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Contrat-programme entre l'Etat et les établissements privés : L'éternel problème fiscal

Une histoire du genre "je t'aime moi non plus" ; voilà comment on pourrait résumer les relations entre l'Etat et l'enseignement privé. Le premier après avoir exonéré "tacitement", court depuis 30 ans derrière ses impôts sans jamais rien percevoir. Mais il n'ose pas lever la main sur des écoles qui forment désormais quelque 500.000 Marocains. Alors les négociations s'éternisent et depuis l'arrivée de Driss Jettou l'objectif est d'arriver à une solution finale. L'Administration des impôts ne semble pas avoir la même vision que le Gouvernement et tient mordicus à la fiscalisation totale. Alors les établissements privés qui veulent l'exonération totale ont fini par demander une fiscalisation partielle à l'exception de quelques-uns. Toutefois, aucun d'entre eux ne veut payer ses impôts pour le moment. Abdelali Benamor, président de HEM, à la tête d'un collectif de 9 associations qui discutent avec le Gouvernement et de la Conférence des grandes écoles, revient sur l'histoire tumultueuse entre le fisc et les écoles.
Au lendemain de l'indépendance, l'enseignement libre qui avait longuement contribué à la prise de conscience nationale s'est trouvé par la suite au centre des préoccupations des pouvoirs publics avec un système incitatif particulier. Même s'il n'y a jamais eu de textes législatifs particuliers, sa défiscalisation a été consacrée par un discours de Mohammed V. On peut même établir un parallélisme avec ce qui se fera des années plus tard pour le secteur agricole et pour le Sahara marocain. Là également, il n'y a jamais eu de textes législatifs, mais ce sont des discours de Hassan II qui continuent de s'appliquer jusqu'à ce jour consacrant l'exonération dans un cas ou dans l'autre. On se souvient également qu'en 2001, ce fut une lettre de Mohammed VI au Premier ministre d'alors, Abderrahmane Youssoufi, qui a créé les Centres régionaux d'investissements.
Par ailleurs, dans un souci de soutenir largement les acteurs d'un secteur qui soulage l'Etat de ses obligations d'offrir une formation adéquate à tous les Marocains, un système de bourse a été
mis en place. C'est un tel système qui prévaudra jusqu'au milieu des années 1970. Cela a naturellement permis au Maroc de se doter d'un secteur d'enseignement privé de plus en plus compétent et capable de répondre aux besoins d'une population de plus en plus nombreuse en quête d'une alternative aux universités.
1975, le début des soucis fiscaux
Cependant, à partir de 1975, l'administration a commencé à se manifester, balayant d'un revers de main le contenu du discours du défunt roi Mohammed V. "Un discours restera un discours et ne sera jamais érigé au rang de texte législatif".
Car, il faut le reconnaître ce fameux discours de Mohammed V n'a jamais
été promulgué ; ce qui va conforter l'administration fiscale dans sa décision d'en finir avec l'état d'exception. Toutefois, dans le secteur de l'enseignement privé la quasi-totalité des établissements avaient refusé de payer. Seule une très petite minorité se pliera à la volonté de la Direction générale des impôts de mettre fin à la décision de Mohammed V d'exonérer le secteur. En revanche, ces menaces d'ester en justice ou de saisir les comptes brandis par le service des impôts ont toujours été prises avec beaucoup de sérieux. Les professionnels s'en sont alors référés en permanence au chef du gouvernement en poste. De Filali à Jettou en passant par Laraki et Lamrani, il n'y a pas de Premier ministre qui n'ait pas été saisi pour décanter la situation. Tous ces Premiers ministres en cas de blocage s'adressaient à leur administration fiscale en leur demandant d'arrêter les recours jusqu'à la mise en place d'une législation spécifique du secteur. Malheureusement, cette loi n'est jamais venue. Alors, l'administration fiscale et établissements d'enseignement privé continueront de jouer au chat et à la souris. Un moment ou un autre, la première brandit la menace. Pour paraphraser la Fontaine, La seconde, sentant sa mort prochaine, ira chercher protection chez le Premier ministre, qui intervient à son tour. Après quoi, ce sera le calme qui précédera la prochaine tempête.
