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PRATIQUES OCCULTES : Des exorcistes et des jnouns
Publié dans La Gazette du Maroc le 10 - 11 - 2007

Certaines descriptions peuvent heurter certaines sensibilités. Des exorcistes dont le travail consiste à mettre en transe des personnes hantées ou habitées par le diable. Différentes manifestations du malin où les variations sur le thème de Belzébuth et autres Azazel revêtent les aspects les plus inexpliqués. Et la transe n'est que le prélude pour un passage à tabac en bonne et dûe forme avec une corde trempée dans l'eau pour faire déguerpir le mauvais Jinn qui habite la carcasse de l'être humain qui se prête au jeu de l'incompréhensible. On cingle les corps à l'aide de cette corde, on invective le diable, on psalmodie, et souvent le Jinn s'éclipse en attendant un nouveau round d'exorcisme. Entre temps, les exorcistes se font des sous tandis que les esprits hantés attendent le salut.
Je ne sais plus qui a dit que nous étions tous schizophrènes, les humains, s'entend, mais qui soit-il, il a raison. D'autant que selon Freud, Jung, Lacan Et Ferenczi, c'est le principe même de la condition humaine?: des degrés divers et des variations sur le même thème du soi. Le moi, le surmoi, le ça et autres concepts sont corollaires du premier et ils font que nous sommes, tous, sans exception aucune, des machineries très difficiles à comprendre. Quand on ajoute à cet attirail de contradictions, l'esprit, l'âme, le cœur et d'autres schémas relevant de l'intangible, comme le sacré et les rites qui y sont rattachés, autant jeter l'éponge, il n'y a rien à piger. Bref, devant Mostapha (comprenez le choisi, l'élu, parce qu'il a l'intime conviction que Dieu l'a envoyé sur terre pour délivrer nos âmes impies du joug du diable), l'improbable, l'inexpliqué, l'incompréhensible, le mystérieux, les secrets des mondes occultes et parallèles, tout s'embrouille pour peu que l'on ait la clarté d'esprit de ne pas tout rejeter d'un bloc. Mostapha est un cas. Un réel phénomène. C'est ce qui fait sa gloire. Les gens l'ont connu drogué, alcoolique invétéré, porté sur les soirées arrosées, fin connaisseur en termes des délices de la chair entre bacchantes à manger tout crues et autres plaisirs inavoués. Mostapha le dit clairement : «c'est le diable qui m'a sauvé». Parole qui mérite un lynchage systématique et institutionnalisé de la part des âmes bien pensantes, mais à s'y arrêter un instant sans préjugés grandiloquents de la morale ambiante, on sait que Mostapha a tout pigé de la vie. «J'ai tout fait. J'ai bu des tonnes de bière et de vin, j'ai forniqué avec des centaines de femmes, j'ai fumé de quoi inonder un marché de haschich en Europe, j'ai fumé une bonne partie de Ketama, puis une nuit, vers trois heures du matin, j'étais sobre, pas un verre, ni un joint, juste une clope avant de dormir, j'ai senti ma poitrine se déchirer sous le choc d'une énorme blessure. Je dormais quand j'ai eu cette douleur. J'ai ouvert les yeux, j'ai sauté de mon lit et j'ai couru dehors. J'avais le corps qui brûlait de l'intérieur. J'ai cru devenir fou. Mon frère Si Mohamed courait derrière moi, parce que j'avais jeté mes habits et j'étais nu comme au jour de ma naissance, oui, nu comme un ver de terre. On a fini par me rattraper, on m'a mis sous la douche, j'y suis resté sous toute la nuit, mais les brûlures continuaient. Au petit matin, j'ai pu dormir un peu. Au réveil, j'étais un autre homme.» On peut remettre en cause cette thèse, mais il se trouve que Mostapha avait ameuté un quartier à Hay Mohammadi, et de ce fait, les témoins sont légion. Donc,va pour cette mutation humaine. Mais que cache-t-elle ?
