Nouvelle tentative de sauvetage du secteur de l'aviation,tourmenté par la crise… Le secteur de l'aviation a atteint un tel état de stress que même la chute des prix du pétrole de moitié n'a pas suffi à lui procurer le moindre soupçon de soulagement. Le prix du carburant était élevé pendant l'été, période la plus chargée pour le secteur; c'est pourquoi les compagnies aériennes se sont trouvées dans l'impossibilité de se constituer des réserves d'argent avant que la demande ne faiblisse avec l'arrivée de l'hiver. Et bien que le pétrole soit descendu à un cours raisonnable, le dollar s'est renforcé, ce qui constitue une mauvaise nouvelle pour les compagnies non américaines, puisque le carburant et les appareils sont payables en dollar. La première phase de la récession mondiale conduira, selon les prévisions de Willie Walsh, patron de British Airways, 30 autres compagnies aériennes à la faillite avant que l'économie n'atteigne son plus bas niveau, en plus de la trentaine qui ont déjà fait banqueroute cette année. D'après les dernières statistiques délivrées par l'IATA, l'association internationale du transport aérien, le trafic international de passagers a subi une «baisse alarmante» de 2,9 % au mois de septembre par rapport à septembre de l'année dernière. Le cargo a chuté de 7,7 %. Les transporteurs de la zone Asie-Pacifique ont été témoins d'une baisse de 6,8 % du trafic passagers, et même les compagnies aériennes du Moyen-Orient, habituées à une croissance à deux chiffres depuis de nombreuses années, ont vu leur activité baisser de 2,8 %. En Europe et aux Etats-Unis, après un mois d'août calme, le fret aérien s'est effondré de 6,8 % et 6 % respectivement, plus importantes baisses enregistrées depuis 2001. Giovanni Bisignani, directeur général de l'IATA, affirme que les pertes cumulées cette année par le secteur devraient excéder les prévisions de 5,2 milliards $ faites par l'organisation ; les compagnies américaines à elles seules vont enregistrer une perte de 5 milliards $. L'IATA se prépare au pire. L'association a placé vingt transporteurs sur sa liste de surveillance, dont un grand opérateur international au moins, et dispose d'une équipe de réponse rapide forte de 80 personnes qu'elle peut envoyer à tout moment pour empêcher une compagnie aérienne en faillite de contaminer son système international complexe de règlements (qui sert à transférer l'argent entre les agents de voyage et les compagnies aériennes), que l'IATA gère pour tout le secteur. Mais ce n'est pas tout. M. Bisignani fait depuis longtemps campagne pour que le secteur soit libéré des chaînes qui empêchent les compagnies aériennes de fonctionner comme des sociétés normales. Ce qu'il souhaite en particulier, c'est mettre un terme aux règles archaïques qui régissent l'accès au marché, aux restrictions sur les capitaux étrangers qui limitent la possibilité pour une compagnie de se procurer des capitaux sur des marchés internationaux et qui gênent les fusions transfrontalières (en dehors de l'Union européenne où, par exemple, l'Allemand Lufthansa travaille cette semaine à prendre le contrôle du transporteur britannique, BMI). Bisignani estime que le plus urgent aujourd'hui est de trancher au couteau le réseau de 3.500 accords bilatéraux de gouvernement à gouvernement qui font suffoquer le secteur. C'est dans ce but, et avec le soutien de ses 230 compagnies membres, que l'IATA a invité 14 gouvernements majoritairement pro-libéralisation, plus la Commission européenne, à un sommet, les 25 et 26 octobre, à Istanbul, afin de discuter de la marche à suivre de manière pragmatique. Au début, M. Bisignani proposait que les Etats renoncent par eux-mêmes à certaines clauses de leurs accords bilatéraux, en sélectionnant les partenaires à qui ces dispenses s'appliqueraient. En suivant cette méthode, et parce qu'il ne s'agirait que de renonciations à l'application de certaines clauses, ces dernières pourraient être rétablies à tout moment (avec un délai d'avertissement raisonnable) si les résultats n'étaient pas ceux escomptés. Cette idée est encore vivace, mais pour le moment, les 15 participants au meeting ont demandé à l'IATA de rédiger une « déclaration multilatérale de principe », qui expliquerait leur stratégie commune et leur objectif de libéralisation, et de la présenter lors d'un second sommet au début de l'année 2009. Cette déclaration devrait inclure, parmi d'autres sujets, un aveu selon lequel les signataires éventuels devront être indifférents à la «nationalité» des compagnies aériennes au moment de leur accorder le droit de mettre en place des vols vers leur pays. Cela peut paraître un petit pas en avant, mais celui-ci a le potentiel de réécrire les règles du jeu en faisant pression sur les pays lents à modifier leur politique protectionniste. Certains à Istanbul comparent l'impact potentiel d'un document de ce type aux provisions relatives aux droits de l'homme dans l'Acte final d'Helsinki, qui a contribué à lancer la machine qui a finalement mené à la chute du Mur de Berlin 14 années plus tard. Personne ne sait mieux que M. Bisignani que le secteur ne dispose peut-être pas même de 14 mois, et donc encore moins de 14 ans, pour remettre de l'ordre chez lui. «Les compagnies aériennes, comme toutes les autres sociétés, font face à d'énormes défis, dit-il. Mais contrairement aux autres sociétés, elles sont privées des libertés commerciales élémentaires susceptibles de les aider à faire tourner leur activité en ces temps difficiles». ■