Après des tribulations qui ont duré plus de dix ans, Moulay Ahmed Laâroussi, alias «Chrif», est enfin tombé, le dimanche 14 mai 2006, à Temara, dans les filets de la police marocaine. Ce trafiquant en tout genre, lié à un réseau de banditisme national, avait sévi dans plusieurs villes du pays, notamment à Casablanca, Rabat, Temara, kénitra, Ketama… Compte tenu des nombreux chefs d'accusation retenus contre lui, dont le trafic de drogue, vols de voitures avec violence et usage d'arme à feu, enlèvement et séquestration, usurpation d'identité, Moulay Ahmed Laâroussi risque très gros. Récit de l'arrestation d'un bougre sans foi, ni loi, ni toit. Il a été cueilli dans son lit. À 2h du Matin. Ce dimanche 14 mai 2006, Moulay Ahmed Laâroussi, 35 ans, dormait encore d'un sommeil profond dans sa résidence à Temara lorsqu'il a été prévenu, par ses acolytes, de l'arrivée d'un commando de police. Dans sa somnolence, les yeux embués, il n'a pas pu bien regarder les policiers, les éléments de la PJ de Rabat et une brigade spéciale de la DGSN, venus en force pour le mettre hors d'état de nuire. Moulay Ahmed Laâroussi est abasourdi, hagard, ne comprenant pas ce qui lui arrive, oppose quand même une résistance farouche avant que les limiers ne lui passent les menottes. Le criminel, qui a échappé plusieurs fois aux filets de la police, a été démasqué grâce à un informateur qui a indiqué aux enquêteurs chargés de l'affaire sa dernière planque à Temara. Le butin qui va être récupéré n'est pas très gros eu égard à la stature du parrain et à l'importance du réseau : une bonne quantité de cocaïne et de chira, des objets et bijoux en or, une carabine de chasse avec 11 cartouches, de coutelas et trois voitures portant de fausses plaques d'immatriculation, trois cartes d'identité nationale, un permis de conduire et deux cartes grises falsifiées ainsi que 74 000 Dh. Banditisme national Pour démanteler le réseau Laâroussi, les enquêteurs ont dû mobiliser des moyens humains et matériels énormes. Le bonhomme n'est pas n'importe qui, puisqu'il a, jusqu'à présent, allègrement déjoué les pièges tendus par les services de police marocaine qui étaient sur l'affaire depuis la fin des années 90. L'homme le plus recherché du Maroc, que les corps de police et de gendarmerie du Royaume traquaient inlassablement, est tombé finalement dans les filets. Et avec lui, une poignée de trafiquants et une bonne brochette de policiers, accusés de complicité et de corruption. Au total, 34 accusés impliqués dans une grosse affaire de trafic de drogue et de corruption qui sont tombés les uns après les autres, comme un chapiteau de cartes. Complicité trébuchante En fait, Moulay Ahmed Laâroussi est un bougre sans foi, ni loi, ni toit. Un individu brutal qui s'attend au pire. Pour avoir fait un court passage à l'école à Ouazane (niveau secondaire), Laâroussi ne se fiait qu'à son instinct et à ses réflexes. À vrai dire, ce magouilleur, constamment excité, a fait dans tout ce qui est illicite et hautement juteux. Stimulé par des appuis imaginaires dont il se réclamait (il se faisait passer pour un membre de la famille royale d'où l'appellation de Chrif), rien ne freinait son appétit vorace de gagner de l'argent facile. Et il arrive à en gagner. Beaucoup. Son premier coup dans le banditisme, c'était lorsqu'il a réussi à écouler des sommes faramineuses de fausses monnaie marocaine qu'il a confectionné lui-même en achetant des quantités importantes de drogue à Ketama. Un coup de génie qui lui a permis de se convertir dans le trafic de drogue à grande échelle dans des villes comme Casablanca, Rabat et Kenitra. Le jeune Ouazani véreux faisait circuler autour de lui qu'il allait devenir, en un temps record, le parrain incontestable du Rif. Et pour le devenir, il cultivait à merveille l'art de la manipulation, principale qualité requise pour faire un baron de drogue idéal. À Rabat comme à Temara, son point de repli, Laâroussi tient tout le monde par le pouvoir de l'argent. Moulay Ahmed Laâroussi, communément connu sous l'appellation de “Chrif”, est un homme qui n'a peur de rien. Si ses semblables ont élu domicile au nord du pays, le fief des barons de la drogue, lui, par contre, a choisi d'implanter sa fourmilière dans la capitale même du pays. Il avait non seulement réussi à mettre sur pied un réseau qui fonctionnait comme une machine bien huilée, mais, en plus, il s'appuyait sur la complicité sonnante et trébuchante de quelques agents d'autorité. Un réseau bien organisé dans lequel il sélectionne tous les malabars du coin pour écouler la marchandise. Le secret de son passage aisé à travers les mailles du filet, c'est qu'il change de planque comme on change de chemise. Ce qui a rendu la tâche de son arrestation d'une extrême complexité, malgré la mobilisation de toute la police du pays qui s'est vue confier la photo de l'homme qui faisait l'objet de pas moins de 20 avis de recherche. Chefs d'accusation gravissimes Dès son arrestation, Laâroussi est vite passé à table. Il balance ses complices qui auraient travaillé pour lui dont, notamment, un brigadier à la préfecture de police de Rabat, Fouad Oulmaâti, qui s'est donné la mort en tirant une balle de son arme de service au ventre dans les toilettes du commissariat de police. Du coup, une première fournée de sept policiers sont suspendus de leurs fonctions par la DGSN et mis en examen par la BNPJ. Mieux encore, Laâroussi donne des pistes et des noms aux enquêteurs, dont l'un de ses complices et sbires, Rachid Sehait, arrêté également par les enquêteurs de la BNPJ. Celui-ci confirme les faits, donne les mêmes noms des protecteurs du réseau à Rabat et se prête même au jeu des confrontations. En attendant la conclusion de l'enquête, toujours en cours à la BNPJ, Moulay Ahmed Laâroussi et ses complices persistent dans leurs déclarations pour établir les connexions ainsi que la protection dont ils bénéficiaient dans leur activité illicite. Son interrogatoire poussé révélera, sans conteste, ses accointances dans le banditisme national. Les chefs d'accusation retenus contre lui sont nombreux : association de malfaiteurs, trafic national de stupéfiants, agressions et vols, vols de voitures et violences, faux et usage de faux, enlèvements, séquestrations et usurpation d'identité, port d'armes à feu et munitions sans autorisation, falsification de monnaie.