La foi par la douleur
C'est un concept vieux comme la religion. Il suffit d'en prendre plein la tronche pour se sentir pénétré par le feu de Dieu. C'est exactement ce qu'aura vécu Mostapha, exorciste devant le seigneur. «Le lendemain, après cette nuit de brûlure, je n'ai plus touché à un seul verre d'alcool, pas plus qu'un joint n'a jamais touché mes lèvres. J'étais sevré par la grâce de Dieu ou de ceux qui nous observent» Très vite, il faut donner quelques précisions et quelques éclaircissements : Mostapha pense, et il n'est pas le seul, qu'il y a deux mondes parallèles. Nous, les humains, et eux, les autres. Eux, ils nous surveillent pour le compte du diable ou de Dieu, c'est selon. «Il y a gens protégés par des anges, et d'autres qui sont touchés par les fils du diable. Mon rôle est de sauver les humains du diable. C'est Dieu qui m'a soufflé la force de pouvoir les affronter»
Buffy contre les vampires, c'est aussi simple que cela. Et nous ne sommes pas dans un film de Carpenter. Le charpentier du monde nous fait tous monter à l'échafaud dans une grande braderie des âmes. C'est à qui peut s'en tirer sans trop y laisser de plumes. Mais ce n'est pas gagné d'avance.
Mostapha ne boit plus, ne fume plus. C'est un homme ressuscité. Il a troqué ce qu'il appelle la débauche contre une certaine forme de sainteté au service du Tout Puissant. Amen. Ainsi soit-il. Hallelua. Abracadabra.
Du bar à la mosquée, du bordel d'à-côté aux réunions des pieux, des joints aux lectures du Livre Saint. Mostapha peut enfin attaquer un nouveau chapitre de sa vie. Désormais, il peut voir le diable, le toucher, le punir, lui intimer de quitter les corps faibles de nous autres humains moyennant plusieurs heures de luttes acharnées avec cordes, coups et insultes, le tout mâtiné d'une bonne psalmodie digne des entrailles de la terre. «C'est en lisant à haute voix des versets du coran que ma sœur est entrée en transe, et c'est là que j'ai réalisé que je devais réagir, faire quelque chose. J'ai commencé par lui parler, et je me suis rendu compte qu'elle avait une autre voix, celle d'un homme. Je ne sais pas comment cela est arrivé, mais j'ai su intimement qu'elle était possédée et qu'il fallait que je la délivre du diable. Je me suis battu avec le démon, j'ai frappé, j'ai hurlé, j'ai sué pendant des heures, et à la fin le Jinn est sorti la queue entre les pattes.» Comme une révélation, Mostapha a touché le sésame. Désormais, c'est un serviteur de l'au-delà, un homme qui sauve ses semblables et qui pourchasse tous les diables. Et quand cela permet de construire une maison, d'avoir une voiture et, de temps à autre, «forniquer» pour les besoins du travail, il n'y a aucun mal à tenter le diable.
De 0 dirham à 10?000 dhs
Tout dépend du degré de la possession. Et croyez-en ce que j'ai vu, William Friedkin et son Exorciste avec Max Von Sydow est une partie de rigolade. Aucune commune mesure. Nous sommes devant des cas où le sens du surnaturel, de l'extraterrestre, de l'étrange, paraît plus coriace qu'il n'est.
