bras au fil des centaines de demandes d'emploi, j'ai travaillé dans cette même boutique avec mon frère. Peu à peu, j'ai appris à démonter et remonter les ordinateurs. Puis, la phase de la mise en route des logiciels est arrivée avec son lot de téléchargements. Aujourd'hui, mon frère et moi possédons cinq boutiques à travers Casablanca. Nous sommes aujourd'hui plus de trente personnes à y travailler. Aucune unité centrale, aucun périphérique ne résiste au savoir-faire de nos employés. Mieux : le plus calé d'entre nous n'a pas encore vingt ans !». En vérité, ce potentiel technologique qui évolue souvent dans le monde de l'informel est méconnu des responsables gouvernementaux. Pourtant, un comité interministériel baptisé «Comité e-Gouvernement» a été crée à la fin de l'année 2002 afin de développer les principaux facteurs de modernisation de l'administration qui sont le renforcement de la communication entre administrations, l'optimisation des circuits administratifs et des processus de prise de décision, l'amélioration des services rendus aux citoyens et aux entreprises en termes de qualité de proximité et une meilleure transparence dans la gestion administrative. Depuis, rien de notable n'a été réalisé. Certes, l'offshoring est venu restituer une part peu négligeable de la «valeur ajoutée» de ce que ces «Marocains du possible» ont pu administrer face à l'apathie ambiante, mais il n'en demeure pas moins que l'Etat, du haut de sa «haute amplitude», se doit, plus que jamais, de jeter son regard bienveillant sur ces «soldats inconnus» des temps modernes ! Après tout, ces gens se sont formés eux-mêmes. Ils ne doivent rien à personne ! ■