Le chanteur Abdelmounïm El Jamiï a fait ses premières armes dans la chanson au début des années 70, à une époque où le domaine était en plein épanouissement, en plein dynamisme. El Jamiï a d'ailleurs eu cette chance d'avoir bénéficié, en quelques années d'intervalle, de trois chansons à succès qui lui ont été écrites par le célèbre parolier Ali El Haddani. Deux parmi elles, lui ont été merveilleusement composées par Hassan El Kadmiri. Il s'agit de «Machi dak ezzine hada» et chaf fya». La troisième, «Tayf ou m'nama», portait la griffe de Abdelâati Amenna. Avec ces trois œuvres toutes réussies sur les plans, paroles, composition et interprétation, on ne peut pas rater son envol vers les cieux de la réussite. La Gazette du Maroc : «Machi dek Ezzine hada» est l'une de vos plus vieilles chansons. Quel souvenir gardez-vous de cette oeuvre inoubliable ? A. El Jamiï : : «Machi Dak Ezine Hada» est, comme vous dites, l'une de mes premières chansons et elle a eu et a toujours, beaucoup de succès. Elle m'a été proposée par Feu Ali Al Haddani. J'ai accepté sans réticence. Vous savez, à l'époque, j'étais jeune et amoureux et cette oeuvre allait à merveille avec mes sentiments romantiques. La chanson en question, ne passe que très rarement à la radio, avez-vous une explication ? Mais pas du tout ! On l'entend très souvent à la radio, dans plusieurs émissions. Vous avez débuté il y a une quarantaine d'années, et pourtant vous ne bénéficiez toujours pas d'une “médiatisation ” suffisante digne de votre ancienneté. Une telle indifférence de la part des médias a-t-elle un quelconque effet sur votre moral ? Vous l'avez dit, c'est le rôle des médias. Je suis connu mais pas très médiatisé. Il n'y a pas d'indifférence à mon égard. Chaque fois qu'il y a une manifestation artistique, on m'appelle. J'ai participé, dernièrement, à deux soirées à Rabat, qui rendaient hommage à la chanteuse disparue Rajaâ Belemlih et au parolier défunt Ali Hadani. Ceci dit, dans le monde arabe, en Arabie Saoudite, au Koweit, à Qatar où j'ai chanté, Abdelounim El Jamiï est connu parmi les artistes marocains en tête. Le public m'aime et apprécie mes chansons. J'essais de donner le meilleur de moi-même et je continue à me sacrifier pour mon art. Comptez-vous dans le domaine artistique beaucoup, peu, ou pas du tout d'ennemis ? Qui n'a pas d'ennemis dans ce monde ? J'en ai sûrement moi aussi, mais je ne les connais pas et je n'ai aucune envie de les connaître. Que signifie pour vous la véritable amitié qu'on ne cesse de dire qu'elle est devenue rare de nos jours, à cause d'un certain comportement des gens ?/B Certes, l'amitié sincère est devenue très rare. Les agneaux dociles se transforment en lions féroces à certains moments. Je dois m'estimer heureux, car j'ai beaucoup d'amis qui m'entourent d'attentions touchantes. C'est un soutien moral très précieux. Loin du domaine artistique et de celui de l'amitié, si quelqu'un que vous ne connaissez pas suffisamment, vous demandait un jour de le tirer d'un embarras quelconque, en lui prêtant une certaine somme d'argent, le feriez-vous sans hésiter ? Je ne vais pas me lancer des fleurs, si je vous disais que je ne lésine ni sur le temps, ni sur les dépenses nécessaires, pour aider mes proches et mes amis. On peut toujours compter sur ma générosité. Je suis comme ça, j'aime semer le bien autour de moi et j'aime faire plaisir aux gens. Dans votre vie artistique, comme dans la vie de tous les jours, est-ce que l'échec vous fait vraiment peur ? En réalité, l'échec ne doit pas nous faire peur. Il nous permet de donner le meilleur de nous mêmes pour rencontrer le succès. Tôt ou tard, le soleil de la réussite finit par se lever dans le ciel le plus sombre. Il faut accepter les désillusions avec courage, sans désespoir. Pardonnez-vous facilement à ceux qui vous découragent, vous dénigrent et tentent de vous mettre les bâtons dans les roues ? oubliez-vous vite ou êtes-vous rancunier ? «Pardonnez toujours à vos ennemis, rien ne les embête». Je suis loin d'être vindicatif et rancunier. Il faut toujours pardonner à ceux qui vous font du mal et les laisser face à leur conscience qui, tôt ou tard, se chargera de les punir en les tourmentant. On dit que vous êtes très romantique. Est-ce vrai ? Comme tous les artistes, je suis romantique mais «je garde la tête sur les épaules» et «les pieds sur terre». Il faut savoir être réaliste dans la vie. La “retraite”, forcée ou non, dans le monde artistique, c'est quoi pour vous ? Vous fait-elle peur ? Quoique vous en êtes encore loin... Il n'y a pas de retraite pour les artistes. Ils continuent à donner, à produire, jusqu'à leur dernier souffle. Prenez, par exemple, le grand maestro Mohamed Abdelouaheb : il a chanté jusqu'à presque 90 ans ! Et quelque temps avant de décéder, il a chanté lui-même la merveilleuse chanson «Mine ghire lih», une oeuvre auparavant destinée au Rossignol de la chanson arabe Abdelhalim Hafed et que la mort, hélas, a empêché d'interpréter. Etes-vous furieux contre ceux qui vous adressent des critiques gratuites et non fondées dans la presse, qu'elle soit marocaine ou arabe ? On dit que «la critique est facile mais l'art est difficile». Moi, j'ai mieux à faire que d'écouter les critiques gratuites, les rumeurs, les médisances ou les potins locaux et qui n'avancent d'ailleurs à rien. Les gens méchants de nature, il faut tout simplement les ignorer sinon, on risque de tomber dans leur jeu... Depuis le temps que vous “exercez” (si le terme convient) dans le domaine artistique, avez-vous amassé beaucoup d'argent ? Je ne roule pas sur l'or, mais, Dieu merci, j'ai ce qu'il faut pour satisfaire mes besoins et mes caprices. En tant qu'artiste connu, donnez-vous une importance excessive au côté vestimentaire ? Tout artiste doit être élégant. C'est important pour lui d'abord, et un signe de respect pour ses fans. Toujours côté habillement, êtes-ce que cela vous coute cher ? De mon habitude, je ne jette pas l'argent par la fenêtre ! Loin de la mode, avez-vous un mot à souffler à l'oreille de ceux qui n'aiment pas vos chansons ? Les goûts ne se discutent pas. Chacun de nous est libre d'écouter la musique qui lui plaît. Mais je leur dirais toute de même : «écoutez mes chansons de temps en temps, vous finirez par les aimer». Lorsque vous faites du mal à quelqu'un qui, logiquement, le mérite, vous arrive-t-il de le regretter par la suite ? Pour bien préciser les choses, je ne fais de mal à personne. Sans aucune prétention de ma part, je suis juste réfléchi, extraordinairement loyal et je possède une intégrité sans faille. De nature calme, je n'aime pas la violence, la haine, la guerre et surtout faire du mal à quiconque.