Loi de finances 2003 Le projet de loi de finances est actuellement en discussion à la Chambre des représentants. Il subira quelques amendements à l'initiative du gouvernement lui-même pour prendre en considération la nouvelle architecture du gouvernement et intégrer les nouveaux éléments contenus dans le programme présenté par le premier ministre devant le Parlement. Ces mendements toucheront surtout la partie dépenses alors que celle consacrée aux recettes ne devrait pas connaître de modifications sensibles. Les budgets se suivent et se ressemblent. L'avènement du gouvernement d'alternance avait fait espérer qu'une approche radicalement différente de celle qui a prévalu jusqu'en 1998 allait présider à l'élaboration des futures lois de finances. Il n'en a rien été. Depuis cinq ans, nous assistons à un quasi-remake de ce qui se faisait auparavant. Sans imagination ni audace, les budgets précédents ne pouvaient en aucun cas permettre au pays d'entrer de façon irréversible dans une ère de développement économique et de bien-être social. Le budget 2003 n'échappe pas à la règle. Centré, comme ses prédécesseurs, sur la préservations des fameux équilibres macroéconomiques fondamentaux, rien ne le prédestine donc à atteindre les objectifs visés. Tels que définis par le ministre des finances, ces objectifs tournent autour de quatre axes principaux : promouvoir l'investissement, lutter contre la pauvreté et les disparités sociales et régionales, améliorer la gestion publique et enfin renforcer le partenariat et accompagner les réformes structurelles du tissu économique et du système financier. Programme séduisant, à coup sûr, qui devrait emporter l'adhésion de tous si le gouvernement disposait de moyens à la hauteur de ses ambitions. Or, tel n'est pas le cas pour diverses raisons. Hypothèses optimistes En tablant sur une campagne céréalière moyenne, un comportement satisfaisant des secteurs non agricoles et un baril de pétrole à 24 $, le gouvernement fait semblant d'ignorer que l'économie marocaine, malgré sa relative diversification, demeure très sensible aux chocs extérieurs. Comme cela a été vérifié à plusieurs reprises, ce sont les facteurs exogènes qui déterminent en grande partie l'évolution de l'économie nationale. Les aléas climatiques continueront de peser, comme par le passé, sur la quantité et la qualité des récoltes, en particulier des céréales, avec toutes les conséquences que cela comporte notamment sur le revenu des populations rurales (et donc sur la consommation) et sur la balance commerciale. Les importantes précipitations de ces dernières semaines (qui ont malheureusement provoqué des pertes humaines et des dégâts matériels considérables) ne sont pas nécessairement synonymes d'une bonne année agricole. Il faut attendre le mois de mars pour pouvoir se prononcer sur les récoltes de l'année. De son côté, la conjoncture mondiale tant économique que géopolitique a des incidences directes sur l'évolution du tissu productif national. Or, sur le plan économique cette conjoncture demeure caractérisée par une grande incertitude. Ce qui ne manquera pas de se répercuter négativement sur nos exportations. Toutes les prévisions de croissance pour 2003 ont été révisées à la baisse, en particulier dans l'Union européenne qui absorbe à elle seule près des deux tiers de nos ventes à l'étranger. Sur le plan géopolitique, tant que l'incertitude persiste sur une éventuelle attaque américaine sur l'Irak, le prix du baril de pétrole restera au-dessus de 24 $. A plus fortes raisons, si les américains (avec le soutien de quelques pays inconditionnels) passaient à l'attaque, tous les observateurs estiment qu'une flambée du prix du pétrole deviendra inévitable. On peut imaginer aisément les conséquences néfastes d'une telle situation sur l'économie nationale, en particulier sur le tourisme. Compte tenu de ces données, le taux de croissance de 4.5 % prévu pour 2003 reste aléatoire. Bien entendu, le pire n'est jamais sûr. Néanmoins, il faut souligner que les prévisions des années précédentes se sont avérées optimistes et qu'au final les réalisations étaient inférieures à ce qui était attendu. Pour ne citer que les années 2001 et 2002, il y a lieu de rappeler que les taux de croissance prévus étaient respectivement de 8.1 % et 6.5 %, alors que le taux réalisé en 2001 n'a été que de 6.5 % et celui de l'année qui s'achève sera inférieur de deux points aux prévisions. Budget d'équipement en baisse Une croissance forte et durable nécessite la mobilisation d'importants moyens financiers et un choix judicieux dans l'allocation des ressources disponibles. Or, les ressources de l'Etat demeurent nettement insuffisantes par rapport aux besoins. Les recettes ordinaires, à caractère structurel, escomptées pour l'année prochaine s'élèvent à peine à 89 milliards DH. Rien de significatif ou presque n'a été entrepris jusqu'ici pour élargir l'assiette imposable et donner ainsi au gouvernement une marge de manœuvre moins étroite tout en instaurant une équité fiscale. Pire : non seulement les ressources de l'Etat sont très faibles, mais leur allocation s'effectue dans un sens contraire aux impératifs du développement économique et social. On constate que les dépenses de fonctionnement ne cessent d'augmenter (78.2 milliards DH, en hausse de 3.7 %) et absorbent désormais 87 % des recettes ordinaires, alors que les dépenses d'investissement sont en régression constante (à peine 19.5 milliards DH, en baisse de plus de 10 %). Même si les investissements du secteur public (Etat, Fonds Hassan II pour le développement économique et social, comptes spéciaux du Trésor, collectivités locales et établissements et entreprises publics) doivent atteindre les 64 milliards DH prévus, ce montant demeurera insuffisant pour stimuler la croissance économique, sauf contribution massive du capital privé national et étranger. Ce qui n'est pas garanti d'avance. Les patrons ont certes accueilli favorablement la nomination de Jettou (un des leurs) et son programme de gouvernement. Mais leur attitude bienveillante sera-t-elle suffisante pour les inciter à investir davantage. Par ailleurs, le gouvernement a pris l'habitude peu orthodoxe de compter sur les recettes des privatisations pour “boucler” son budget (12.5 milliards DH escomptés pour 2003). Pratique incompatible avec les règles de la comptabilité publique, car le produit des cessions totales ou partielles du patrimoine public alimentent indifféremment l'ensemble des dépenses publiques. Les normes internationales en la matière stipulent que ces recettes exceptionnelles soient réservées exclusivement à l'investissement ou à la limite au remboursement de la dette publique. Reste la question du déficit budgétaire, contestable dans son mode de calcul et dans son principe. Le gouvernement prévoit pour 2003 un déficit de 3 % du PIB. Mais à y regarder de près, ce chiffre ne correspond nullement à la réalité puisque les recettes des privatisations sont intégrées dans le budget en tant que recettes ordinaires. Or, sans cette pratique, le déficit effectif serait d'au moins le double de ce qu'annonce le projet de loi de finances. Au niveau du principe, le fait que le ministère des finances s'accroche à ce chiffre “magique”, même s'il est artificiel, réduit la marge de manœuvre du gouvernement pour mener à bien les projets d'investissement inscrits dans son programme. La quasi totalité des économistes et des opérateurs économiques estiment que dans certaines conditions, laisser filer le déficit public est un outil efficace pour relancer l'activité économique et stimuler la croissance, génératrice d'emplois productifs, surtout lorsque les capacités de production sont sous-utilisées, comme c'est le cas aujourd'hui.