Les discussions du projet de réforme de la fiscalité viennent de débuter au sein du Parlement. Le Centre Marocain de Conjoncture (CMC) a saisi l'occasion pour lancer le débat sur un projet, quoique nécessaire, mais qui suscite encore des questionnements. Il y a un grand déficit en matière de services publics. Les collectivités locales n'investissent pas dans des projets nécessaires comme les domaines du transport, de la santé, de l'éducation, de l'emploi, de la lutte contre la pauvreté, des activités sociales et culturelles. Les citoyens s'interrogent et n'arrivent à pas à comprendre pourquoi ces institutions ne font pas d'efforts pour satisfaire leurs besoins. Les raisons sont toutes simples. Elles manquent de moyens financiers pour remplir leurs missions. Le budget consolidé des quelques 1600 communes urbaines et rurales, est de l'ordre de 15 milliards de dirhams seulement. Il représente seulement 3,5% du PIB et 10% du budget de l'Etat. Autre chiffre illustrant le manque patent de ressources : la moitié de l'excédent de leurs charges de fonctionnement, soit près de 1,25 milliard de dirhams, est allouée aux dépenses d'équipement. Ces insuffisances ont donc des répercussions notables sur les collectivités locales, tant sur le plan de leur autonomie financière que sur la qualité de leur service et de leurs programmes d'investissement. Le projet de réforme de la fiscalité locale est donc venu pour tenter d'améliorer le rendement fiscal en réduisant par exemple le nombre d'impôts et taxes. «Le projet envisage de supprimer les taxes et redevances à faible rendement», note Abdelrhani Guezzar, directeur des Finances locales au sein du ministère de l'Intérieur. Ce type de taxe ne rapporterait que la bagatelle somme de 30 millions de dirhams annuellement. Il s'agit, entre autres, des taxes sur les spectacles, les colporteurs vendant sur la voie publique, pour les fermetures tardives ou ouvertures matinales, sur les établissements d'enseignement privé…. Les rédacteurs du projet ont également pensé réaménager certaines taxes et redevances comme c'est le cas par exemple de la taxe urbaine, l'impôt des patentes, la taxe d'édilité, les redevances d'enseignes… Dans le cadre du débat lancé cette semaine, il a été également question de trouver le lien entre le projet de réforme de la fiscalité et la politique de décentralisation et de l'aménagement du territoire. À ce sujet, Mohamed EL Yazghi, ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Eau et de l'Environnement n'a pas manqué de relever que la répartition sest disparate entre les collectivités. Pour lui, la réforme doit permettre de disposer d'un système fiscal moderne qui tienne compte des réalités spatiales et impulser le développement économique. «Il faudrait aussi un meilleur partage des recettes fiscales», ajoute t-il. Harmonisation de la fiscalité locale Pour adapter la fiscalité locale au contexte de la décentralisation, il a été donc décidé dans le cadre du projet de loi de renforcer le pouvoir fiscal des conseils et des assemblées des collectivités locales en matière notamment de modulation des taux et des tarifs. Aussi, ces institutions auront-elles le droit de disposer davantage de prérogatives dans le cadre des procédures de vérifications, de contrôle et de verbalisation (taxe sur boisson…). Le projet de loi porte aussi sur l'harmonisation de la fiscalité locale à la fiscalité de l'Etat. Sur ce registre, il y a lieu de noter que le texte introduit cette notion en matière des procédures relatives aux sanctions et majorations, au contentieux, à la rectification des impositions… En matière de recouvrement, il a été décidé d'appliquer les dispositions du code de recouvrement des créances publiques à la fiscalité locale. La réforme de la fiscalité locale devenait donc plus qu'une nécessité. Mais le système économique en vigueur permettra t-il cependant de générer des moyens suffisants pour se placer en conformité avec l'approche de décentralisation et d'aménagement du territoire souhaité par le Maroc, s'interrogent les observateurs. Pour répondre à cette question, Ahmed Laaboudi, directeur général du CMC a tenté d'établir un lien entre le potentiel économique régional et le potentiel fiscal mobilisable au niveau des collectivités territoriales. Cette évaluation place la région du Grand Casablanca en première position du point de vue du potentiel économique et fiscal. Elle est suivie par un groupe de régions très dynamiques : Souss-Massa, Rabat, Tanger-Tétouan et Marrakech. Dans un horizon de 10 ans environ, des simulations ont été cependant réalisées pour éclairer sur les éventuelles démarches à suivre. Elles ont pu dégager deux scénarii. Dans le premier qui prévoit une croissance globale moyenne de 3,8 à 4% par an, la contrainte des ressources pèsera sur la dynamique de décentralisation. Le deuxième, qui est alternatif, tient compte des changements structurels qui peuvent s'opérer. Dans ce scénario, les activités secondaires seront plus dynamiques, les activités de services s'étendront, et les espaces régionaux se multiplieront. «La reconfiguration sectorielle et spatiale des activités économiques dans un tel scénario donnera lieu à un gain variant de 2 à 4 points de la part des régions les plus dynamiques dans le potentiel de production régional. Le potentiel économique à venir dans ce scénario alternatif générera des ressources fiscales importantes au plan local si on adapte la fiscalité aux structures des activités : régions émergentes et nouvelles activités à fort potentiel de croissance (industrie, construction, services)», indique t-on.