Le Bureau politique de l'USFP essaye d'endiguer la prise de parole des militants. Le Conseil national sera chaud mais pas nécessairement déterminant. Les conseils régionaux de l'USFP se sont tenus. Ils ont été houleux, très critiques vis-à-vis de la direction. Ce n'est que la partie visible de l'iceberg, il faut affiner la lecture. Les membres du bureau politique qui ont encadré ces réunions ont laissé apparaître un grand malaise. Ils parlent tous de crise profonde, mais ils ne sont d'accord ni sur la caractérisation, ni sur les moyens d'en sortir. On peut en déduire que dans un vrai débat, ce que réclament l'ensemble des militants qui ont eux soif d'une redéfinition identitaire, l'unité de façade du bureau politique volerait en éclats, c'est un pronostic important. Il y en a un autre qui n'est pas de moindre importance : la base n'est pas contrôlée, en ce moment, par les appareils. Le bureau politique a établi son calendrier, un conseil national pour prendre acte des changements, une commission préparatoire «noyée» et un congrès assez éloigné pour permettre de refaire l'unité, ce qui en clair signifie la reprise en main du parti. La crise est trop profonde pour que ce calendrier se déroule sans problème. Les militants veulent d'abord définir le contenu du congrès, tout en généralisant les critiques à l'ensemble de la direction. Quel congrès ? Pour le moment, nous sommes en présence de plusieurs plateformes et de prises de position individuelles multiples. Des lignes de clivage apparaissent entre les propositions qui y sont contenues, et le langage, qui se veut rassurant, de certains dirigeants. Ainsi, le congrès désiré et attendu par les cadres du parti doit être «un congrès de rupture», «un congrès refondateur», parce que les mots ont un sens, la référence est le congrès extraordinaire de 1975. L'autre revendication concerne l'ouverture à l'ensemble de la famille Tihadie. Aucune plateforme n'en précise les modalités, mais les contacts vont déjà bon train et des individus, dont d'anciens parlementaires ou des cadres des ex-croissances de l'USFP sont prêts à faire le pas. Pour les autres, le préalable est souvent une question de personnes de rancœurs anciennes. L'idée de la mise à plat de tout le processus démocratique, de ses avatars, du délitement de la gauche séduit tous les courants issus de l'USFP. Sa mise en musique n'est ni aisée, ni sûre. La mise en place de la commission préparatoire donnera lieu à de véritables passes d'armes. Elle détermine en quelque sorte le contenu du congrès. La demande d'un congrès politique, présuppose la réduction du nombre de congressistes et surtout l'ajournement des questions organisationnelles. Il n'est pas sûr que cette perspective soit du goût de tous les apparatchiks. A quand le retrait du gouvernement ? Les militants, mais aussi quelques membres du Bureau politique, réclament le retour à l'opposition comme premier acte sur la voie de la clarté. Le groupe parlementaire lui, sur la sinueuse position du soutien critique fait suer l'équipe El Fassi, bien plus que tous les groupes d'opposition réunis. La presse USFP ressemble de plus en plus à celle de l'Istiqlal quand Youssoufi était aux commandes. Mais la décision officielle de quitter la majorité dépend du congrès. Ce n'est pas une précaution formelle. Pour les militants USFP, il s'agit de redéfinir un positionnement de gauche, une stratégie d'alliances et donc de quitter le gouvernement en fonction de ce repositionnement. Cela relègue au second rang la manière dont la participation a été gérée, qui n'est plus perçue que comme la conséquence d'une déviation politique et d'un glissement dans la conception des alliances. Un retrait avant le congrès n'aurait pas cette clarté et pourrait passer aux yeux de la société et des autres acteurs politiques pour une réaction d'orgueil ou une tentative de récupération de la part de l'appareil. Même si, et de manière quasi unanime, les bases de l'USFP ne se reconnaissent nullement dans ce gouvernement, se rebiffent contre la manière absolutiste qui a présidé à sa formation et réclament le retour à une opposition «claire et responsable». Le conseil national de l'USFP est donc primordial. Certains ne s'intéressant qu'au pugilat, soulèvent la question de la démission du Bureau politique en bloc. Elle sera réclamée par quelques membres, mais n'aboutira pas. En effet, la tendance générale est que le pourrissement de la crise est un handicap de plus face au congrès désiré. En outre réclamer cette démission, c'est ramener la crise à une question d'hommes, or, tous s'accordent à dire qu'il s'agit d'une crise existentielle. Dans ce sens, l'accueil réservé à Driss Lachgar par des nervis de Jaouhar à Fès a été unanimement condamné. Ces pratiques, les militants le savent, visent essentiellement l'empêchement du débat. A l'USFP, le Brain-storming ne fait que commencer.