La 3ème session printanière de l'Université Harakie, a remis à l'ordre du jour la problématique de l'amazighité au centre du débat sur le projet de société démocratique, moderne et développée. En balançant dans l'opposition, les troupes d'Aherdane et de Laenser refont surface en reprenant le flambeau de la réhabilitation totale des communautés berbères et en revendiquant fortement la constitutionnalisation de leurs droits institutionnels et culturels. La présence du Conseiller du Souverain, Abdelaziz Méziane Belfkih, un habitué finalement de ces sessions de l'Université de printemps du Mouvement populaire, est un signal fort des hautes autorités du Royaume dans leur soutien aux revendications des communautés amazighes marocaines, totalement rassurées par le projet Royal annoncé lors du discours historique d'Ajdir du 17 octobre 2001, qui a définitivement enterré la mascarade coloniale du dahir berbère de 1930. Ce jour-là avait amorcé une nouvelle approche de la diversité dans l'unité nationale en ces termes : «Nous voulons, tout d'abord, exprimer ensemble, notre reconnaissance de l'intégralité de notre histoire commune et de notre identité culturelle nationale bâtie autour d'apports multiples et variés. La pluralité des affluents qui ont forgé notre histoire et façonné notre identité, est indissociable de l'unité de notre Nation regroupée autour de ses valeurs sacrées et ses fondements intangibles que sont la religion musulmane tolérante et généreuse, la défense de la patrie dans son unité et son intégrité, l'allégeance au Trône et au Roi, et l'attachement à la Monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale. Nous voulons aussi affirmer que l'amazighité qui plonge ses racines au plus profond de l'histoire du peuple marocain appartient à tous les Marocains, sans exclusive, et qu'elle ne peut être mise au service de desseins politiques de quelque nature que ce soit». Dans la foulée, la création de l'IRCAM consacre la pleine reconnaissance institutionnelle de la composante identitaire amazighe dans ses volets culturels à la lecture de l'énoncé de sa mission fondatrice : «Cette institution a pour objectifs de sauvegarder, promouvoir et développer l'amazighité dans ses diverses expressions. En outre, et en collaboration avec les institutions nationales, elle œuvre pour que l'amazighité trouve la place qui est sienne, en tant que patrimoine de tous les marocains et composante fondamentale de l'identité nationale». L'entrée en lice du président de l'Union des Mouvements populaires a sonné l'impatience de l'Amghar qui a rué, d'emblée, dans les brancards : «On ne peut plus se mentir. Nous ne sommes pas des arabes. Nous sommes des Musulmans. Nous ne sommes pas des orphelins et, encore moins, un peuple fantôme». Mahjoubi Aherdane, tout en rappelant les 27 années de lutte des tribus berbères, «bases de tous les peuples forts» ; pour l'indépendance et leur attachement à la Monarchie alaouite en exigeant le retour de feu Mohammed V sur le Trône, n'en a pas moins conclu au constat que «nous ne sommes pas encore indépendants. A l'indépendance, chacun a ramassé ses billes et nous, nous n'avons plus de quoi jouer». Cherchant visiblement à marquer les esprits au colloque du week-end où l'on remarqua, parmi les invités de marque, des leaders de partis politiques, le président de la Chambre des députés, Mustapha Mansouri (un Rifain fier de l'être), Abdeslam Ahizoune, le champion amazighe des success story nationales, ainsi que des dirigeants partisans et associatifs, notamment kabyles algériens, Aherdane a tenté de convaincre son auditoire que «la langue amazighe est la plus riche au monde par ses expressions fortes et justes. Nous ne sommes pas des chiens de garde. Nous sommes monarchistes et remettons notre avenir entre les mains du Roi». Aherdane est allé encore plus loin en revendiquant la création d'un Conseil amazigh pour l'Afrique du Nord en expliquant que la «nation berbère» n'a pas de frontières. Intégration ou autonomie ? Avant lui, Mohand Laenser avait donné un avant-goût aux débats attendus de la rencontre des 22 et 23 mars, en regrettant que le «Maroc a longtemps traité la question amazighe comme un problème exclusivement culturel souvent exploité à des fins politiciennes». Les forces de résistance au changement ont, de nouveau, enterré le dossier dans les années 70 après une tentative de réactivation par feu Hassan II. Mais la dynamique du tissu associatif (93 ONG et associations présentes à ce colloque) a imposé la nouvelle dimension globale de l'amazighité au Maroc en terrassant définitivement les tabous qui le sclérosaient. Le secrétaire général du Mouvement Populaire persiste et signe : « l'Amazighité est une composante à part entière de la Nation marocaine et doit prendre toute sa place dans le projet de société démocratique moderne et développée». Le penseur et écrivain marocain Ahmed Assit, a dressé le bilan des acquis depuis le début du nouveau siècle en rappelant que «l'avènement de l'IRCAM est un prélude à la reconnaissance constitutionnelle de la culture et de la langue amazighe». Les autres progrès enregistrés se traduisent par le passage du tabou à une réalité incontournable et au transfert de la question amazighe d'une problématique «de rue» à son intégration institutionnelle et sociétale. Si bien que «le complexe du nœud de la langue a complètement disparu pour laisser place à une réalité de plus en plus prise en compte». Non sans décrier les «paradoxes» à la peau dure qui font que, après avoir salué l'institutionnalisation médiatique et éducative de l'Amazighité, les «forces contraires» persistent à essaimer la ségrégation et que certains manuels scolaires semblent semer encore le mépris et la différenciation. Nos hôtes algériens du RCD, du Mouvement culturel amazighe algérien et du Makabylie, se sont montrés plus «offensifs» dans leurs revendications, en stigmatisant le «génocide culturel provoqué par les politiques d'arabisation expérimentées sur nos enfants» avant d'admettre que «nous butons tous sur la diversité» au motif que «nous avons échafaudé des fantasmes et non des objectifs que nos revendications berbères sans savoir exactement ce que recouvre la définition et le contenu de l'amazighité». Si le coordinateur des travaux de l'université harakie, Mohamed Ouzzine a plaidé pour l'édification d'un «Maroc uni, juste, pluriel et riche de sa diversité identitaire», en écho, son collègue algérien du RCD a plaidé fortement pour «un Etat unitaire régionalisé» et pour un «grand Maghreb uni dans toutes ses composantes vives», en tordant le cou à toutes les tentatives de «ghettoisation» culturelle. Dynamique d'intégration avec pleine reconnaissance des droits politiques et culturels aux communautés ethniques, soit ! Mais de là à soutenir des mouvements «autonomistes» dans les conditions actuelles de lutte prioritaire pour le Sahara marocain, cela ressemble fort à une provocation dont on aurait pu faire l'économie. L'on a cru comprendre que des acteurs marocains et algériens apportaient leur caution à l'émergence de mouvements «autonomistes», dans le Souss et le Rif entre autres. Le syndrome de la «République du Rif» peut se réveiller dans une «guerre» des communautés berbères qui lorgnent déjà vers le modèle ibérique de régionalisation avancée, en cherchant à brûler rudement vite les étapes historiques. La prudence devrait être de mise, sinon comment les défenseurs de la cause de l'intégration pleine et entière de l'amazighité à l'Unité institutionnelle de la Nation s'en sortiraient-ils en tentant le pari audacieux, dans le même temps, de la démanteler en «régions autonomes». Etrange paradoxe, pour ceux qui ont toujours revendiqué l'unité nationale en s'acharnant, parallèlement, à réclamer leur autonomie. Cela fait vraiment désordre ! Benhamed Mohammadi