La levée par le Royaume du Maroc des réserves enregistrées au sujet de la Convention internationale sur l'élimination des discriminations à l'égard de la femme, a secoué le landerneau politique et annonce de belles batailles idéologiques en perspective. Pour la célébration du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, Mohammed VI a fait un joli cadeau aux Marocaines. Le Roi a ainsi décrété la levée par le Royaume du Maroc des réserves enregistrées au sujet de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme (CEDEF). Une revendication qui remonte à 1993, date de la signature de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme (CEDEF), surtout que ces réserves vidaient ladite convention de son contenu, à savoir le principe d'égalité. Applaudie par toutes les organisations de défense des droits de l'homme (et de la femme, forcément), la décision royale répond parfaitement aux revendications du mouvement féministe. Bannir la discrimination à l'égard de la femme est l'une de ses revendications principales. Entrée en vigueur en 1981 après la signature de 20 pays, la CEDEF définit la discrimination à l'égard des femmes comme «toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine» (Article 1). La CEDEF a été ratifiée par 182 pays (en mars 2006) dont le Maroc. En vertu de cette ratification, ces Etats sont tenus d'inscrire l'égalité des droits entre les femmes et les hommes dans leurs institutions et de présenter au comité de la CEDEF, des rapports périodiques, au moins tous les quatre ans, sur l'état de l'avancement de la situation des femmes dans leur pays. A l'époque, le Maroc avait émis des réserves sérieuses, notamment sur la question de la polygamie et celle de l'égalité devant l'héritage, entre autres. Véritable révolution «Ces réserves sont devenues caduques du fait des législations avancées qui ont été adoptées par le Royaume», a souligné le Roi. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que sur ces questions d'une sensibilité extrême, cinq ans après sa promulgation, la nouvelle moudawana (code de la famille) n'a pas vraiment fait avancer les choses. Le fossé énorme entre l'esprit et la pratique a fait que sur la question du mariage des filles avant 18 ans, en principe interdit, les juges ont systématiquement recours au petit bonus que leur accorde la loi pour autoriser dans des conditions exceptionnelles ce type d'union. La réforme annoncée par le roi Mohammed VI le 10 octobre 2003, et mise en oeuvre quatre mois plus tard, était pourtant une véritable révolution dans un pays encore prisonnier de pratiques et de traditions ancestrales. De plus, dans ce code de la famille, il y a toujours des articles ancrant la discrimination à l'égard des femmes, notamment en matière du mariage avec les étrangers, la question de la tutelle légale accordée toujours au père comme le prévoit le code, l'héritage, la polygamie et autres. Aujourd'hui la question se repose avec acuité sur la portée réelle de la levée des réserves et leur concrétisation sur le terrain. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que «les réserves» exprimées par certains courants de la société, comme les islamistes du PJD, montrent que la bataille ne fait que commencer entre féministes et partisans de la tradition. Du beau spectacle en perspective ! ■