Composé dans la solitude d'un paysage andalou, au pied de la Sierra Nevada, ce disque est l'histoire d'un lent retour aux racines africaines. Sous haute influence de Fela (l'idole et le créateur de la musique afro-beat) et du Nigeria, l'artiste compose douze chansons à la fois complexes et directes, émotionnellement intenses. Il entrelace suavement blues, funk, rock, jazz, musiques urbaines d'Afrique de l'Ouest, bribes de Serge Gainsbourg (en français s'il vous plaît). De sa voix sensuelle, capable de s'envoler dans les aigus avec facilité, il chante l'amour salvateur («All Praises»), les plaisirs de la chair («Femiliarise»), la difficulté de communiquer «Beautiful Emilie» ou la rupture «Wet Questions». Sur «Orin O'Lomi» il chante pour la première fois de sa carrière en yoruba, la langue de ses ancêtres. L'Orphée nigérian n'a jamais exprimé son «africanité» aussi clairement. Grâce à cet album noir et ensoleillé, Keziah Jones le musicien surdoué confirme tous ses talents d'auteur et de fin mélodiste. Keziah Jones s'appelle en réalité Olufemi Sanyaolu, fils d'un chef de tribu de Lagos au Nigéria, où il est né le 1er octobre 1968. En tant que chef, son père est aisé et en plus c'est un industriel, ce qui dans un pays aussi défavorisé représente bien plus qu'une distinction sociale. Olufemi devra suivre une belle carrière, c'est déjà décidé et pour cela, on l'envoie étudier en Angleterre dès l'âge de 8 ans. Le choc est rude pour le petit garçon, il ressent les premiers tourments de l'exil et se rend compte de la différence essentielle, pas seulement économique, qui sépare le continent africain de son voisin européen. Alors, que penser de l'Amérique… L'école publique a pourtant de bons côtés puisqu'il apprend la musique, le piano tout d'abord, puis la guitare. La musique le prend tout entier et il commence très rapidement à jouer, chanter et composer. Pour cela, il n'hésite pas à essayer ses talents dans les pubs londoniens (on dit également qu'il aurait joué dans le métro parisien mais l'info reste à vérifier). Ses études en pâtissent… Qu'importe, il se forge un style unique, personnel, mélange de funk, de blues, de folk et de soul qu'il baptise lui-même le Blufunk, un raccourci éloquent. Parmi ses influences, il cite volontiers Jimmy Hendrix et Fela Kuti, dont l'afro beat engagé l'imprègne durablement. Il se fait remarquer par un producteur, Phil Pickett, au tout début des années 90, qui le fait tourner en Grande-Bretagne avant de sortir un disque. «Blufunk is a fact» affirme ce premier album et l'assertion s'avère être juste puisque le succès est immédiat et international. Le nerveux et virtuose «Rythm is love» et sa guitare imparable, fait un carton. De plus, Keziah soigne son image de prince africain, dandy presque toujours torse nu, musclé et racé, habillé avec une élégance un rien britannique. Il fait de nombreux aller-retour entre Londres et le Nigéria et l'on serait tenté de dire, aussi bien géographiquement que culturellement, revendiquant ses origines avec intelligence et parfois, une pointe de mélancolie. «African Space Craft», son deuxième album, sort en 1995, puis «Liquid Sunshine» en 1999. Il faut pourtant attendre 2003 et son «Black Orpheus» pour qu'un immense succès soit à nouveau au rendez-vous. Comme dans ce film culte qu'il admire, il y évoque la religion, la négritude, la beauté, la servitude et l'amour.. Discographie 1992 : Blufunk Is A Fact 1995 : African Space Craft 1999 : Liquid Sunshine 2003 : Black Orpheus