Pour Mostapha, la gueule y joue un rôle important : «si tu es dans le besoin, je t'aide et je te délivre si j'y arrive pour rien. Mais si tu as des sous, il faut bien m'en donner. Je suis un émissaire de Dieu, je ne fais que ce qu'il me dicte. Et j'applique les saints préceptes de notre religion à la lettre. Si tu es pauvre, je t'ouvre mes bras. Si tu es riche, ouvre-moi ton portefeuille». Ceci a le mérite d'être aussi clair que de l'eau de Roche. Pour certaines séances, Mostapha officie à l'œil, comme un tribut à cette baraka qu'il a reçue à trois heures du matin avec son lot de brûlures. «Pour cette jeune fille avec sa mère, je n'ai pas touché un centime, mais la semaine prochaine, je vais à Rabat chez une famille aisée, et je vais doubler mes tarifs. Je peux toucher jusqu'à 50 000 dhs par séance! Croyez-vous que ça vaut ce que je fais? Plus encore, je te sauve ta vie, , je te délivre, je mets ma vie en danger, je me bagarre avec le diable et ses fils, cela n'a pas de prix». Mais les deux catégories humaines, les riches et les pauvres, subissent le même traitement devant l'exorciste. C'est la démocratie par la castagne. Tout le monde se fait cingler de coups de corde trempée dans l'eau toute la nuit. Tout le monde reçoit son lot de gifles, de crachats et d'injures. Nous sommes donc tous égaux devant le diable. Le principe est simple, il faut prendre rendez-vous et patienter. « à moins d'un cas urgent, je ne peux pas traiter tout le monde. Je suis un médecin, j'ai un carnet de rendez-vous qui me tient de calendrier de travail. Je fais de mon mieux et des fois, je refuse de traiter certaines personnes. Je leur conseille d'aller voir des médecins ou d'attendre la grâce de Dieu. Mais Quand je sens un jinn récalcitrant, je jure de lui faire la peau, et je m'applique.» Comme le cas d'une femme que Mostapha a dû exorciser à plusieurs reprises avec trois autres exorcistes connus à Mabrouka. «Elle était possédée par trois démons. J'ai sorti le premier, mais sa femme et son fils ne voulaient pas partir. On a dû travailler à quatre, et au bout de deux mois, la femme était guérie» Elle avait des bleus partout et la voix rauque durant des semaines, elle est restée cloîtrée chez elle. Mais selon toute apparence, et de son propre témoignage (nous lui avons rendu visite preuve du bon travail de maître Mostapha) elle est sauvée: «J'ai souffert pendant des années. J'ai été maskouna (hantée). Je hurlais toute seule, je perdais connaissance, je pouvais même sortir nue et courir dans la rue. Un voisin m'a conseillée de consulter Si Mostapha, et grâce à Dieu, je suis sauvée». Résultat des coûts, 25??000 dhs que ses enfants qui travaillent à Rotterdam ont dû payer. Mais le jeu en valait bien la chandelle, leur maman est guérie.
Les chemins de l'étrange
Il ne suffit pas de passer une sale nuit, de sentir des brûlures vous ronger le corps pour vous réveiller exorciste. Exorciste, c'est un apprentissage, nous confie Lhaj Hassan, un as de la castagne contre les mauvais esprits. «Il y a des livres secrets, mon fils. Je suis aujourd'hui âgé de 65 ans, mais cela fait trente deux ans que je travaille comme exorciste. J'ai appris à Souss avec des gens qui ont vu le diable. Je leur dois tout, car moi aussi, j'ai fini par entrer en contact avec le malin. Je l'ai vu dans son royaume, assis sur son trône, entouré d'une cohorte de diablotins, qui chantaient ses louanges. Teslim a rijal leblad ». Il y a donc des manuels de rites occultes à apprendre par cœur et ensuite, brûler le livre et s'en servir pour une séance d'encens (bkhour). Et ce savoir ne peut pas se transmettre, c'est une ascèse, un sacerdoce à observer en toute religiosité jusqu'à ce que la révélation ait lieu. Sinon, c'est peine perdue que de vouloir s'improviser exorciste. «Il y a des malins qui veulent dribler le malin, ils finissent par tuer leurs semblables et c'est déjà arrivé ici même à Mabrouka. Deux jeunes femmes sont mortes étranglées sous les coups. Et un vieux bonhomme a succombé aux coups qu'on lui a administrés. Il ne faut pas jouer avec ce type de missions. La baraka ne s'invente pas, pas plus qu'on ne