(Il y a un bouquin de Gilles Châtelet, si j'ai bonne mémoire, qui s'appelle "Vivre et penser comme des porcs". Je ne l'ai pas lu mais j'adore le titre.) Souvent, quand j'ai une discussion un peu intelligente avec un vieux, il me sort l'argument ultime : "tu comprendras quand t'auras des enfants". Le problème n'est pas que je n'aime pas les enfants et que je n'en veux pas (même si c'est effectivement le cas). Le problème, c'est qu'aux femmes on demande de vivre et penser comme des poules. Comme si c'était une fatalité. Comme si ce n'était pas une envie culturelle, bien entretenue par la niaiserie ambiante, le but ultime : assurer la survie de l'espèce. Sauf que je ne pense pas avec mon corps, moi, et encore moins avec mon utérus. On ne demande pas aux Africains de jouer au tam-tam pour penser, alors qu'on ne me demande pas d'avoir des enfants pour comprendre le monde. Un autre argument que j'adore dans la série "lutte des sexes", c'est celui qui consiste à dire que les femmes ont toujours eu le pouvoir. Parce qu'elles font des enfants. Alors déjà, c'est hyper pas sympa de nier des millénaires de viols, de coups et d'esclavage domestique - franchement, une Afghane vous foutrait son poing dans la gueule pour moins que cela. Mais surtout, j'adore cette définition du pouvoir. Le foetus pousse dans ton ventre et tu accouches : tu peux être d'accord ou pas, être débile ou pas, c'est le même tarif. La maternité est sans doute le truc le plus passif qui soit, et on nous vante un merveilleux pouvoir. Moi, naïvement, je pensais que le pouvoir se choisissait et se contrôlait. Avant la contraception et l'avortement, comment on faisait ? Et même aujourd'hui, ce pouvoir n'est pas du tout évident. Les femmes violées tutsis et kosovares qui, pendant que vous lisez ce post, élèvent et battent des enfants dont le père pourrait être une quinzaine de mecs... elles ont un merveilleux pouvoir elles aussi, n'est ce pas ? Que des hommes emploient cet argument, cela peut passer pour de la frustration face à un truc qu'ils ne connaîtront jamais. Mais quand c'est une femme qui fait du négationnisme, là "ça me tue". Je sais que la plupart d'entre elles ne veulent pas être prises pour des victimes, que c'est vexant d'appuyer là où cela fait mal, qu'il est plus simple de refuser de voir le passé... mais moi je ne mettrai certainement pas ma fierté dans mon utérus. Si j'ai quelque chose à prouver, je préfère le faire avec mon cerveau. Allez... mieux vaut entendre cela qu'être une poule, après tout.