C'est par la « Halka » que le noble art s'est propagé au Maroc. Les clubs démunis, restent des lieux porteurs de valeurs emblématiques. Ce sport a donné d'énormes satisfactions sans rien recevoir en retour.. Il est sûr et certain que la boxe moderne a été introduite au Maroc par le protectorat. On ne connaît pas de document ou de témoignage qui fait état de la présence du noble art, ou de quelque sport qui lui ressemble dans le Maroc pré-colonial. Pourtant, dès le début de l'urbanisation et le développement de la « Halka » ce lieu où conteurs, saltimbanques et artistes de tous genres s'assemblaient pour animer la cité, la boxe apparaît. La comparaison avec les fêtes foraines occidentales est erronée. Lors de ces fêtes, il y avait un champion, généralement un malabar, qu'il s'agissait de défier pour gagner un lot. La Halka, elle, appliquait les règles de la boxe. Elle mettait aux prises, deux protagonistes du même âge et d'une corpulence comparable, la notion de catégorie était derrière. Les maîtres de la « Halka » n'avaient pas leur pareil pour galvaniser les « Boxeurs » et intéresser le public. « Qui sera le coq et qui sera la poule ? », toucher les prétendants dans leur virilité pour accentuer leur motivation. Tous les entraîneurs professionnels utilisent les mêmes subterfuges. A la fin des combats, l'accolade est imposée et le maître de la Halka, trouve toujours les mots réparateurs pour l'ego du vaincu. Ce simulacre retrace effectivement toute l'alchimie de la boxe : un moment de bestialité contrôlée entouré d'un halo très contradictoire. Les anti-boxe peuvent disserter autant qu'il veulent, les gladiateurs modernes soulèveront toujours l'enthousiasme des foules par la magie du ring. Les salles obscures Et cette magie a fonctionné à merveille au Maroc. Dans les grandes villes, la plupart des quartiers populaires avaient leurs clubs. Souvent, il ne s'agissait que d'une cave ou d'un garage aménagé. L'entraînement était assidûment suivi par un public de plus en plus connaisseur et les « champions » étaient chargés de la renommée du quartier. Ce système, qui a plus de ressemblance avec l'histoire de la boxe aux USA, que celui qui la régit en France, a donné des champions hors-pair. D'abord le mythique Marcel Cerdan. Il a grandi à Casablanca et pratiquait tous les sports. Il a joué au football avec Fontaine, Aissa Kerroum le Rbati et bien d'autres. La boxe professionnelle est venue plus tard, mais c'est dans une salle de quartier qu'il a croisé les gants pendant toute sa jeunesse. « Le bombardier Marocain » Périra dans un accident d'avion, laissant le soin à Edith Piaf de chanter son immortel « Laissez-le moi encore un peu, laissez-le-moi mon amoureux ». Après l'indépendance, des fanatiques de la boxe ont maintenu le flambeau. Belyout Bouchentouf, véritable résistant et notable de Casablanca a été de ceux-ci. Avec un groupe réduit, Aissaoui, Belhadj père, Moulay Brahim El Marrakchi, ils ont permis aux petits clubs de perpétuer la tradition. Cette foi de charbonnier a permis la sortie de grands champions, malheureusement maintenus dans l'amateurisme. Sorour le styliste, champion du Monde Militaire, vainqueur de plusieurs compétitions internationales, initié par la Halka et formé à Marrakech a été de ceux-ci qui s'en souvient ? Et puis il y a eu Bouchaïb Stini, produit du Hay Mohammadi, émigré en Belgique, il se fait appeler Michel Stini, passe professionnel gagne le championnat d'Europe. Surnommé le lion des flandres, seuls les extra-terrestres américains lui barreront la route du championnat du Monde. Rahilou et Skouma suivront. Les frères Achik, les Temsamani, et les qualifiés de Pekin, tout le monde connaît. Ce que l'on ne sait pas, c'est que la boxe tient toujours grâce à l'engagement de quelques passionnés. Les recettes sont nulles parce qu'il n'y a plus d'exhibitions payantes. Les subventions sont ridicules alors que ce sport nous vaut régulièrement des satisfactions. Le rapport qualité-prix est sûrement le meilleur à ce niveau-là. Les boxeurs de la Halka sont toujours là, les passionnés qui font des contorsions pour que ce sport demeure, sont en nombre plus réduits, parfois les enfants de ceux qui ont permis au noble art de survivre. Mais c'est tout, on ne peut pas dire que l'Etat, les sponsors, les parrains se pressent autour du ring. Pourtant au-delà des résultats, dix qualifiés aux J.O de Pekin et des espoirs de médaille, ce sport a d'autres vertus. Le papier de Abdellatif Azizi nous décrit un phénomène lié à la boxe partout dans le monde. Ce sport permet aux jeunes en difficulté de canaliser leur violence et d'acquérir des règles de vie communes. L'avenir c'est bien sûr un circuit professionnel. En attendant, si ce sport pouvait avoir des moyens supplémentaires, des salles, des gants, du matériel de musculation, il nous produirait des champions auxquels les jeunes pourraient s'identifier. C'est aussi cela l'intégration, mais nos décideurs ne le savent pas.