peut l'acheter avec des sous. C'est Dieu qui désigne ses serviteurs. Et j'en ai connu des exorcistes qui ont une grande baraka. D'autres sont des charlatans ». Des six spécialistes que nous avons interrogés, aucun ne tolère ces nouveaux venus qui font « du mal à la profession. C'est un métier qui a ses règles, on ne joue pas avec des choses qu'on ignore. Cela peut se retourner contre celui qui s'y aventure pour se faire de l'argent. Et certains sont déjà en prison pour ce type de tricherie.» Evidemment, Mostapha, Lhaj Hassan et leurs amis ne vont jamais avouer leurs ratages, mais il s'avère que leurs succès sont nombreux et leur réputation plaide en leur faveur. Pour devenir exorciste, il faut des années de travail, beaucoup d'abnégation et surtout une vie dédiée à l'étrange. «Il y a des livres que seuls les plus forts connaissent. Ce sont des ouvrages à codes avec des schémas et des anagrammes à déchiffrer. On s'y frotte, et il faut plus d'une seule vie pour en saisir une infime partie». En off, certains parlent d'un livre connu sous le nom de Demiati, un ouvrage secret qui demande beaucoup d'application. «Oui Demiati fait partie de la bibliothèque des gens comme nous, mais il y a d'autres ouvrages plus rares qu'il faut tenir au secret. Il faut aller à Souss et dans certaines régions du Sud pour rencontrer de grands maîtres qui pourront vous en dire plus que moi. Moi, je suis encore un apprenti. Mais Mostapha, lui, a eu une réelle révélation. C'est la volonté de Dieu qui l'a choisi, et nous le respectons pour cela ». Demiati ou pas, Mostapha comme ses autres compères jouent avec le fric, ne manquent de rien, roulent en voitures allemandes et habitent trois à quatre étages dans des quartiers populaires. Leurs enfants font des études à l'étranger et, fait curieux, ils vouent tous une sainte horreur aux islamistes radicaux : « ce sont tous des possédés, il faut les exorciser, mais ils sont tellement imbus de leurs personnes qu'ils ne peuvent jamais avouer qu'ils ont besoin d'aide». Quoi qu'il en soit, Mostapha et consorts ont le vent en poupe, et leurs gains n'ont pas fini de grossir, surtout que les temps sont durs et que les Marocains ne sont pas très chauds pour aller voir des psy.
Une séance d'exorcisme comme si vous y étiez
Cela se passe à n'importe quelle heure. Il sufit d'être décidé d'y passer. On joue à la roulette russe quand on va voir un exorciste. Il vous rassure, mais lui-même sait que c'est très dangereux. «Il y a toujours des choses qu'on ignore et qu'on ne peut contrôler», dit Lhaj Hassan, un as de l'exorcisme. C'est simple, on prend rendez-vous, on vient accompagné d'une ou de plusieurs personnes de sa famille au cas où. Et les cas sont nombreux. On entre et on prend place dans l'antre de monsieur le préposé à la chasse au jnouns. Il demandent à l'assemblée de se tenir calme et ouvre un Coran. Il entame sa lecure d'une voix sacacadée, puis le ton monte crescendo. La voix se fait plus grave, plus forte, le rythme plus élevé, les syllabes fusent, on sent la tête nous en tourner, et lui, l'exorciste continue ses psalmodies. Il lit et hurle. Dans l'assistance, certaines âmes fragiles commencent à sentir les affres du purgatoire. Il y en a qui pleurent, d'autres crient, d'autres se lèvent et s'en vont. La personne à exorciser tient encore le choc, mais pas pour longtemps. Au bout de quelques minutes, certains entrent en transe, et la jeune femme d'une trentaine d'années se lève, fait quelques pirouettes sur elle-même comme une ballerine siphonnée avant de se laisser écraser sur la hassira (l'endroit est très modeste et sobre). C'est là que l'exorciste appelle son adjoint, un jeune gaillard qui vient lui donner une corde énorme qui a trempé dans une bassine d'eau pendant des heures). Il entame sa ronde de castagne en parlant avec la jeune femme. Elle répond par des gestes et des simagrées avant de changer de voix. Ce changment de voix est spectaculaire. On nous aurait raconté un tel épisode (et on en a entendu de bien belles sur le sujet) on aurait éclaté de rire. Mais devant une telle mutation de la voix, nous avons le souffle coupé.
