Mais dans cette ville qui ne cesse d'évoluer, les clivages sociaux et raciaux installés par le protectorat sont féroces. Le mélange des genres est exclu. Les décors et les noms des piscines rappellent les pays tropicaux : Tahiti, Kon-Tiki, Tropicana, Acapulco… Les enseignes répondent aussi parfois au rêve américain de cette époque : Miami, Sun –Beach… Une piscine « Le Lac » édifiée sous le restaurant « La Réserve » s'adresse aux milieux fortunés. Elle se compose d'un terrain de Volley-ball, d'une piscine d'eau de mer (filtrée), d'un plongeoir et de rochers aménagés sur l'eau. Un journaliste parisien, Durand de Lompuy, dit Roland Lennad en fait l'acquisition pendant les années de guerre. Le lieu prend désormais le nom de « Sun- Beach » et devient un club privé. Le nouveau propriétaire est aussi champion de plongeon de haut-vol. Il a beaucoup de relations et les utilise pour ouvrir une piscine très fréquentée par les militaires américains (1942). La piscine du Sun Beach est creusée dans les rochers et protège parfaitement bien les nageurs. C'est un succès ! Lennad demande alors une concession aux Domaines. Il rajoute d'autres constructions : des estrades, des cabines, un pont-promenade, un snack et un restaurant. Lennad a un idéal sportif mondain : le Racing-Club de France. Il transforme donc le Sun en Club des clubs de Casablanca : le « CCC ». Mais en parcourant l'annuaire du CCC, du début des années 50, la politique d'apartheid du club ne fait aucun doute ! On compte trois musulmans et une dizaine de juifs. C'est paradoxalement une sorte de progrès. Le lieu était resté longtemps réputé comme étant « interdit aux Juifs et aux Arabes ». Lennad ne cache nullement son aversion pour certains groupes sociaux et il instaure des conditions d'admission plus que draconiennes. Il explique clairement « qu'en protégeant votre Club contre les indésirables, vous vous protégerez vous-mêmes… ». Tito Topin décrit d'ailleurs parfaitement le client typique du Sun-Beach de cette époque : « fils à maman, riche voyou raciste, protégé par l'amant de sa mère… ». Et déjà, à cette époque, être membre du Sun-Beach est un véritable signe de distinction sociale. Au Sun, tout n'est que sport ! Le club compte plusieurs équipes championnes de Volley et de water-polo. Il est très proche du monde européen des affaires.De grandes fêtes thématiques et des concours automobiles y sont organisés. Monsieur Hinnen, architecte fétiche de l'époque, tient les commandes. En 1955, Lennad meurt accidentellement. Après la transformation du Sun Beach, en club privé et pour répondre à l'attente des Américains, Lennad crée une nouvelle piscine voisine au Sun : le Miami. Les bassins sont aussi creusés dans la roche. Ce nouveau lieu de villégiature en principe ouvert à tout le monde, filtre en fait discrètement ses clients, par le prix d'entrée. Le lieu est aménagé par Hinnen. Mais là, c'est une tout autre histoire …