Comme le commerce du coin
Ce jeu pas si drôle continuera jusqu'en 1997, cependant le secteur de l'enseignement n'était pas au bout de ses surprises. A cette date la loi de Finances, dans une phase courte, mais non moins assassine, énonce l'amnistie pour le passé mais consacre la fiscalisation totale
pour l'avenir. Les professionnels de l'enseignement privé se sont sentis trahis, car jusqu'ici "les promesses faites par
les différents chefs de gouvernement parlaient des spécificités du secteur, alors que le texte de 1997 nous assimile au commerce du coin", explique Abdelali Benamor. Le problème reste donc entier, parce que le texte oublie le caractère social de ce métier qui bien que rentable se substitue quelque peu à l'Etat.
C'est en ce moment que les différentes associations ont senti la nécessité de se regrouper au sein d'un organe capable d'être leur porte-voix auprès des autorités publiques. Une fédération est créée au sein de la CGEM dans ce sens et sa présidence est confiée à Benamor. Mais, elle sera d'une éphémère durée. En effet, "la quasi-totalité la considérait comme un lieu de défense de la défiscalisation totale", explique son ancien président. Cette position était somme toute logique puisque l'administration fiscale campait sur ses positions, défendant la fiscalisation totale. "Quelques rares personnes prônaient une position que j'estime raisonnable, consistant à couper la poire en deux", poursuit-il. Mais ce faisant, "j'étais entre le marteau de la Direction générale des impôts qui ne veut pas parler d'exonération partielle et l'enclume de mes confrères qui ne voulait pas payer le moindre sous au Trésor". Quoi qu'il en soit, cette fédération n'aura pas duré plus d'un mois. Et de nouveau, le secteur se retrouvera dans une situation de blocage.
La Cosef ignorée
Entre temps, la Commission supérieure pour l'enseignement et la formation (COSEF) a été créée par Hassan II qui l'a chargé de réfléchir à une réforme profonde à la fois du public et du privé. L'une des principales idées était de faire du privé un partenaire pouvant canaliser jusqu'à 20% des effectifs de l'enseignement. Chose étonnante, cette recommandation de la Cosef sera la seule qui n'ait pas été suivie d'une application concrète. Elle restera lettre morte jusqu'à ce jour, bien que les professionnels aient décidé d'en faire l'une de leurs principales bases de revendications.
Quand en 2003, Dirss Jettou prend l'initiative de réunir toutes les associations représentatives de l'enseignement privé, les professionnels ne peuvent qu'approuver. Une vingtaine de présidents d'associations se retrouve alors en septembre et en novembre devant le Premier ministre
assisté bien entendu de son ministre de l'Enseignement supérieur, mais également de l'incontournable ministre des Finances dans ce dossier. Le langage, alors tenu par le Premier ministre, est jugé on ne peut plus ouvert. En réponse, les professionnels ont voulu être constructifs, mais restant fidèles à leur position de toujours. "Pour le passé, il faut une solution et pour l'avenir la mise en place d'un texte incitatif s'impose à la fois pour l'offre et pour la demande" se rappelle avoir défendu Abdelali Benamor.
Exonérations ?
En attendant Godot
Alors pour la demande, il fallait deux choses essentielles, conformément aux recommandations de la charte de la Cosef. D'une part, il fallait, déduire de la base imposable des parents, les frais d'études. D'autre part, il était urgent que l'Etat mette en place un système de crédit étude pour augmenter la solvabilité de la demande. Pour ce dernier point, la mise en place d'un fonds de garantie s'imposait.
Concernant la demande, Abdelali Benamor, se rappelle avoir proposé un système comparable à celui des exportateurs, c'est-à-dire une exonération partielle de 50%. Sur un registre qui n'est pas fiscal, il fallait procéder en toute urgence à l'homologation des filières de l'enseignement privé.
