Le premier secrétaire de l'Union socialiste des forces populaires, Mohamed Elyazghi, a annoncé lundi sa décision de quitter son poste à la tête du parti et de geler son activité au sein du bureau politique, jusqu'à la tenue du Conseil national du Parti. Fin d'une vie politique d'un grand militant qui porte dans sa chair le sceau de son militantisme pour la démocratie. Samedi, premier décembre, siège national de l'USFP. Il est 16 h. Les membres du Bureau politique se sont donnés rendez-vous cet après-midi, dans une quasi clandestinité, bien que la réunion est en plein jour. Et pour cause : d'habitude, ils tiennent leur réunion de direction le mardi à la même heure. Ce jour-là, Mohamed Elyazghi, venait de calmer la junte féminine du parti : furieuses, les amazones socialistes n'avaient pas fait de quartier. Les souvenirs d'une humiliation, croient-elles savoir, remontent à la surface. Encore faut-il qu'elles aient cicatrisé ! Mauvais augure ? Quoi qu'il en soit, il aura une autre épreuve à endurer, en rien de temps après la clôture des travaux du Conseil national. Au début, ils étaient une quinzaine à prendre l'ascenseur du somptueux et colossal siège national, pour le 4ème étage où se tiennent les réunions. Abdelouahed Radi mettra un peu plus de temps pour arriver. Raison : inconnue. D'autres membres vont briller par leurs absences, entre autres Khalid Alioua, Mohamed El Gahs et Abderrafi Jouahri. Une fois le coup d'envoi donné, Tayab Mounchid, l'ancien lieutenant de Mohamed Elyazghi, et non moins fondateur de la FDT, prend la parole. Il y est question de l'après-septembre, de la gestion des tractations pour la formation du gouvernement, mais aussi et surtout de la préparation du huitième congrès. Mot de la fin : «il est plus que souhaitable que le bureau politique prépare cette messe sur un pied d'égalité». D'où la nécessité «de mettre fin aux fonctions de Premier secrétaire et de son adjoint». On note bien le sens de la formule pour ménager l'amour propre de deux dirigeants du parti : ainsi on vise la fonction et non la personne. Mohamed Guessous, sociologue de renom et Yazghiste de toujours enchaîne avec un diagnostic au scalpel de l'état des lieux. Selon un membre du bureau politique, l'analyse du sociologue avait ceci de particulier qu'elle frisait le réquisitoire. Suite logique, donc, il renchérit la proposition de Tayab Monchid. S'ensuit un silence de tombe. Mohamed Elyazghi, riposte : «j'étais toujours un fervent adepte du travail collectif» assène-t-il. Et d'ajouter : ce qui est en train de m'arriver, cependant, n'a rien à voir avec le travail de groupe». Puis, il fonce : «ce qui m'arrive me rappelle ce qui est arrivé à Mehdi Benbarka, face au courant syndicaliste conduit par Mahjoub Benseddiq», le patriarche de l'UMT depuis toujours??! Il n'en fallait pas moins pour que le tonitruant et irrévérencieux Mohamed Boubekri pourtant partisan fervent de Mohamed Elyazghi s'en prenne à ce dernier. Même son de cloche chez l'ancien bâtonnier de Rabat, Mohamed Seddiqui, Driss lachgar, lieutenant de Mohamed Elyazghi et ancien chef du groupe parlementaire, Mohamed Mrini, venu de la gauche radicale, Aicha Belarbi, Nouzha Chekrouni, Mohamed Mouhib... Mohamed Al Achaâri, l'ancien ministre de la culture n'était pas du même avis?: On ne dicte pas à Mohamed Elyazghi sa conduite. Reconstruire l'Union socialiste En clair??: s'il refuse de partir, on l'y forcera pas. Un revirement de taille pour celui qui avait soutenu Abdelaouahed Radi, armes et bagages lors du bras de fer qui avait opposé ce dernier avec Elyazghi; après la démission de Abderahmane Youssoufi. Fathallh Oualalou, l'ancien argentier du pays qui se voit déjà en costard de chef, réitère la doléance de ses amis, «pour émettre un signal fort à l'opinion publique». Elyazghi fonce à nouveau : vous avez tort, vous qui demandez mon départ». Ou encore : «on ira au conseil national demander son arbitrage !». L'ambiance devient électrique. Une pause s'imposait. Et c'est Habib El Malki qui la proposera. Une demi-heure a été suffisante pour que Mohamed Al Achaâri passe de l'autre côté : un virage qui sera fatal. Il prie Mohamed Elyazghi de «faire un autre sacrifice pour le parti et pour les siens». La boucle est bouclée. Radi, qui avait entre temps rejoint la réunion avec les membres dirigeants de l'ancien PSD demande la parole. «Je suis totalement à votre disposition. C'est vous qui m'avez désigné et c'est à vous que revient le droit de me décharger !» Mohamed Elyazghi quitte la salle de la réunion, il demande à Al Achaâri de le rejoindre à la maison pour rédiger la lettre de démission. Les mots sont habilement choisis. L'homme qui avait déclaré, moins de dix jours après le élections, sur les colonnes de Maroc Hebdo : «pas question que je démissionne…» parle d'un départ provisoire ? Lundi, la missive atterrit dans toutes les rédactions. Elyazghi indique avoir pris cette décision dans le but de préserver l'unité du parti. Il a également annoncé la convocation du 8ème congrès, sans toutefois en avancer la date. Elyazghi a souligné qu'il partageait les sentiments des militants du parti quant à la nécessité de reconstruire l'Union socialiste des forces populaires, dix ans après son engagement dans l'expérience de l'alternance. La fin d'un grand homme ? Rien n'est moins sûr : dur à cuire, Mohamed Elyazghi en a vu d'autres. Et pas des moindres. «Si vous voulez la guerre vous l'aurez!», avait-il un jour menacé. Il a ses réseaux et ses fidèles du parti. «Et mohamed Elyazghi n'est pas Abderrahmane Youssoufi», note un proche de lui. La guerre est là, et la crise vient de commencer au sein de l'USFP.Car on ne débarque pas impunément un zaîm de la trempe de Mohamed Elyazghi. «Le privilège des grands hommes est de donner des secousses à leur siècle», Elyazghi en a donné beaucoup à celui de son pays. Et de son parti. Qui, lui risque de vivre une énième scission ! Surtout que personne n'a l'aura du chef pour lui succéder, encore moins de le remplacer. Une raison pour s'inquiéter, l'avenir de quoi sera-t-il fait ! Pour l'heure, tout le monde attend ce que fera Mohamed Elyazghi , et que fera le Conseil national, au moment où la grogne monte et les socialistes demandent un compte pour tous les membres du bureau politique !