À quelques jours du vote des députés libanais pour élire le Président de la République qui succèdera au Général, Emile Lahoud, tout le monde se doute que le quorum soit assuré. Faute qu'il n' y a pas eu un compromis entre la majorité et l'opposition sur la personne du président sortant, la séance sera reportée une deuxième fois jusqu'au 20 novembre prochaine. Dernière chance donnée par la Constitution avant le vide et… la guerre civile. Lors de son passage le week-end dernier par Paris en provenance de Washington, le chef du bloc parlementaire libanais, le député, Saâd Hariri, a affirmé à La Gazette du Maroc que les forces du 14 mars représentant la majorité parlementaire poursuivront leurs efforts afin d'arriver à un consensus national sur la personne du nouveau président de la République. Et que ces forces n'accepteront jamais que le pays tombe dans le piège d'un vide constitutionnel qui permettra l'émergence de deux chefs de l'Etat et deux gouvernements. «Ce sera la fin du Liban en tant qu'un Etat uni et démocratique», dit-il. Hariri, qui s'est rendu aux Etats-Unis où il a rencontré le président, George Bush et les principaux responsables de son administration ainsi que quelques décideurs du Pentagone, aurait demandé à ces derniers d'apporter leur aide pour faire sortir son pays de l'impasse. Cela ne pourra se faire que si Washington et ses alliés européens accentuent leurs pressions sur Damas afin que cette dernière réduit l'ampleur du durcissement du comportement de ses alliés libanais, notamment le Hezbollah et le Mouvement du changement et des réformes dirigées par le chrétien maronite, l'ancien général, Michel Aoun. En dépit de cette approche et l'ouverture de l'ambassade des Etats-Unis à Beyrouth vis à vis de la plupart des forces de l'opposition dite du 8 mars, comme le président du Parlement, le chiite, Nabih Berri ou l'ancien ministre maronite, Soleïman Frangié, le blocage demeure de mise sur le terrain. Pour preuve, les deux rencontres organisées par le patriarche maronite, Monseigneur Nasrallah Sfeir avec les représentants maronites à la fois de la majorité et de l'opposition, n'ont rien apporté jusqu'à cette date. Au point que le dignitaire religieux a déclaré que «la sortie de cette impasse ne peut venir que d'en haut, du Bon dieu». Au même moment, Damas ne cesse d'envoyer les signaux dans tous les sens, rappelant à ceux qui ont la «mémoire courte» que la Syrie qui est incontournable dans la région , ne pourra guère être écartée de la participation au choix du nouveau président de la République libanaise. Dans ce même ordre de mise en garde, le chef de l'Etat syrien, Bachar al-Assad, a indiqué dans une interview accordée, la semaine dernière, à notre confrère tunisien, Al-Chourouk, que les «Libanais sont les seuls à pouvoir choisir leur président», néanmoins, il ajouta que «l'avenir de ce pays, notamment dans le court terme, ne sera pas stable». Des propos qui ne cessent depuis de multiplier les rumeurs et les spéculations sur un retour de la série d'attentats visant uniquement les députés de la majorité, ou une nouvelle rébellion émanant d'un deuxième camp de réfugiés palestiniens, à l'instar de celui de Nahr al-Bared au Nord du pays où le groupuscule Fath al-Islam avait confronté l'armée libanaise pendant environ trois mois. C'est dans ce climat d'attentisme et de crainte que les parlementaires libanais sont appelés à voter, mardi prochain, pour élire le nouveau président. Paris qui a dépêché, vendredi dernier son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, dans le cadre d'une délégation européenne, comprenant ses homologues, Espagnol et Italien , estime qu'il serait raisonnable de donner encore plus de temps pour arriver à un compromis. Surtout que la Constitution libanaise le permet. Les responsables du Quai d'Orsay, plus particulièrement ceux qui suivent de près le dossier libanais en ce moment, ont indiqué à La Gazette du Maroc que toutes les parties libanaises concernées doivent faire des concessions pour sauver leur pays. D'autant plus qu'ils sont mieux que quiconque conscients des dangers qui se cumulent ces derniers temps. Ce, au moment où les Etats-Unis sont très préoccupés par la réussite de la Conférence internationale qu'il organise sur la paix entre Palestiniens et Israéliens. Cela dit, toute erreur d'évaluation et «entêtement» que ce soit de la majorité ou de