L es temps sont durs et pas seulement pour la classe laborieuse. Alors, c'est décidé. Abbas Al Fassi et gouvernement se serrent la ceinture. Le trésor public devrait être sévèrement touché par la conjoncture avec la hausse du cours du brut, la baisse de la production de céréales, malgré l'amélioration des prélèvements fiscaux. Le cours du baril de pétrole continue de flamber et dépasse désormais la barre de 130 dollars, alors que le budget 2008 a été établi sur la base de 75 dollars seulement. Si le gouvernement avait budgété quelque 20 milliards de dirhams pour le pétrole, on peut aisément imaginer qu'il déboursera au moins 60% de ce montant de plus, car le baril n'est pratiquement jamais descendu en- dessous de la barre des 100 dollars depuis le début de l'année. Se pose alors la question lancinante de savoir à quelle porte frappera Zouheir Chorfi, directeur du trésor pour trouver ces 12 milliards de plus, afin de continuer à subventionner les prix à la pompe? La réponse n'est pas trouvée à cette première question, qu'une deuxième, puis une troisième se posent déjà. D'où viendront les 16 milliards de dirhams légitimement acquis par la fonction publique au terme du dialogue social ? Et comment le gouvernement s'en sortira-t-il aussi avec la question des céréales? Au total, on avance le chiffre faramineux de 40 milliards de dirhams pour la caisse de compensation. A moins d'un miracle, les caisses du trésor seront mises à rudes épreuves par cette série de sollicitations, toutes aussi importantes, aussi urgentes, mais aussi lourdes les unes que les autres. Alors, dans sa main, Abbas Al Fassi a peut-être un atout : celui des économies. Il appelle son équipe à se serrer la ceinture. Néanmoins sauf miracle, les ministres risquent fort d'être sourds à cet appel. On voit mal, les départements, acculés à leur tour par leurs directions avec des besoins croissants en investissements, personnels et autres charges de fonctionnement, ne pas exécuter les dépenses contenues dans la loi de Finances, celle là même qui a été adoptée par les deux chambres. Peut-être qu'il reste le fameux joker dont dispose encore le gouvernement. Il s'agit de la carte de l'indexation des prix à la pompe aux cours du pétrole. La dernière révision des prix date de 2007 et elle était même orientée à la baisse, parce que le gouvernement voulait se donner bonne conscience. Depuis, les cours du pétrole n'ont cessé d'augmenter pour atteindre ce niveau auquel les prévisions les plus pessimistes ne s'attendaient pas. Mais il est indéniable que les prix à la pompe seront révisés. L'équipe gouvernementale sait que le carburant est un produit hautement inflammable qu'il faut manipuler avec prudence. La hausse est inéluctable donc, mais elle ne concernera pas le gasoil et butane. Pas le gasoil et butane, cela veut dire que les recettes supplémentaires escomptées seront maigres. Elles ne dépasseront pas 4 milliards de dirhams, ce qui pèse pour des miettes face aux 30 milliards de besoins supplémentaires. Mais, il n'y a pas de petites économies. C'est d'autant vrai que la croissance enregistrée tout au long de ces années porte ses fruits. Les recettes fiscales se portent à merveille grâce surtout à l'IS, mais également à la TVA, puisque la consommation est en forte hausse, malgré ce que l'on pourrait en penser. Il n'empêche qu'à la longue, le budget pourrait ne plus tenir. La compensation ressemble à un barrage. Tant que le niveau d'eau ne dépasse pas sa contenance, il se montre d'une utilité sans égal. Mais quand il est trop sollicité, il finit par céder, causant plus de dégât qu'il n'a eu à rendre service. Salaheddine Mezouar, le ministre de l'Economie et des Finances avait lancé l'idée d'une subvention personnalisée en fonction des revenus individuels des ménages, le dispositif à mettre en place est on ne peut plus lourd pour y arriver. Néanmoins, s'il faut se rendre dans des pays comme le Brésil qui ont réussi le pari, autant le faire avant que l'inévitable ne se produise. l