Il est vrai que les partis marocains dans leur état actuel n'attirent pas les élites. Mais ce n'est pas une raison pour que celles-ci ne s'engagent pas politiquement. Quel est le moteur qui tire un pays vers le haut ? Ce n'est ni la richesse de son sous-sol, ni la qualité de son parc automobile. Un pays est tiré vers le haut par son élite : politique, économique, scientifique, sociale, culturelle… C'est cette somme de compétences, intégrées les unes aux autres dans le cadre d'une stratégie nationale bien définie, qui produit le développement, sécrète de la bonne gouvernance et donne finalement du sens au destin d'une nation. Le niveau de la masse ou de la population s'en trouve, sur tous les plans, forcément élevé. Par la force de la dynamique de ses “distingués“. Le colloque international du Gret qui s'ouvre à Rabat ce 28 février, sous le thème “ élite, gouvernance et gestion du changement“ tombe à point nommé pour projeter une lumière sur cette question de première importance. Quelle est la situation du Maroc par rapport à cette vision? La réalité et les faits d'expérience montrent que la société marocaine n'écrème pas son élite. Au pis, les ressorts de cette sélection sont introuvables ou ne sont pas au mieux bien articulés. Cela ne veut pas dire que les élites chez nous font défaut. Bien au contraire. Celles-ci ne sont pas là où elles doivent être pour émerger, c'est-à-dire dans les partis politiques, cadre approprié et creuset indiqué. Or, les partis marocains ont globalement un défaut rédhibitoire : dépourvus de capacité d'encadrement en général, incapables de développer un projet de société aux contours clairs, ils ne sont pas en plus attrayants pour des raisons liées à l'absence de démocratie interne, au clientélisme et au culte du chef. Certains expliquent l'absence ou la non-émergence des élites par le poids des notabilités au sein des structures partisanes. Ce sont ces notabilités, compte tenu de leur prestige local notamment dans les campagnes et des arguments donnent elles peuvent exciper, qui encadrent les partis. Évidemment, une telle situation agit comme un repoussoir pour les nouvelles recrues potentielles ou comme un blocage de la promotion des cadres valables déjà en place. Du reste, les éléments brillants ne doivent plus se cacher derrière pour justifier leur désintérêt. Ils doivent s'engager politiquement et militer pour inverser la tendance. Depuis quelques années, on assiste à des incursions du mouvement associatif dans le paysage. Par réaction justement à ces partis qui ne veulent pas changer. Cependant, l'associatif, malgré son caractère utile et même primordial dans le cas du Maroc, ne saurait se substituer au rôle des partis politiques. Ceux-ci doivent assumer leurs responsabilités et opérer les réglages nécessaires dans le sens de l'adaptation de leurs méthodes en vue d'accompagner le changement. Les Marocains se prennent à rêver de faire des échéances de septembre 2002 un rendez-vous d'une nouvelle génération d'élus citoyens, compétents et rigoureux, capables de donner corps au véritable changement. Il s'agit de barrer la route aux élus ou aux candidats notoirement “casserolés“ qui confondent leurs intérêts propres avec les vrais besoins de la communauté. Un préalable à cela, des élections transparentes. La démocratie électorale doit pouvoir s'accompagner d'un corollaire, non moins vital, de la démocratie : la reddition des comptes dans son sens large. Il n'est pas normal que les responsables politiques et les hauts cadres du pays ne présentent pas de bilan à la fin de leur mission. La sanction est un pilier important du dispositif sans lequel la démocratie serait inachevé et la bonne gouvernance un vœu pieux.