Présidente de l'Association du regroupement des familles sahraouies créée en 1995, Gajmoula Bent Ebbi est une dame de caractère. Ex-membre important de la direction du front polisario, elle était également présidente de l'Union des femmes. Elle a regagné la mère-patrie en novembre 1991 après avoir passé 17 ans de l'autre côté. Aujourd'hui le Maroc : Quels sont les problèmes qui se posent à la femme sahraouie ? Gajmoula Bent Ebbi : Les problèmes de la femme sahraouie ne diffèrent pas de ceux vécus par les femmes au Maroc dans nombre de domaines. Marginalisation, sous-représentation et exclusion… Et pourtant, ce n'est pas la volonté qui manque chez l'élément féminin. Celui-ci veut absolument participer, aux côtés de l'homme, à l'édification de la société et au développement du pays. La femme marocaine, notamment citadine, a investi divers espaces qui étaient par le passé le monopole de l'homme… Absolument. C'est que la femme a réussi à s'imposer c'est grâce à sa compétence et à son niveau intellectuel. Personne ne lui a fait de cadeau. Cependant, ce qui fragilise encore la condition d'une grande partie des femmes au Maroc, c'est leur situation financière précaire. Ce qui les rend souvent dépendantes de leurs maris. Comment vivez-vous personnellement votre statut de femme militante sahraouie ? En tant que femme, je me sens solidaire de la cause et des problèmes de la femme marocaine aussi bien rurale que citadine. Le sexe féminin déploie des efforts énormes au quotidien aussi bien au foyer qu'à l'extérieur, mais ces efforts ne sont pas souvent appréciés à leur juste valeur par les hommes. Et puis, le domaine politique, où la femme peut apporter beaucoup, la lutte est tellement féroce entre les hommes qu'il n'y a pas de place pour leurs partenaires. Maintenant, on parle de quotas pour la femme dans les élections. Ne pensez-vous pas que l'amélioration de la condition de la femme est liée principalement à l'évolution de la société ? Pas seulement. L'égalité des deux sexes sur le plan des droits et des chances est une affaire aussi de changement de mentalité. Une question de temps. La société sahraouie est une société matriarcale où la femme a une place prépondérante… En effet, la femme sahraouie joue un rôle important au sein de sa famille. Elle est respectée par tout le monde, son mari, ses parents et ses enfants. C'est une spécificité de notre société qu'il faut sauvegarder. Même quand la femme divorce, à la différence d'autres régions du Maroc, elle trouve auprès des siens la protection et le soutien nécessaires. En un mot, elle ne sent pas seule ou diminuée. Bien au contraire. Par ailleurs, la femme sahraouie peut, même en l'absence de son mari, recevoir chez elle des invités en tant que mère de famille qui a son poids. Les relations sociales sont ainsi faites au Sahara. Cela confère à la femme sahraouie un surcroît de respect et de pouvoir aux yeux des autres.