Point mort. Depuis le coup de semonce du 7 septembre, le paysage politique marocain semble en proie à une ébullition sans précédent. De la remise en cause au choc interne, les partis politiques s'essaient à une adaptation de plus en plus pénible. En contrepartie, une nouvelle élite rame à contre courant. Un nouveau sondage vient de tomber. Rien de très surprenant, si l'on en juge par les résultats. En fait, ce dernier vient de réconforter les sceptiques dans leur analyse et d'enfoncer les partis dans leur désarroi. Effectué par le ministère de l'Intérieur, le sondage fait ressortir que presque 70 % de non votants ne l'ont pas fait pour «cause de non satisfaction de l'offre électorale». 55 % des non-votants avaient participé aux élections de 2002 et 36 % des personnes ayant retiré leurs cartes d'électeur avaient, à ce moment, l'intention de se rendre aux urnes. Cette enquête réalisée entre le 22 septembre et le 12 octobre, est contestée par les partis politiques qui lui reprochent «l'omission» de l'ambiance inhibitrice dûe à l'usage de l'argent et la passivité de certains agents de l'autorité territoriale. Il n'en demeure pas moins qu'une partie importante des sondés, âgés entre 18-34 ans, vivant dans les villes et disposant d'un bon niveau scolaire et social, «n'a pas été satisfaite par l'offre électorale ou ne s'intéresse pas aux affaires politiques». Dans un cas comme dans l'autre, le mal est là. Il interpelle tout le monde, et ceci à deux niveaux. Primo : les partis doivent faire un effort énorme pour se forger une identité propre à même de mobiliser l'électorat. Secundo : si les Marocains boudent la chose publique, il faut y voir le signe d'un échec collectif, et dont la sortie ne peut être que collective. Etat des lieux Il y a deux ans, déjà, une grande partie des sondés manifestait un désamour vis-à-vis de la politique sans trop inquiéter le gotha politique national. Effectué en décembre 2006, ledit sondage avait révélé que 45% de ceux qui ont déclaré leur intention de s'abstenir, le feront pour des raisons d'offre politique, alors que 12% affirment qu'aucun parti ne répond à leurs aspirations au moment où 25% jugent que les candidats ne recherchent que leurs propres intérêts. Selon le sondage, dont les résultats ont été présentés aux partis de l'ancienne majorité, 80% ont été pour une participation au scrutin. Que s'est-il passé pour que la vapeur tourne ? Malheureusement, il semble que la question ait été éludée, et c'est la crise plutôt qui secoue la classe politique. Deux des grands partis, l'USFP et l'UMP en l'occurrence; s'enfoncent dans leurs crises internes respectives, bien que la béatitude un peu confuse règne. Un semblant de sérénité cache mal une crise profonde qui ne trouve pas encore d'issue. Des identités aux positionnements, un large éventail de questions reste en suspens. La majorité, autrefois soudée et dynamique autant que possible, donne le spectacle de s'être diluée dans un gouvernement polymorphe. On parle déjà d'un remaniement, têtes et partis. Le parti qui mène le jeu ( voir Carnets politiques), l'Istiqlal, lui se prépare, ou en a l'air, à une vie en solo dans les prochains mois. Une situation inconfortable pour le parti du Premier ministre. Ses amis de la Koutla, l'USFP en tête, sont en passe de réviser leur alliance, avec une préférence visible pour la gauche. Du coup, pris entre des anciennes amours en perdition et la recomposition en cours du champ politique, il risque de payer, en termes gouvernementaux, sa solitude qui s'approche. Coté islamiste, le coup de massue des législatives a laissé autant de désarroi que chez les socialistes. Une critique profonde anime la base en grogne. On demande des têtes. Celles accusées, à tort ou à raison de priver l'islamisme participationniste de son grand soir, ce fameux 7 septembre. Futur proche Un congrès national est prévu pour l'année 2008, qui verra d'autres messes, de la gauche à la droite en passant par le centre. Seul le RNI de Mustapha Mansouri affiche une sérénité sans faille??: d'ailleurs il est le seul gagnant des législatives. Un cas à méditer. C'est dans cet état d'esprit que les partis comptent entamer la course aux communales 2009. Des réunions qui ont eu lieu la semaine écoulée, entre le ministre de l'Intérieur et les partis représentés au Parlement, il ressort que «les axes de réforme se rapportent à la possibilité de révision du code électoral, particulièrement en ce qui concerne les listes électorales et le mode de scrutin, l'actualisation de la Charte communale et la mise en adéquation du découpage» selon les termes d'un communiqué de l'intérieur. Ces grandes lignes des réformes qui doivent être menées et qui sont à même de donner lieu à des mécanismes juridiques et organisationnels susceptibles de garantir le succès des élections communales, et d'apporter les réponses aux problématiques apparues, ne peuvent en aucun cas créer l'enthousiasme espéré. On s'en doute déjà, mais rien n'est encore fait jusqu'à maintenant de la part des partis politiques. Ceci étant, les partis sont les premiers concernés par la dynamique électorale, certes, mais pas les seuls. Un débat collectif, franc et productif est une urgence. Aussi, une recomposition, volontariste du champ politique est désormais une condition sine qua non pour réhabiliter la politique. Déjà, la tendance conservatrice est, depuis le 7 septembre, en passe de prendre corps. Les hommes de gauche doivent faire de même. Le centre, à ce moment là se créera ! Même par un coup de forcing.