La jeune femme a une voix d'un gosse de cinq ans qui arrive à peine à faire des phrases correctes. L'exorciste exorte le jinn présumé de quitter le corps de cette jeune femme, mais il refuse d'obtempérer. S'engage alors une lutte acharnée ponctuée de bons coups de corde mouillée sur les cotes, les cuisses, les jambes, les épaules… le gamin qui parle en cette jeune femme rigole, se paie la tête de l'exorciste, qui lui, redouble d'efforts pour cingler le corps en transe de la jeune femme. La séance dure une bonne heure où les coups pleuvent et les insultes fusent. Le tout dans un vacarme de tous les diables. Au bout d'un certain temps, le gosse accepte de foutre le camp et promet de ne jamais revenir habiter le corps de cette jeune femme. Les choses semblent entendues, quand l'exorciste reprend son avalanche de coups. Ce n'était qu'une feinte, le petit jinn faisait le malin. On remet d'autres coups et il finit par déguerpir, pour de bon, au moins en apparence. Quand la bonne femme revient à elle, elle a déjà des bleus partout, mais elle jure ne se souvenir de rien. Elle a un peu mal, mais elle se sent légère, assure-t-elle. Tant mieux.
3question à Mostapha. D, exorciste de son état
«Les jnouns existent, je peux le prouver»
LGM : vous êtes un Serraâ, un exorciste, c'est du charlatanisme pur et dur ?
Mostapha D. : détrompez-vous. Je ne dis à personne que je vais le marier à un Prince pas plus que je ne promets la lune à des pauvres ou des enfants à une femme stérile. Moi, je m'occupe de cas très précis. Il s'agit de personnes, comme vous et moi, qui sont possédées par le diable. Elles viennent me voir pour que je les délivre. Je lis des versets du coran et je frappe le jinn pour qu'il quitte le corps de la personne hantée. Si vous voyez là-dedans du charlatanisme, je vous l'accorde alors.
Vous vendez du mensonge déguisé en coups de corde, ce sont là des personnes qui ont besoin d'un suivi psychiatrique en bonne et dûe forme ?
Je n'oblige personne à venir me voir. J'en ai reçu qui ont fait le tour des marabouts, des saints (sadat) et des hôpitaux. Je suis leur dernier recours et grâce à Dieu, Ils sont souvent guéris. Il y en a qui préfèrent se gaver de médicaments, et d'autres qui ont des sous à perdre, moi, il m'arrive de délivrer des gens gratuitement. C'est mon devoir d'aider les gens. Ceux qui ne croient pas en ce que je fais, n'ont qu'à ne pas venir me voir. Vous avez vous-mêmes vu des gens sortir de chez moi, transformés. Je n'ai rien fait d'autre que lire le coran et crier après le jinn pour qu'il sorte. Je risque d'y laisser ma peau si je tombe sur un jinn qui sort de la personne hantée pour venir se loger chez moi. C'est un métier à hauts risques, je balise à chaque séance, mais la baraka de moulana me guide et me protège.
C'est pourtant facile de jouer sur l'inconnu, tout ce monde étrange que les gens ignorent.
Je vous mets au défi tout de suite. Si tu veux te faire exorciser, je sortirais quelqu'un de toi devant tout le monde. Tu peux même appeler tout ton journal pour assister à cette séance. Je ne cache rien, la police me connaît, les autorités savent ce que je fais. Les jnouns existent. Le diable aussi, Chaytan (satan) je l'ai déjà vu sortir de plusieurs personnes. Et je peux vous prouver tout ça. Je vis de ce travail et c'est payé cher pour les risques que je prends. Que ceux qui n'y croient pas restent dans leur monde, et il vaut mieux laisser des portes ouvertes sur l'inconnu.
Propos recueillis par Abdelhak Najib


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