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ENTRETIEN AVEC LE PR.MAÂTI NEJMI* : Sois sage ô ma douleur !
Publié dans La Gazette du Maroc le 13 - 10 - 2007

Il n'y a pas si longtemps, la douleur était considérée comme un symptôme «normal», parfois même qualifié de précieux pour le diagnostic et le suivi de l'évolution de la maladie. Progressivement, elle est devenue inacceptable, l'ennemi à abattre. C'est ce que fait depuis des lustres le professeur Nejmi. Depuis dix ans, il se bat sur tous les fronts pour convaincre encore et encore, l'administration, les médecins, le personnel médical et parfois même les malades eux-mêmes.
La Gazette du Maroc : Vous avez comme chaque année, fait vivre au Maroc, la journée mondiale de la douleur, qui a eu lieu le 6 octobre dernier. Pourquoi une journée mondiale de la douleur ?
Pr. Maâti Nejmi : Pour sensibiliser le public, mais aussi les professionnels de la santé à ce problème de santé publique. Sans prétention aucune, je peux dire que j'ai initié une réflexion faisant de la lutte contre la douleur une priorité de santé publique… depuis si longtemps que parfois je suis un peu découragé. Et aujourd'hui, au découragement ponctuel, s'ajoute une colère grandissante.
Pourquoi cette colère ?
Parce que, depuis quelques mois, je me bats contre l'administration du ministère de la santé publique, pour terminer la construction du premier centre de traitement de la douleur à l'Institut national d'oncologie à Rabat. C'est la princesse Lalla Salma en personne qui a tenu à présider le lancement des travaux… il y a plus de 18 mois maintenant. Les travaux de construction devaient durer douze mois ! On n'en est pas au point mort, mais presque. Le gros-œuvre est fait et maintenant - comme vous avez pu le constater vous-même - des fonctionnaires ministériels me disent que l'entreprise gagnante de l'adjudication du lot de peinture… est inconnue et perdue dans la nature. Je suis scandalisé ! Cela dit, maintenant que je l'ai dit (rires) je vais vous expliquer pourquoi cette construction est si importante.
Quelques chiffres ?
J'en donnerai peu mais extraordinairement parlants. On répertorie près de 50 000 nouveaux cas par an au Maroc, de patients qui souffrent de douleurs permanentes ou ponctuelles. 78% des malades infectés par le HIV et autant de malades atteints d'un cancer souffrent mille morts, quotidiennement. Nous recevons dans ce seul service, 30 à 50 malades par jour.
L'an dernier, ce sont 5 000 malades que nous avons reçus, dont presque 600 ont dû être hospitalisés. On évalue à 300?000 personnes au moins, le nombre de Marocains qui souffrent, toutes pathologies confondues. Et on ne signale même plus les patients qui souffrent de douleurs post-opératoires…
Comment expliquez-vous cet état de fait?
Plusieurs raisons, historiques, relevant de la seule médecine d'abord et des comportements humains, ensuite.
Quant à la médecine à proprement parler, il n'y a pas si longtemps que la douleur était considérée comme normale et faisant partie du calvaire habituel de la maladie. Autre tare proprement médicale. Ce qui intéresse trop souvent le médecin, c'est la maladie et l'organe malade, le patient lui, n'étant que le support de la maladie, donc sans importance. Ce sont aussi, les problèmes de formation des médecins (j'en parlerai plus loin si vous permettez, car c'est très important). Il semble entendu, par le public comme encore trop souvent par le monde médical, que la médecine est l'outil de la lutte contre la maladie. C'est la fonction curative. Bien. Par contre, la dimension de lutte contre les symptômes douloureux et l'accompagnement des maladies inguérissables n'est pas assez reconnue comme partie intégrante de la fonction de soignant. Et il y a donc aussi cette réalité qui fait que depuis des millénaires, il est entendu que le malade doit souffrir. N'est-il pas dit dans les textes anciens : tu enfanteras dans la douleur ! Et encore, je ne parle là que de la naissance de l'humain. Pour ce qui concerne la mort – qui fait pourtant partie intégrante de la vie – nul n'en souffle mot.
