Abdelhaï Laraki, cinéaste «Ce que j'attends avant tout de ce nouveau gouvernement qui sera formé, c'est la réalisation et la concrétisation du débat que nous avons eu avec le Premier Ministre, Driss Jettou en présence de toutes les chambres représentant le cinéma marocain, le CCM et le ministère de tutelle. Durant plus d'une heure et demie d'échange et de discussion avec le Premier ministre, nous avons, chacun à sa mesure exprimé nos doléances, nos attentes et mis en exergue les dangers qui guettent le secteur de l'industrie du cinéma au Maroc. La réaction était très bonne et le Premier ministre a pris bonne note de nos déclarations. Aujourd'hui, que nous sommes face à un nouveau départ pour un nouveau gouvernement, je veux que cette rencontre soit concrétisée par des mesures solides comme d'aboutir à produire au moins trente (30) films marocains par an. Réussir à subventionner les productions locales avec un montant au moins de 10 millions de dhs, ce qui est correct, et surtout s'occuper de restaurer les salles de cinéma. Veiller à ce que nos films soient mieux distribués, parce que c'est tout de même incompréhensible, que lorsque les réalisateurs produisent le plus, les films pâtissent d'un manque flagrant d'intérêt. C'est ce dilemme qu'il faut gérer au plus vite ». Mamoun, chanteur et homme de théâtre «C'est un vaste programme. Je suis tenté de dire que je n'attends rien de ce nouveau gouvernement, mais je ne suis pas défaitiste. Alors voici ce que j'attends. J'attends juste que lorsque je joue dans un théâtre, qu'on ne me prenne pas ce que je gagne. Déjà que je ne demande pas de subventions ! Et à côté de ce que l'on fait aux artistes marocains qui triment pour joindre les deux bouts, on appelle des Nancy Ajram et d'autres pour des millions de dhs. Et, en plus, on se targue de cela et on s'en gargarise, alors que l'on refuse d'honorer un chanteur comme Abdelwahab Douakkali qui mérite dix fois plus. Il faut revaloriser les artistes nationaux, leur donner l'importance qu'ils méritent. Nous avons des valeurs sûres qui restent dans l'ombre. Pourquoi ? Ce gâchis est criminel». Sophia Amrani Ben Sabih, architecte «Ce qu'il faut, c'est une prise de conscience et de réels changements. Pour ma part l'héritage architectural du Maroc me touche au plus haut point. Le patrimoine, c'est crucial. On ne peut pas construire l'avenir en annihilant notre passé. Et cet héritage culturel qu'est le patrimoine architectural national quelles que soient ses influences et ses manifestations appartient à nous tous. Il s'agit là de notre mémoire collective et il faut la préserver. Pour moi, ce nouveau gouvernement doit faire face à tous les massacres qui frappent de plein fouet le patrimoine. Il faut classer les monuments et les protéger comme cela se fait partout dans le monde où l'on respecte l'histoire. C'est aussi simple que cela». Saâd Hassani, artiste peintre «La première priorité c'est l'ouverture et la tolérance qui sont les piliers d'une réflexion saine dans une société qui veut donner à la culture et l'art une réelle place dans le paysage humain et politique du pays. Sans une approche plus ouverte et avant-gardiste, la culture sera toujours à la traîne. Les artistes sont les garants de la liberté. Et la liberté se prend, se revendique. C'est dans cette logique que je dis que le nouveau gouvernement se doit de prendre en compte cette particularité qui est une condition sine qua non pour le développement d'un pays. Et dans ce même état d'esprit, je pense qu'il faut jouer la carte culturelle à fond. Une carte qui doit être investie avec les moyens qu'il faut, pour lui donner une assise mobile à même de faire avancer la société. Vous savez, l'art est un moteur infaillible. Quand on a compris cela, on a déjà fait un grand pas en avant ». Mohamed Marwazi, acteur et producteur «De manière générale, je souhaite que les nouvelles figures qui vont former ce nouveau gouvernement ont bien compris que le Marocain est devenu très exigent. Et le taux de participation lors du scrutin du 7 septembre l'a bien démontré. Ce qu'il faut d'abord tenter de réaliser, c'est de faire revivre le nationalisme chez le Marocain et cela passe par la concrétisation de toutes les promesses qui ont été faites aux citoyens lors des compagnes électorales. En ce qui concerne mon métier d'acteur et de producteur, je pense qu'il est important de capitaliser sur les acquis que le secteur a pu avoir durant les dix dernières années, mais il faut faire plus pour le cinéma marocain, qui est l'image du pays à l'étranger. Aujourd'hui, le cinéma marocain bouge, fait parler de lui de par le monde et dans de nombreux festivals, il faut qu'on fasse plus pour aller de l'avant et non pas reculer». Najat El Wafi, actrice «J'attends plus de sincérité et de transparence de la part des gens qui nous gouvernent. On ne demande pas la mer à boire, on veut des hommes et des femmes simples, bosseurs, travailleurs, honnêtes, qui aiment leur pays et travaillent pour le bien de tous. Le Marocain a perdu confiance, il s'agit aujourd'hui de lui redonner confiance. C'est primordial. On ne veut plus de mensonges, plus de tricheries, mais du travail et du sérieux. On veut des valeurs». Mostapha Rami, photographe «Il y a beaucoup à faire en termes de réformes pour les artistes et les métiers de l'art en général. En ce qui concerne mon métier, la photographie, il est urgent de régulariser les métiers de figurants sur l'image en tant que photographies. Il faut qu'il y ait des barèmes de tarifs pour les mannequins, comme cela est le cas pour les métiers du cinéma. Ce métier existe, on communique grâce aux mannequins, mais il n'y a pas de protection derrière. Il faut commencer par le concret et créer une agence avec des droits qui préservent l'image des figurants. Il faut tout faire pour éviter l'exploitation de l'image sans protéger les gens. Il s'agit là d'un droit fondamental ».