Prouvant sa bonne foi en élevant au grade de général de corps de l'armée trois symboles du pouvoir réel, Mohamed Médiène, Ahmed Gaïd Salah et Abbès Ghezaiel, le président Abdelaziz Bouteflika, aurait ainsi garanti, sans heurts ni malheurs, une continuité au Palais d'El-Mouradia. Le temps nécessaire pour préparer le successeur adéquat. Washington n'était pas loin du compromis. Dans sa rubrique DIGEST de la semaine dernière, «La Gazette du Maroc» avait parlé d'un dîner rassemblant le chef de l'Etat algérien et certains anciens et actuels généraux de l'Armée et de la Sécurité militaire. Le but de cette rencontre consistait à trouver les dénominateurs communs sur le court terme. Notamment, après que les tiraillements au sommet entre Bouteflika et ses contestataires militaires autour de la modification de la Constitution avaient ouvert la voie à une confrontation directe consommée. «La Gazette du Maroc» avait indiqué que le président algérien avait répété que la réalisation de ses projets socio-économiques, sabotées ces trois dernières années et la consolidation de la position sur l'échiquier international sont ses priorités. Pour le reste, il laisse, dit-il, à ses frères et compagnons de route dans l'armée le soin de continuer à faire leur devoir pour sauvegarder la République contre vents et marées. Cela dit, Bouteflika donnera carte blanche aux généraux leur permettant de préserver leurs privilèges d'antan. Ces derniers, qui se sont multipliés aujourd'hui avec l'augmentation exceptionnelle des revenus des hydrocarbures qui devront, selon les dernières estimations, dépasser la barre des 50 milliards de $ à la fin 2006. Les conséquences de ce «New-deal» n'ont pas tardé à se manifester. En effet, quarante-huit heures après cette réunion au sommet de l'establishment algérien, le président de la République a multiplié ses sorties médiatisées aux côtés des généraux, choisissant l'académie de Cherchal pour principale scène. Mais la position la plus significative reflétant les termes du compromis, c'est la promotion, mardi dernier, des trois généraux-majors, à savoir, Mohamed Mediene (patron de la Direction des renseignements et de la Sécurité-DRS, ex-Sécurité militaire), Ahmed Gaïd Salah, et l'ancien commandant de la Gendarmerie Nationale, Abbès Ghezaiel (jadis bête noire de Bouteflika), au grade de général de corps de l'armée. 14 colonels ont également été promus généraux. La majorité de ces officiers sont les poulains des trois grandes figures de proue de l'institution militaire. Ce qui prouve que le chef de l'Etat a tenu tous ses engagements vis-à-vis de cette dernière. Dans ce même ordre visant à mettre en exergue ces New-deal, Bouteflika a tenu à organiser la cérémonie de promotion des officiers supérieurs de l'armée nationale populaire (ANP), à l'occasion de la célébration du 44ème anniversaire de l'indépendance, au siège du ministère de la Défense. Ces gestes de bonne volonté entrepris par le président ont mis fin, au moins dans le court terme, aux spéculations des uns et des autres, à l'intérieur du pays comme à l'extérieur. Dans ce contexte, les Français ont été les premiers à être surpris par ce rapprochement de dernière heure entre les deux parties. Ce qui veut dire que la «cohabitation» mise sur les rails aura tendance à très bien fonctionner. C'est ce qu'a assuré à «La Gazette du Maroc» un des influents généraux à la retraite qui a joué un rôle dans le marché conclu. Et celui-ci de préciser : «Le chef de l'Etat a enfin compris que ses décisions ne pourraient jamais être exécutées s'ils n'ont pas le cachet de l'armée, seule garant de la République et de ses institutions, y compris la présidence de la République». Indices tangibles Avec cet accord qui apparemment tiendra debout, les Algériens vont remarquer dans les mois voire les semaines prochaines, des offensives menées sur le plan politique de la part de Bouteflika. Celui-ci a choisi de les commencer en haussant de plus en plus le ton à l'égard de la France lui demandant de présenter des excuses pour ses actes les plus barbares durant la période du colonialisme. On apprend dans ce cadre que le gouvernement algérien s'apprête à «balancer» trois dossiers portant sur des litiges historiques avec la période du colonialisme français. Parmi ces dossiers, celui de la revendication des indemnisations aussi bien morale que matérielle. On laisse entendre que, pour la première, les Algériens ont chiffré ces indemnisations. Cette pression sur le pouvoir français en place, fait partie des points d'accord entre la présidence et l'institution militaire. Il semble que ces deux veulent s'ingérer dans les affaires internes de l'ancien colonisateur. Pour preuve, l'invitation par le FLN du premier secrétaire du Parti socialiste français, François Hollande, qui vient d'effectuer une visite à Alger ce dernier week-end. Un geste envers cette formation politique qui a pris une position claire sur la loi du 23 février initiée par l'UMP de Jacques Chirac, glorifiant la colonisation. Dans ce même ordre d' «ingérence» algérienne dans les affaires françaises, on apprend que la DRS de Mohamed Médiène, a, d'ores et déjà, mobilisé ses réseaux pour créer d'ici mai 2007, date des élections présidentielles en France, un vote algérien. Autre indice de ce New-deal, le ralliement à nouveau du Rassemblement national démocratique (RND), de l'ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahyia. Après avoir contesté la révision constitutionnelle qui permettra à Bouteflika de briguer un 3ème mandat, cet homme de l'armée a soudainement fait marche arrière. Il fera désormais campagne avec son adversaire juré, son successeur et secrétaire du FLN, Abdel Aziz Belkadem, pour soutenir le référendum sur cette révision. Ainsi, l'accord a soudé la coalition politique autour de la présidence de la République. Depuis, les montées au créneau des éventuels concurrents de Bouteflika à la présidence se sont vues nettement se rétrécir. Ni Mouloud Hamrouche, moins encore Sid Ahmed Ghozali, ne créent des occasions pour s'attaquer au pouvoir. Le mot d'ordre est déjà donné : il faut faire réussir ce référendum et obtenir le oui à la majorité écrasante. Mais les concessions la plus importante faite par Bouteflika à ses partenaires militaires ce sont les amendements présentés au conseil du gouvernement. Ce que les observateurs considèrent comme étant une remise en cause de la loi sur les hydrocarbures, présentée et défendue par Chakib Khélil, ministre de l'Energie et des Mines et l'homme le plus proche du chef de l'Etat. La nouveauté dans ces amendements, c'est la participation conséquente et systématique de la Sonatrach à l'exploration et l'exploitation des gisements. Ce qui lui autorise à disposer de 30 % en cas de découverte d'un gisement par un partenaire étranger. Cela ne peut que consolider les quotas consacrés à l'armée de la part de la «poule aux œufs d'or» qu'il est interdit de privatiser. En vertu des «clauses» du New-deal, respectées jusque-là par les deux parties, l'Algérie va connaître une «euphorie interne» sur le plan de la gestion des affaires. L'augmentation systématique qui se consolidera certainement avec un prix du baril au-dessus de 75 $ dans les prochains mois, devra rapprocher plus les deux principaux acteurs. Dans une telle situation encourageante, chacun aura facilement son compte. Et, par là, personne n'ira chasser sur le territoire de l'autre. C'est le conseil qui avait été donné par les Américains depuis quelques mois. Ces derniers ont, contrairement aux insinuations faites par quelques responsables algériens, leur mot à dire dans ce pays qui est en quête de devenir incontournable pour leurs intérêts géostratégiques en Afrique du Nord. Surtout, lorsqu'on commence à parler de l'octroi à la marine américaine d'une base sur les côtes algériennes.