2013, une année solennelle par excellence. Pour les juristes d'abord, et les mordus d'histoire, de sociologie et des sciences politiques ensuite. Le Bulletin officiel et le Dahir des Obligations et des Contrats fêtent leur 100 ans. L'un et l'autre sont un concentré d'évènements, de visions, de projets puisqu'ils sont intimement liés à l'instauration du protectorat au Maroc. Décomplexons le débat : le DOC, à titre d'exemple, est un imposant lègue juridique et une bien particulière aventure intellectuelle. Ce n'est pas une mince affaire de faire coexister en terre d'islam deux mondes, deux cultures, deux systèmes. Comment faire cohabiter le droit musulman -qui est un droit naturel- avec le droit civil français, qui est un droit positif ? Une première démonstration parvint via le code civil tunisien de 1906. Celui-là même qui va, à l'instar du dahir du 13 août 1913, puiser ses principes dans le code civil français. Un siècle après où en sommes nous ? Planiol, éminent juriste français, écrivait au sujet du centenaire du code civil de 1804 que « Cent ans, c'est l'âge de la jeunesse pour une œuvre pareille.. » (1). De ce côté-ci de la Méditerranée, « le DOC a sans doute besoin, sinon d'une refonte, du moins d'un véritable élagage pour lui rendre une vigueur que le temps a malgré tout altéré. Mais un nouveau DOC ne s'impose guère et le fils ne peut renier le père », estime Azzedine Kettani, professeur de droit à la faculté de Casablanca. Egalement avocat, il est l'auteur d'une saisissante intervention, faite en mai 2004 à Marrakech, sur la nature de la filiation entre le code civil français et le DOC (2). Commémorer le centenaire n'a pas été épargnée par des querelles de chapelle. . souterraines. Les plus hauts représentants du monde judiciaire, notamment, ne jurent que par leur droit prioritaire à organiser la commémoration. Quitte à la laisser tomber lorsque des universitaires prennent en toute spontanéité les devants. Codes intoxiqués Au-delà des 100 ans du DOC, de biens embarrassantes questions persistent. Qui peut prétendre aujourd'hui avoir un Dahir des Obligations et des Contrats à jour, annoté et la disponibilité, de surcroît, d'une traduction officielle en langue arabe et française ? Hommes de droit, éditeurs et ministère de la Justice sont bien devancés par leurs homologues français. Chaque année, la prestigieuse maison d'édition Dalloz publie le code civil français annoté des dernières jurisprudences. L'histoire des codes intoxiqués mis sur la table par le Secrétariat général du gouvernement est révélatrice d'une certaine déchéance juridique et judiciaire (cf. L'Economiste du 23 novembre 2012). Le marché de l'édition est plombé par de « faux » codes : erreurs d'orthographes, omissions de ponctuations, lois non mises à jour. Le risque est là, voire des jugements rendus sur la base d'articles modifiés, abrogés. Au moment où le principe de publier les normes juridiques a été constitutionnalisé en 2001. Il va sans dire que la responsabilité de l'Etat et de ses finances se trouvent ainsi engagée. Le temps est venu de réhabiliter ce monument juridique qu'est le DOC : une version officielle d'abord et annotée ensuite. Faiçal FAQUIHI - L'Economiste (1) Planiol, Livre du Centenaire, tome 1, p. 961. L'ouvrage a été réédité en 2004 par les Editions Dalloz. (2) Bicentenaire du code civil de 1804, La présence du code civil dans le monde arabe Marrakech – 20 mai 2004. www.leconomiste.com