Vous avez là deux textes, le premier est de moi-même et publié dans un journal local en avril 2003 et édité sur ce même site en mars 2005,le second est de Nadia Yassine. Ce n'est pas par manque de galanterie que je mets mon texte en premier mais simplement par respect de l'ordre chronologique d'autant que le mien est antérieur au 16 mai 2003 et celui de mme Yassine en est postérieur. Est-ce vraiment le temps des incertitudes au Maroc ? A vos claviers ! Le temps des incertitudes, par assid avril 2003 La guerre des mots bat son plein. Elle oppose deux visions : la première veut que le Maroc aille à une grande vitesse, la seconde prône la prudence et la modération. Pour les tenants de la première, il faut brûler les étapes en préconisant des réformes tous azimuts allant jusqu'à demander une monarchie qui règne sans gouverner. Quant aux seconds, ils veulent "donner le temps au temps" et aller doucement mais sûrement avec une monarchie forte. Les uns veulent trop exhumer le passé et cherchent à dresser les responsabilités, les autres au contraire pensent en parler un peu pour l'inhumer définitivement et appliquer "la nation est clémente et miséricordieuse". D'un coté ceux qui veulent profiter de l'élargissement relatif des libertés publiques pour "tirer" sur tout ce qui bouge ; de l'autre, ceux qui cherchent à aller par étapes tout en ménageant la chèvre et le choux, évitant au pays ainsi une crise cardiaque. Les premiers ne craignent rien : ni le danger intégriste, ni la vague terroriste, ni les dérapages sociaux. Ils s'en prennent aux services de sécurité en les rendant responsables de tous nos maux. Pour les seconds, ces dangers sont réels et il faut les contenir, quitte à adopter des lois sévères et impopulaires d'autant que "le pays est encerclé". Les élites protagonistes derrière ces deux courants ont l'air de savoir ce qu'elles veulent. Et les citoyens ? Ils nagent ! Certains dans le sens du courant, d'autres à contre courant mais sans voir la rive. Les "deux pas en avant, un pas en arrière" du pouvoir ont déboussolé les citoyens qui se trouvent sans repères et craignent de mauvais lendemains. Est-ce le début du temps des incertitudes ? Le temps lui-même y répondra. Incertitude Par Nadia Yassine, le 06/07/2005 Le procès était bel et bien politique et son issue ne pouvait être qu'incertaine car incertitude et pouvoir marocain devient un euphémisme pour les initiés. Incertaine était cette initiative d'intenter un procès à une femme, intellectuelle, qui dans son intime conviction préfère un régime moins incertain et plus clair dans ses choix. Incertains étaient les juges qui géraient comme ils pouvaient la colère de la foule des avocats en attendant un mystérieux billet qui leur permettra de mettre fin à leur incertaine indécision. Incertaine est la séparation des pouvoirs lorsque le juge est téléguidé, les avocats humiliés et le tribunal assiégé par la force brutale sous toutes ses formes. Incertaine est la date du report. Incertaine et dangereuse est la leçon que le pouvoir voulait inculquer à la liberté d'expression. L'incertitude qui accompagne cette affaire est l'une des expressions de ce flou qui caractérise nos stratégies politiques. D'ailleurs ce pilotage à vue ne permet pas de parler de stratégie mais de tactiques qui n'ont qu'un seul but : faire durer... Faire durer l'impression que ce flou est un flou artistique et non pas un brouillard épais qui nous empêche de voir de quoi sera fait l'avenir du Maroc ? Faire durer comme on peut une situation qui devient invivable pour une jeunesse désabusée et suicidaire. Faire durer l'illusion grandiose d'une démocratisation imminente et d'un développement qui frappe à nos portes. Faire croire à la vitrine internationale que le Maroc avance. Il faut dire que pour avancer, nous avançons car nul ne peut arrêter la roue de l'Histoire mais nous avançons vers... quoi au juste ? C'est l'incertitude. Nadia Yassine