Les efforts déployés en matière d'amélioration de la condition de la femme sont louables, mais les questions liées à sa condition de mère relèvent souvent du tabou. Face à cette situation, les gynécologues n'ont pas la tâche facile. es marocaines sont en marche, tout le monde est d'accord. Les femmes vont de l'avant, c'est certain, mais qu'en est-il de la santé des mères ? Les femmes de la région d'Afourer et Bine el Ouidane, dont le barrage hydro-électrique fournit une production en énergie de 600 millards de kilowatt par heure, soit 2/3 de l'électricité d'origine hydraulique du Maroc, patientent pour qu'une caravane médicale composée de médecins gynécologues volontaires passe dans la région, afin qu'elles aient droit à une consultation gynécologique. Ajoutons à ces facteurs socio-économiques et médicaux qui convergent pour mettre la vie de la mère en péril, le culturel qui reste un handicap majeur. L'influence de l'entourage est importante pour les femmes majoritairement analphabètes. Mener une discussion autour de l'utérus, vulves, trompes et ovaires et seins, les troubles de règles, c'est évoquer la sexualité, forcément on rentre ici dans le domaine de la «Hchouma» ! De ce fait la femme est loin d'être réconciliée avec ses organes gynécologiques, de sorte que le cas de présence de dysfonctionnement de ces organes ou de grossesse hors cadre conjugal, la contraignent au silence et donc à la mort. Education familiale défaillante, pédagogie scolaire déficiente, sont autant de causes de sous développement social. Docteur A.Chenfouri affecté à titre volontaire, à l'échographie, lors de la Caravane organisée en 2007 par un laboratoire pharmaceutique, dans une petite salle où un carton sert de support à l'échographe, et deux bancs recouverts d'une couverture pour les mamans, se rappelle bien les difficultés rencontrées pour faire parler les femmes de leur mal. Situation dramatique Les centres urbains ne sont pas mieux lotis, puisque de drames sont vécus en plein cœur de Casablanca ! Malika, médecin généraliste, ayant un Cabinet situé dans un quartier loin d'être «chic» s'insurge : «Je reçois plus de 30 patientes par jour, elles appartiennent toutes à des milieux défavorisés. Plus de 30% sont enceintes et 20% presque souffrent de problèmes gynécologiques». Pour la question, pourquoi le recours à une généraliste. Malika réitère «elles sont pauvres ! Imaginez que Aicha est une patiente de 45 ans que j'ai assistée pour être hospitalisée en gynécologie. On estime que le traitement qu'elle subit peut prendre deux mois et plus. Dans une clinique de Casablanca, cela aurait demandé 15 jours, mais aurait coûté 25 000 DH». La réalité vécue au quotidien chez Malika est plus écoeurante avec le cas de Najat qui serre le cœur «Un matin, une jeune femme, qui ne dépasse guère 16 ans, avait des maux de ventre et de tête. Elle ne parlait pas et n'arrêtait pas de pleurer ; c'est l'autre jeune femme qui l'accompagnait qui me décrivait……..c'étaient des symptômes de grossesse». La jeune fille, mineure, suppliait le médecin de dissimuler le «drame». Malika a repris «je ne pouvais l'avorter. Aujourd'hui, je ne connais pas le sort de cette jeune fille livrée au silence». D'après cette brève conversation, il est clair que les besoins de la protection de la santé de la femme au Maroc sont incommensurables. Commençons par la caravane. Il est beau de voir des médecins gynécologues randonneurs sillonner les montagnes et les campagnes pour toucher aux femmes des régions cloisonnées. Mais comment peut-on assurer le suivi ? Dans les zones montagneuses, où le froid enregistre en hiver des températures de -15°, où les habitants sont pauvres et ne peuvent même pas assurer les frais de déplacement, encore moins les frais d'hospitalisation, combien de patientes reviennent au village munies de médicaments et faute de moyens, souvent, leur traitement n'est pas conduit à terme. Elles sont traitées en dehors de tous contrôles. Rappelons, que par faute de moyens de déplacement, 30% de femmes ne consultent pas de médecins et les accouchements sont confiés aux sages femmes traditionnelles, avec tout ce que cela comporte comme risques d'infections de l'utérus. Conditions misérables Le besoin d'infrastructures, en matière de santé dans les régions enclavées, sont très importants. Il faut ajouter, que faute d'assainissement du milieu rural et de la mise en place d'une infrastructure sanitaire, près de 80% de médecins sont concentrés sur l'axe Kénitra El Jadida, où les infrastructures sont jugées développées. Les médecins refusent de travailler dans des régions où leur avenir et celui de leurs enfants sont compromis. Le développement des régions, est alors une condition sine qua non du développement du secteur en général. En dépit du problème de cloisonnement, à supposer que le médecin gynécologue est disponible toute l'année sur les sites, cela est-il suffisant pour que la femme protége sa santé et celle de sa progéniture ? Celle-ci est loin d'être libre en matière d'accès aux soins. Une caravane pour mamans démunies et enfants chétifs La caravane de l'AGP reprend le chemin des douars. Cette caravane mobilisée sous autorisation des autorités locales, verra la participation des médecins gynécologues, pédiatres, médecins anatomopathologistes, et un pharmacien. 2008 qui coïncide avec le 50ème anniversaire de Laprophan, sponsor officiel et principal de toutes les activités de l'association, la caravane continue son sillonnement pour toucher cette fois-ci les régions de Tilouat, Ighrem, Amerziguane, Tinout skoura Ait zineb ourazazate Khzama Anzal Znaga Taznakhhte . A ce jour, 80 douars à travers le Maroc, soit 12 000 femmes et 5000 enfants, ont déjà bénéficié de consultations, échographies, frottis, dons de médicaments… L'AGP est une association à but non lucratif qui regroupe l'ensemble des gynécologues privés du Maroc. Ses activités répondent à plusieurs objectifs, dont le principal est l'organisation des caravanes médicales au profit des femmes et des enfants issus des milieux éloignés et défavorisés du royaume.