Car, il n'est pas normal que les diplômes délivrés pas ces établissements aient leur équivalence par rapport aux diplômes des universités publiques, partout dans le monde sauf au Maroc.
La chose était entendue. Driss Jettou leur répondra, dans un élan d'approbation, qu'il faudrait accepter le principe d'être fiscalisé d'abord. Ensuite, une réflexion devrait être ouverte sur la résolution de la question des arriérés depuis 1997. Par ailleurs, le Premier ministre semblait adhérer à l'idée d'une réduction d'impôts de 50%. Enfin, il a fait la promesse que le problème pédagogique serait réglé.
Rapprochement, mais pas d'accord
Mais que s'est-il réellement passé depuis cette date ? Force est de constater que pour l'heure aucune mesure concrète n'a été prise, bien que les positions se soient fortement rapprochées entre l'administration et les établissements privés d'enseignement.
En effet, en quittant ces deux réunions, le secteur qui était assez divisé s'est révisé et a demandé de revenir vers un collectif qui regroupe actuellement 9 associations, dont 4 de l'enseignement général, 3 de l'enseignement professionnel et 2 de l'enseignement supérieur. Ce collectif représentant par quatre personnes a produit un mémorandum dès février 2004, lequel a été envoyé au Premier Ministre. Ce que demandait Driss Jettou y est accepté, c'est-à-dire le principe d'être fiscalisé. Toutefois, le collectif désire toujours que les textes consacrent une fois pour toute la spécificité du secteur de l'enseignement.
Mais la question est de savoir, en retour, que propose le gouvernement pour sortir définitivement de cette crise ? Le bras de fer n'a finalement ait été gagné par aucune des parties, mais elles ont, toutes deux, décidé de faire un pas vers l'autre, sans pourtant se retrouver dans une position commune. En effet, le ministère des Finances, qui refusait l'amnistie totale pour le passé a fait la proposition d'amnistier entièrement les établissements qui doivent moins de 200.000 dirhams, sur la période écoulée. Et pour les autres qui en doivent plus, il leur a été proposé l'abandon des intérêts et des pénalités de retard.
Ces propositions du ministère des Finances étant jugées insuffisantes du fait que rien n'est en vue pour l'avenir, les professionnels font la moue. Ils demandent que l'amnistie soit totale, ce qui risque de bloquer la situation encore une fois. "Mon point de vue personnel sur la question est qu'il nous faut éviter de bloquer la situation. Cependant, il faut, d'une part, que le gouvernement relève la barre pour la porter à 400.000 dirhams, d'autre part, qu'il s'agisse d'une déduction dont toutes les entreprises d'enseignement pourront bénéficier et non pas seulement celles qui ont moins d'arriérés". Ce n'est pas seulement concernant l'offre que les progrès ont été minces, sur le champ de la fiscalité. Pour la demande, le refus de l'administration a été catégorique s'agissant de la déduction des frais d'études de la base imposable. Le seul point sur lequel, le gouvernement est finalement d'accord concerne la mise en place d'un fonds de garantie pour le crédit-étude. C'est donc une bien maigre avancée, puisque les professionnels estiment que l'unique progrès enregistré est d'offrir à l'enseignement privé que donne déjà le droit commun avec le code des investissements.
L'énième commission
Pour esquiver la question, le gouvernement propose de mettre en place une énième commission devant se pencher sur la question.
Or, s'il y a une seule chose dont les établissements privés semblent se méfier, c'est bien d'une commission devant réfléchir encore une décennie pour suggérer qu'une autre commission prennent le relais. Ils veulent une solution, mais pas n'importe laquelle.
Quoi qu'il en soit, ils ne veulent s'estimer vaincu sur la question de l'IGR des parents qui est la meilleure assurance pour développer rapidement le marché.
Alors qu'en matière d'IS, Abdelali Benamor, estime que les provisions pour investissement doivent être portées jusqu'à 100% du bénéfice fiscal, au lieu des 20% qu'offre la loi l'IS à toutes les entreprises.


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