Chemkara”. C'est ainsi qu'on appelle cruellement les enfants des rues. Quand on se souvient de leur existence. Un mot et une attitude qui, à eux seuls, portent atteinte à la crédibilité d'un pays qui se veut solidaire. Ils sont dans la rue depuis quelques mois ou quelques années et pour beaucoup, elle est le seul refuge. Ils y fuient violence et misère et y trouvent violence et misère. Les jeunes qui ont investi l'espace rue ont le profil suivant : •Age : 7 à 18 ans •Sexe : fille ou garçon •Nationalité : marocaine •Origine : bidonvilles ou quartiers populaires surpeuplés, rural Parents : désunis ou mal unis, illettrés •Education : violence importante •Fratrie : nombreuse •Condition de vie : très modeste, misérable •Niveau scolaire : 0 à 2 années d'enseignement primaire •Expériences professionnelles : apprentissages divers correspondant plutôt à une exploitation économique chronique, voire esclavagisme •Qualités : témérité, intelligence de survie •Loisirs : rue •Perspectives futures : immigration Les parents des « enfants des rues » sont démissionnaires, ne savent plus jouer leur rôle. Le fatalisme aidant, ces parents baissent les bras, résignés, attendant une assistance de l'Etat- Providence. Plus alarmant, l'enfant représente très souvent la seule source de revenus pour une famille qui ne cesse de croître dangereusement. Le statut du père change ; il se dépossède peu à peu de son autorité parentale, du fait de la perte de son statut d'essentiel « pourvoyeur de fonds » de la famille. Ayant de plus en plus de mal à s'imposer par le verbe, il use de violence ou encore baisse les bras. Les liens affectifs sont exceptionnellement palpables. L'acte éducatif repose essentiellement sur les châtiments corporels voire de réelles tortures : brûlures, enfermement, enchaînement, coups entraînant des fractures… Un petit aperçu des types de familles : •Divorce ou tout simplement abandon du domicile conjugal par l'époux : femme et enfants livrés à eux-mêmes, sans aucune pension alimentaire. •Remariage d'un des parents : la nouvelle épouse (la belle-mère) martyrisant sans répit l'enfant renégat. •Mères célibataires : paria de la société marocaine, qui entraînent dans leur marginalisation, leurs enfants. •Adoptions sauvages : le jeune découvrant en préadolescence ses vraies origines. Il n'a souvent aucun statut légal, ne possédant pas d'état – civil. •Orphelins de père, de mère ou des deux, élevés charitablement par un parent, qui ne cesse de le leur rappeler. Parfois, placés dans un orphelinat, ils fuient car ne supportent pas la qualité de vie fournie. •Alcoolisme et toxicomanie paternels. •Prostitution maternelle.