Et de deux. En moins de quatre mois, la prison centrale de Kénitra a enregistré deux opérations d'évasion des détenus «hors du commu». Après l'escapade du baron de drogue El Nini, en décembre 2007, voici le tour de dangereux détenus islamistes incarcérés dans le cadre des attentats perpétrés à Casablanca en 2003, de prendre la poudre d'escampette. Cela s'est fait à l'aube du lundi 7 avril. Rocambolesque ! Ils se sont faits la belle, en employant les grands moyens, dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 avril 2008. Ils ont pour noms : Hicham El Alami, Mohamed Achatbi, son frère Kamal Achatbi, Abdelhadi Eddahbi, Mohamed Mouhim, Mohamed Chadili, Abdellah Bougmir, Hamou Al Hessani, Tariq Al Yahyaoui. Tous fichés très dangereux, dont un condamné à mort dans le cadre du démantèlement de la cellule «Al Hijra Wa Attakfir» ( Immigration et excommunication ), de son émir Youssef Fikri ( condamné également à mort ), interpellé avant même les attentats du 16 mai 2003. Selon un communiqué du ministre de la Justice, l'évasion a été constatée lundi matin, vers 9h, par l'administration pénitentiaire de la prison centrale de Kénitra. Les 9 détenus, particulièrement surveillés, auraient creusé un tunnel, depuis deux cellules mitoyennes, d'une longueur de 23 mètres, avant d'accéder au jardin de la demeure du directeur, et d'escalader le mur de l'enceinte. Ils se sont évaporés dans la nature, ne laissant aucune piste de leur éventuelle destination. Tout a été soigneusement gardé secret, pour ne pas éveiller les soupçons des gardiens et de leurs co-détenus. Seule pièce à conviction laissée derrière eux, une lettre, au ton menaçant, qui stipule : «Nous avons exploité en vain les recours légaux et frappé à toutes les portes. Il ne nous restait que ce moyen pour retrouver notre liberté. Nous faisons porter la responsabilité à ceux qui nous ont condamnés. Il ne faut pas chercher de complicités parmi les détenus de l'administration pénitentiaire. Nous ne ferons de mal à personne, uniquement si vous ne nous en faites pas. Nous sommes heureux d'avoir recouvré notre chère liberté ». Autant dire que le chef d'œuvre de John Sturges et la production du film culte «La grande évasion» de Steve Mc Queen, a beaucoup servi pour la préparation de cette évasion «bien de chez nous». Les 9 détenus ont conçu un plan très élaboré pour s'évader de la prison et se soustraire des lourdes peines ( une capitale, six à perpétuité, et deux 20 ans) qu'ils purgeaient. Chasse à l'homme Les plus dangereux restent Abdelhadi Eddahbi, condamné à la peine capitale (il avait été arrêté avant les attentats), pour le meurtre de plusieurs personnes à Nador, Casablanca, Youssoufia et Tanger et Abdellah Boughmir, alias Abou Hafs, condamné à la prison à vie en août 2003 pour l'assassinat le 27 juin de la même année à Agadir d'une Française, Françoise Guillet. Dans le lot, figurent également les deux frères kamal et Mohamed Achatbi qui résidaient en Espagne, l'un comme l'autre ont été interpellés, toujours dans le cadre des attentats du 16 mai, au poste frontalier de Sebta alors qu'ils étaient de retour au Maroc. Depuis cette spectaculaire évasion, la police et la gendarmerie royale sont en état d'alerte maximale. Une véritable chasse à l'homme a été lancée depuis que la nouvelle a été répandue dans le pays. «Des barrages routiers ont été mis en place dans tout le pays et toutes les dispositions ont été prises pour retrouver les prisonniers évadés et déterminer les responsabilités», indique un communiqué du ministère de la Justice qui refuse jusqu'à communiquer les photos des 9 prisonniers. Le ministère de l'Intérieur, quant à lui, mobilise tous ses effectifs, toutes catégories confondues, pour l'enquête la plus massive de l'histoire du Maroc, après celle des attentats de 2003 et ceux de 2007. Une cellule de crise, composée entre autres des responsables de la DGSN, la DST, la DGED et la DAG, a été conçue pour filtrer et regrouper toutes les informations disponibles sur les 9 détenus, et leur entourage. Le travail en question consiste à réunir tous les renseignements dispersés dans les différents services de sécurité (allant même jusqu'aux Mokadams des arrondissements) pour ensuite les synthétiser au QG de la cellule de crise. S'ensuit immédiatement un exercice de recoupements pour identifier et remonter les pistes. Tout élément nouveau est vérifié et décortiqué. À commencer par l'enquête menée à la prison centrale de Kénitra avec les responsables, ainsi que les gardiens du pavillon où a eu lieu l'escapade. Comment s'est déroulée l'opération du creusement ? Qui sont les complices éventuels des 9 détenus qui les ont aidés à prendre la fuite ? Où a disparu le sable retiré d'un tunnel de 3 mètres de profondeur, 65 centimètres de large et 23 mètres de long ? Comment a-t-on pu faire sortir tout ce sable de l'enceinte du Centre pénitentiaire de Kénitra ? Avec quoi a-t-on creusé un aussi long tunnel et qui leur a procuré le matériel ? Pièce par pièce, les enquêteurs continuent à reconstituer le puzzle de l'évasion la plus spectaculaire que le Maroc n'ait jamais connue. La liste des «Wanted» • Hicham El Alami : Né le : 04/10/1976, cordonnier, marié et père deux enfants. Condamné à perpétuité. Date de jugement le 18/08/2003 à Casablanca. • Mohamed Achatbi : Né le 17/05/1973 à Fès, niveau scolaire: 1ère année secondaire, commerçant, marié et père de deux enfants. Condamné à 20 ans de prison ferme, date du jugement le 11/07/2003 à Casablanca. • Kamal Alchatbi : Né le 02/01/1981 à Casablanca, RME, marié sans enfants. Condamné à 20 ans de prison ferme, date du jugement le 11/07/2003. • Abdelhadi Eddahbi : Agé de 35 ans, marié. Condamné à mort. •Mohamed Mohim : Agé de 25 ans, célibataire. Condamné à la perpétuité • Mohamed Chadili : Agé de 32 ans, niveau scolaire : primaire, marié. Condamné à 20 ans de prison ferme. • Abdellah Boughmir : Agé de 26 ans, niveau scolaire : primaire. Condamné à 20 ans de prison ferme. • Hamou El Hassani : condamné à mort. • Tarik Yahyaoui : condamné à mort.