l'opposition, risque de réduire les chances de sauver leur pays à néant. C'est de l ‘avis des Français et des Egyptiens qui tentent de convaincre leurs visiteurs responsables libanais de cette réalité. La position des arabes Force est de noter que l'Arabie Saoudite est tout comme la Syrie, considérée parmi les grands joueurs arabes. Son ambassadeur à Beyrouth, Abdel Aziz Al-Khouja , est toujours très actif au niveau de ses contacts permanents avec toutes les parties libanaises aussi bien de la majorité que de l'opposition, y compris le Hezbollah. Riyad déploie depuis l'ouverture de la «bataille» présidentielle libanaise des efforts considérables pour faire éviter au pays le vide constitutionnel et le retour à la guerre civile. De ce fait, le roi Abdallah ben Abdel Aziz a invité chez lui plusieurs responsables libanais de tout bord. Il recevra même une délégation du Hezbollah. Ce, au moment où le chef du Parlement Nabih Berri qui est un pilier de l'opposition du 8 mars, recourt à l'aide du souverain saoudien lorsque son initiative de rapprochement de réconciliation était confrontée à de réelles difficultés qui pourraient la faire tomber à l'eau. Et, l'Arabie Saoudite répondait toujours présente en ajustant les tirs et en arrondissant parfois quelques angles de divergence. Cependant, l'avancement du rôle saoudien dépend toujours de l'aspect positif ou négatif des relations bilatérales avec la Syrie. Ces dernières qui ne sont pas apparemment aujourd'hui aux beaux fixes. Ce qui complique ces derniers temps la situation et réduit les espoirs d'une sortie de la crise avant le mardi 23 octobre. Ce, à moins qu'un miracle de dernière minute intervient. Rappelons dans ce contexte, que Riyad a décliné à deux reprises la visite du ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, après avoir été annoncée par des médias syriens. Toutefois les contacts sont permanents entre l'Arabie Saoudite et l'Iran qui a une influence directe sur les chiites libanais, notamment le Hezbollah et le mouvement Amal de Nabih Berri. Nébroïciens, les Arabes ne veulent pas, en tout état de cause, que Téhéran joue un rôle de médiateur entre eux et entre un Etat arabe. Surtout lorsqu'il s'agit du Liban. Les Arabes évitent à tout prix à ce que le rôle de la république islamique d'Iran en Irak se répète aux pays du Cèdre. Mais l'alliance stratégique entre Damas et Téhéran rend la situation plus complexe qu'on le croit. Damas, forte du soutien de l'Iran et de la réticence de quelques pays européens, revendique un prix pour accepter de faciliter les élections présidentielles au Liban. Elle ne se contente pas d'un président proche de la majorité- et non issu d'elle directement- et qui lui reconnaît une relation privilégiée, mais veut un président qui donne la garantie nécessaire que le tribunal international qui jugera de l'affaire de l'assassinat de l'ancien premier ministre, Rafic Hariri ne se transformera en un instrument visant la Syrie. En d'autres termes en une épée de Damoclès qui sera levée au-dessus de sa tête en permanence. Jusque-là, aucun des candidats n'osent donner de telles garanties. La seule partie qui pourra le faire, c'est l'Arabie Saoudite. Cependant, cette dernière ne semble pas être prête à le faire. Ce qui fait perdurer la crise interne libanaise et la tension inter-arabes. Pendant ce temps, Damas joue, comme à l'accoutumée sur le facteur temps. Surtout que la région sera confrontée, dans les prochains mois voire les prochaines semaines, à de grandes échéances. À commencer par la Conférence internationale de paix dont la réussite n'est pas garantie et la décision du Conseil de sécurité concernant l'application des sanctions économiques contre l'Iran, et finalement par le Sommet arabe qui devra se tenir cette fois à Damas en mars prochain. Si le Liban ne pourra trop attendre et devra trancher avant la fin de novembre prochain et élire son nouveau président, la Syrie a tout le temps devant elle pour encaisser les coups et se redresser progressivement pour revenir de nouveau en force sur la scène régionale. Elle l'avait déjà prouvé par le passé à plusieurs reprises. Notamment, après l'invasion du Liban par Israel et la frappe de son armée stationnée dans ce pays par les Israéliens ; et, le plus important l'élection d'un président, Bachir Gemayel, contre son désir. Ce dernier, qui n'a pas pu prendre le pouvoir car il a été assassiné.