George Bush laisse un triste héritage, mais Barack Obama semble avoir les capacités de réparer les dégâts. Peu après midi, le 20 janvier, Barack Obama s'installera pour la première fois derrière le bureau où « s'arrête toute tergiversation ». La présidence américaine a toujours été une fonction des plus difficiles et des plus lourdes de responsabilités, mais cette fois, il semblerait qu'elle le soit davantage. Une récession mondiale d'une gravité jamais vue depuis probablement 80 ans, une nouvelle guerre au Moyen-Orient et d'autres qui traînent en longueur en Afrique, des missions loin d'être accomplies en Irak et en Afghanistan, une Russie irritable et une Chine en ascension. Et pourtant, ces problèmes internationaux doivent jouer des coudes pour obtenir l'attention du président, préoccupé aussi par des difficultés d'ordre national, comme la montée en flèche du chômage, la nécessité urgente d'un meilleur système de santé, l'explosion des déficits et la déconfiture de villes entières. Ces fardeaux sont certainement trop lourds pour être portés par un seul homme. Pourtant, ni l'Amérique, ni le monde, ne semblent le voir de cette façon. Une foule de plus de 2 millions de personnes se déplacent à l'instant même vers Washington DC pour assister à l'investiture d'Obama. Des milliards d'autres vont suivre l'événement à la télévision. Et tout cela, dans un esprit qui avait disparu depuis longtemps: un esprit d'optimisme. Ce n'est pas simplement parce qu'un mandat ébranlé par les événements du 11 septembre 2001 se termine. Une nouvelle Amérique Mais parce que cette investiture témoigne de la faculté impressionnante de l'Amérique de se renouveler. Et parce qu'il est jeune, beau et intelligent, et qu'en tant que fils d'une Américaine du Kansas et d'un Kényan, il réconcilie par sa propre personne une des divisions américaines les plus empreintes de haine. Obama porte en lui les espoirs de toute une planète. C'en est trop, pour sûr. Mais qu'est-ce que le monde pourrait espérer de façon réaliste de la présidence d'Obama ? Beaucoup diraient qu'après le désastre de l'aventure en Irak de George Bush, pour reconstruire ses relations étrangères, l'Amérique doit devenir un géant plus modeste, plus freiné de manière évidente par la législation internationale et plus engagé à travailler équitablement pour la paix au Moyen-Orient et ailleurs. D'une certaine manière, tout ceci est certainement la meilleure chose à faire. Un peu moins d'arrogance manichéenne à la façon de Bush serait la bienvenue. Cela ne veut pas dire que l'Amérique doit devenir plus isolationniste. La plupart des grands problèmes de ce monde réclament encore son intervention ; et une Amérique qui néglige ses problèmes nationaux ne servira pas correctement le reste du monde. Personne n'imagine sérieusement que la paix puisse s'établir au Moyen-Orient sans l'intervention de l'Amérique. Ni la Russie, ni la Chine, ni l'UE n'a l'ambition de mener la campagne contre la prolifération nucléaire de l'Iran ou de la Corée du Nord. Parfois, comme avec le Kosovo dans les années 1990, les Etats-Unis doivent agir même lorsque l'ONU hésite. Par-dessus tout, l'Amérique doit être à la tête du plan de lutte contre la récession mondiale, par sa position forte au sein du FMI, son rôle vital de barrière à l'appel irrésistible du protectionnisme et l'effet stimulant des vastes dépenses gouvernementales qu'Obama envisage. Un président qui comprend, contrairement à Bush, que l'Amérique n'est plus cette hyperpuissance incontestée des années 1990, une nation qui tient à la «puissance douce» plus qu'à la manière forte, constitue à lui seul une amélioration. Une Amérique dirigée par un tel homme écoutera plus attentivement et travaillera de façon plus rapprochée avec ses alliés et ses rivaux, déploiera des efforts plus amples pour respecter les lois qu'elle a adoptées et pourra prendre de nouveaux engagements, comme par exemple la lutte contre les changements climatiques. Si l'Amérique renouvelait son respect pour la constitution et la loi, ce geste serait bienvenu dans le pays comme à l'étranger. « George II » méprisait les règles de gouvernement établies par ses aïeux. Il mettait ses citoyens sur écoute sans en avoir le droit, il autorisait en secret le recours à la torture et destituait des juges pour des raisons politiques. Obama semble déterminé à ne pas suivre cet exemple. Il a nommé à la tête de la CIA un libéral qui lui est extérieur et un éminent universitaire pour diriger son Bureau du conseil juridique. L'Amérique, a déclaré un de ses Pères fondateurs, doit être «un gouvernement de lois, et non d'hommes». Pendant les mandats de Bush et de Dick Cheney, cela fut souvent le contraire, semble-t-il. Opération : réforme Mais c'est l'économie nationale qui absorbera le plus l'attention d'Obama. Là, le renouveau américain doit prendre deux formes antagonistes. D'une certaine manière, la situation réclame une approche plus active du gouvernement : pour une réglementation plus sévère des banques et des quasi-banques, pour des dépenses publiques à plus court terme afin de contrebalancer la contraction ailleurs dans l'économie et pour l'établissement d'un système de santé de base destiné à tous les citoyens. Mais Obama a aussi besoin d'un plan pour réduire d'autres aspects de gouvernement sur le plus long terme. Sans réforme des programmes sociaux coûteux, le gouvernement fédéral risque la banqueroute. Mais diminuer les dépenses des programmes sociaux tout en rachetant des centaines de milliards de dollars de mauvais crédits à Wall Street est une politique difficile à faire avaler. Mais au moins, Obama reconnaît qu'il sera obligé de passer par là. Un système de santé plus équitable assorti d'une réforme du budget ferait à eux seuls de la présidence d'Obama une présidence remarquable. En plus, il a les voix qu'il lui faut au Congrès pour produire cela. Bush avait tendance, de façon simpliste, à voir le monde à travers des lunettes idéologiques et partisanes. Il s'est accroché à de mauvais conseillers plus longtemps qu'il ne l'aurait dû ; il a trop souvent divisé le monde en deux clans, le bien et le mal; et il a comploté d'établir une hégémonie républicaine bien qu'il se soit vendu aux électeurs comme un bipartisan. Dans les affaires économiques, il a eu trop tendance à sacrifier le bien à long terme pour un avantage à court terme. Il semblait curieusement incurieux des détails vitaux, tels que la conduite de la guerre en Irak. Obama semble différent. En offrant le poste le plus convoité du gouvernement à sa rivale, Hillary Clinton, et en conservant Robert Gates, secrétaire à la Défense qui a réalisé un travail remarquable, Obama fait preuve de sa détermination à ne pas s'entourer uniquement de ses petits copains. Il a constitué une équipe qui impressionne par son calibre et son centrisme. Il est déjà solide, renvoie les gaffeurs et est prêt à reconnaître ses erreurs. Il a averti à plusieurs reprises les Américains qu'il aurait à accomplir des choses désagréables. Les quatre, ou huit, prochaines années seront soit décevantes, soit un renouveau triomphant, soit encore quelque chose situé entre les deux. Obama est inexpérimenté et, à l'instant même, le monde semble particulièrement sévère. Mais c'est un homme respectueux et réfléchi, ce qui est déjà un bon début.