C'est toujours très difficile de parler de la mort et de l'envisager pour soi et pour ses proches…
Assurément, mais il n'est point nécessaire, encore moins obligatoire, de souffrir et de supporter cette souffrance. On a depuis des années (plus de 20 ans) les moyens d'atténuer, voire annihiler complètement, la souffrance des gens, quelle que soit la situation. Il ne s'agit pas seulement de soins palliatifs, mais d'accompagnement de la douleur physique qui se double souvent d'une souffrance psychologique et sociale.
Concrètement?
Cela concerne des personnes de tout âge, atteintes d'une maladie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital. Ce peut être une maladie neurologique chronique, un cancer, un sida, ou même n'importe quelle insuffisance fonctionnelle. Tout état qui provoquet de la douleur.
Revenons à la formation !
Absolument. Je me bat depuis des années avec l'université pour introduire un enseignement spécifique. J'ai aujourd'hui… 4 heures de cours, donnés aux étudiants de 5ème année ! A titre de comparaison, le module spécifique en France est de 36 heures… que tous les spécialistes jugent trop insuffisant. Cela se passe de commentaires.
Il y a pourtant de plus en plus de personnel médical sensibilisé à cette question. Et beaucoup le sont… par vous, professeur !
C'est vrai, et j'en suis très heureux. J'ai initié en 1996 avec l'ONG «douleur sans frontières» des séminaires de formation, qui ont bénéficié à une bonne centaine de professionnels, mais malheureusement, les règles de fonctionnement de la coopération (notamment française) ayant changé, on ne peut plus faire grand-chose. Les quelques étudiants généralistes que je reçois en stage dans ce service, sont bien entendu sensibilisés et formés, mais je ne reçois pas tous les futurs médecins en stage ! Par contre, nous recevons dans le service de réanimation, tous les futurs médecins-réanimateurs. Ils sortent d'ici au bout de 6 mois, pendant lesquels, ils ont été formés à la spécificité de la lutte contre la douleur.
Nous avons aussi sensibilisé – formé serait un trop grand mot – plusieurs milliers de professionnels, lors de deux «caravanes de la douleur» qui ont sillonné les grandes villes marocaines. Je suis même allé jusqu'à Goulimine !
Justement, quels sont les outils, les produits, dont on dispose aujourd'hui dans la pharmacopée contemporaine ?
Beaucoup de progrès ont été faits. Il existe de nombreux antalgiques. D'innombrables expérimentations ont été faites concernant les narcotiques naturels. Et pourtant au Maroc, on coince encore sur un problème de disponibilité de ces médicaments. Et surtout on bute encore sur le fameux «carnet à souche des ordonnances réservées» qui nous oblige à ne prescrire la morphine qu'au bout de 7 jours. Vous imaginez ce que cela implique dans les cas d'urgence. Par ailleurs, quand il y a disponibilité des médicaments, elle reste très théorique, car très souvent les pharmacies ne disposent pas de stocks. Je connais des patients qui font plus de 500 kilomètres pour venir jusqu'ici juste pour obtenir une ordonnance et aller à la pharmacie à Casablanca ou à Rabat. Il faudrait rappeler qu'en Tunisie, les pharmacies sont tenues dans l'obligation légale, d'avoir un stock minimum d'antalgiques et de morphine, suffisant en cas d'urgence… Sachant que la morphine est la pierre angulaire de la lutte contre la douleur, et qu'on sait aujourd'hui qu'il n'est nul besoin d'attendre si longtemps pour l'administrer. Il s'agit-là d'une double anomalie, pour rester courtois, dans la mesure où, au Maroc, les malades qui arrivent dans cet établissement, pour soigner un cancer, ont été diagnostiqués très tardivement. La règle matérialisée par ce carnet les pénalise donc lourdement. Est-il utile de préciser que cette loi qui pénalise les malades date de… 1922!
*Pr. Mati Nejmi - Professeur d'anésthésie-réanimation et chef des services Anesthésie-Réanimation et Traitement de la Douleur à l'Institut National d'Oncologie. Il est également président-fondateur de la «société marocaine contre la Douleur» et directeur de Programme de Recherche au Maroc de «Douleurs Sans Frontières».


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